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La faute

Dans tout système de démocratie parlementaire, un débat de confiance constitue un de ces grands moments de la vie publique, et plus précisément des rapports entre les deux pouvoirs exécutif et législatif. On y voit le gouvernement requérir l’agrément de l’Assemblée, indispensable sauf-conduit l’habilitant à entamer, ou bien parfois poursuivre, son action. C’est tout naturellement alors que les élus ayant dénié leur confiance se constituent en opposition.

Passons maintenant de l’utile au futile. Le futile, c’est le morne rituel auquel les Libanais ont droit depuis que le dévoiement du système a fait de ces incontournables gouvernements d’unité nationale un fidèle reflet de la Chambre des députés. Par un désastreux mélange des genres, on a là un mini-Parlement, sorte de puzzle géant voué aux désaccords internes et qui, de par sa composition, court-circuite, annule, rend obsolète l’institution mère. La règle de solidarité ministérielle ayant elle aussi joué les zombies, c’est de l’intérieur même du gouvernement (et de l’intérieur seulement) que s’exerce désormais l’opposition.

C’est dire que dans notre pays, tout débat de confiance, tel celui entamé mardi, n’est plus rien d’autre que cirque télévisé agrémenté de dérisoires effets de manche et dont l’épilogue est tout tracé, connu d’avance. Seuls à être conséquents avec eux-mêmes, à voter non, sont généralement les exclus du gouvernement, en l’occurrence le parti Kataëb. Rares sont les surprises, comme celle que nous réservait l’autre jour ce bouillant général à la retraite accablant l’inamovible ministre des Finances, pourtant allié… de ses alliés.

Reste à déplorer les esclandres, les insultes, qui relèvent parfois de l’erreur politique magistrale, de la faute lourde. C’est bien le cas de cette énormité proférée par un député du Hezbollah qui mettait en parallèle un Bachir Gemayel élu président sous la pression des chars israéliens et un Michel Aoun porté à la magistrature suprême par le fusil de la résistance.

Or voilà qui était, tout à la fois, irraisonné, provocant, dangereux pour la paix civile et, par-dessus tout, suprêmement maladroit. Irraisonnés d’abord, ces propos, parce que d’ouvrir intempestivement le placard à squelettes vous expose inévitablement à un malencontreux effet boomerang, ce que n’a pas manqué de rappeler, dans une allocution musclée, le député Nadim Gemayel, fils du président élu assassiné en 1982. Car si durant la guerre de quinze ans des Libanais se sont vus contraints de s’allier au diable, la honte en rejaillit aussi sur ceux qui les y ont acculés en faisant passer par Jounieh la route de la Palestine ; cela sans parler de l’accueil enthousiaste réservé à l’envahisseur par une population du Sud largement chiite, plus tard tombée sous le charme iranien.

Provocante et périlleuse, la sortie l’était enfin parce qu’elle a mis en effervescence un large pan de la rue chrétienne, de même qu’elle suscitait des torrents d’invectives sur les réseaux sociaux. Qu’elle a ravivé la menace d’un retour au langage des armes. Qu’elle a même incommodé et embarrassé les chrétiens alliés au Hezbollah, et à leur tête le chef de l’État, qui s’est vu crûment rappeler, en plein Parlement, sa lourde dette envers les porteurs de fusils.

Bienvenu certes est le spectaculaire désaveu, accompagné d’excuses, auquel se résolvait hier le chef du bloc parlementaire de la milice, s’attirant ainsi un tonnerre d’applaudissements : initiative hors du commun et qui ne s’explique, tout compte fait, que par l’ampleur exceptionnelle des dégâts causés. Reste à espérer que la leçon sera retenue par les forts en gueule d’une milice peu encline à la modestie.

Dans l’intervalle, faute avouée est à moitié pardonnée. À moitié seulement.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com


Dans tout système de démocratie parlementaire, un débat de confiance constitue un de ces grands moments de la vie publique, et plus précisément des rapports entre les deux pouvoirs exécutif et législatif. On y voit le gouvernement requérir l’agrément de l’Assemblée, indispensable sauf-conduit l’habilitant à entamer, ou bien parfois poursuivre, son action. C’est tout...