Les États-Unis ont annoncé hier avoir livré pour la première fois à l’armée libanaise des roquettes à guidage laser, faisant partie du très sophistiqué système APKWS (Advanced Precision Kill Weapon System), lequel permet de transformer une roquette air-sol standard Hydra de 70mm en une arme intelligente à guidage laser.
L’annonce a été faite hier par l’ambassade des États-Unis à Beyrouth. Selon le communiqué publié par la chancellerie, les roquettes livrées à la troupe sont « d’une valeur de plus de 16 millions de dollars et constituent un élément essentiel du nouvel avion de combat Super Tucano A-29 dont les forces aériennes libanaises avaient été dotées ». Au cours des deux dernières années, six appareils Super Tucano A-29 avaient été livrés par Washington à l’armée.
Selon le communiqué de l’ambassade, cette nouvelle livraison d’armes qui vient s’ajouter à un équipement militaire évalué à plus de deux milliards de dollars, fourni par
Washington aux forces régulières depuis 2005, « prouve l’engagement ferme et constant des États-Unis en faveur de l’armée libanaise dont elle souhaite renforcer les capacités, en sa qualité de seule et légitime force de défense du Liban ».
Un motif récurrent dans le discours américain dès qu’il s’agit d’aborder les questions de coopération avec le pays du Cèdre. L’importance du nouveau don américain va ainsi bien au-delà du volet technique. Elle réside surtout dans le message politique qu’il véhicule et dans le timing de celui-ci. Ce que des sources militaires n’ont pas manqué d’ailleurs de confirmer à L’Orient-Le Jour.
La nouvelle livraison d’armes s’inscrit donc dans le prolongement d’une ligne politique américaine réaffirmée par le sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques, David Hale, lors de sa visite officielle à Beyrouth en janvier dernier. À partir de la Maison du Centre où il était reçu par le Premier ministre Saad Hariri, David Hale avait vivement critiqué le Hezbollah qu’il avait désigné comme étant « une organisation terroriste » et jugé « inacceptable qu’une milice agisse en dehors du giron de l’État ». Il avait été on ne peut plus clair sur l’engagement continu des États-Unis à soutenir les institutions officielles, l’armée et les forces de sécurité, pour qu’elles soient seules en charge de la protection des frontières et de la sécurité intérieure.
(Lire aussi : Nasrallah prêt à demander à Téhéran une aide militaire pour l’armée)
Réponse à Nasrallah et Zarif
Le timing du don d’armes sophistiquées américaines aux forces régulières, qui intervient quelques jours après un discours enflammé du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah et une visite officielle à Beyrouth du chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, tous les deux dans la ligne de mire américaine, ne peut donc pas être fortuit. À travers ce choix, Washington semble ainsi rappeler aux deux hommes qu’il ne permettra pas que le Liban soit livré à l’Iran et à ses alliés locaux, et que son implication dans le pays se concentre sur la consolidation des forces militaires et de sécurité, dans le but d’ôter à l’axe de la « moumanaa » le prétexte qu’il avance en permanence pour justifier les armes de la Résistance, à savoir l’incapacité de l’armée à défendre seule le Liban.
De sources militaires, on explique à L’Orient-Le Jour que l’éventail d’armement américain aux forces régulières ne fait que s’élargir. Il est vrai qu’il s’agit bien de la première fois que Washington fait don à l’armée de roquettes à guidage laser APKWS, mais les États-Unis ont déjà remis à la troupe des projectiles de haute précision antiaériens ou antichars, comme les Copperhead, les Hellfire ou encore les Tow, contribuant ainsi au développement et à la modernisation de son arsenal. L’efficacité de celui-ci a été prouvée durant la guerre des jurds contre les terroristes d’al-Nosra et du groupe État islamique, à la frontière avec la Syrie, selon les mêmes sources militaires.
Le communiqué de l’ambassade rappelle d’ailleurs que 80 % du matériel que possède l’armée libanaise a été fourni par les Américains, notamment des avions et des hélicoptères de combat, des tanks, des armes, des VTT et des tenues de protection. En plus de cela, les États-Unis ont mené de nombreuses activités de formation des soldats libanais.
L’initiative américaine résonne ainsi comme une réponse indirecte à Hassan Nasrallah, qui avait appelé les responsables libanais mercredi dernier à solliciter l’aide militaire de l’Iran et s’était dit « prêt à aller personnellement à Téhéran, pour amener à l’armée tout ce dont elle a besoin afin qu’elle devienne la plus forte de la région ». « Je suis même prêt à importer (d’Iran) un système de défense antiaérienne », avait lancé le leader chiite, qui avait également assuré que son parti ne resterait pas les bras croisés si jamais les États-Unis attaquaient l’Iran. Ses propos intervenaient quelques jours avant l’arrivée à Beyrouth de Mohammad Javad Zarif pour une visite officielle au cours de laquelle il avait affirmé que son pays est « prêt à tendre la main et à coopérer avec l’État libanais dans tous les domaines que celui-ci juge nécessaires ». À la même occasion, le ministre d’État pour les Affaires du Parlement, Mahmoud Comati (Hezbollah), soulignait que le gouvernement « doit être disposé à adopter une attitude positive à l’égard de tout pays qui veut aider le Liban afin de régler les problèmes du peuple », estimant que l’Iran a été « un pionnier en la matière ».
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Ce sont des gestes pas vraiment surprenants après la formation du gouvernement. Il faut s'en féliciter.
15 h 02, le 14 février 2019