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Liban - Social

Samir et Mounir : la vie dans la rue, à Beyrouth

Deux SDF vivant à Gemmayzé racontent leur quotidien.


C’est sous ce panneau « Escalier de Saint-Nicolas » que Samir, qui refuse d’être photographié, a installé son quartier général.

Au bas de l’escalier de Saint-Nicolas, à Gemmayzé, Samir passe le plus clair de sa journée à même le sol, sur de larges bouts de carton, tandis que Mounir s’assoit sur une rambarde non loin de là. Les cheveux grisonnants et la barbe longue, le premier, approchant des 64 ans, ne mendie pas. Le second, vêtu d’un long manteau noir et d’un chapeau, voudrait vivre d’un petit travail : aider les touristes qui souhaitent se prendre en photo.

À Beyrouth, il n’est pas commun de vivre dans la rue, mais quand on le lui demande, Samir, discret, préfère ne pas expliquer comment il en est arrivé là. Son ami le fait à sa place, brièvement : « Il est un peu perdu, et malade aussi. On va dire qu’il n’a pas eu vraiment de chance. » Mounir, lui, était musicien et danseur. « Je me suis blessé à la jambe, depuis ça a été juste une longue descente. J’ai tout perdu. J’ai un fils au Brésil, mais il n’est pas au courant de ma situation », raconte-t-il. Les deux sans domicile fixe évitent de se rendre dans les centres ou les églises du voisinage qui accueillent des personnes dans le même cas qu’eux. Les raisons sont multiples. « Ils ne nous aident pas vraiment », commente l’un. « Je ne me sens pas accepté là-bas », dit l’autre. Malgré la précarité de sa situation, Samir refuse de mendier. Ce n’est pas son genre, dit-il. Ce fervent croyant se plaît davantage dans la modestie. S’il arrive à survivre dans la rue, c’est principalement grâce à la générosité de quelques habitants du quartier et des passants qu’il peut rencontrer au cours de la journée. En ce mois de décembre, il porte plusieurs pulls, un pantalon noir et des chaussettes bleues. Mais pas de chaussures. Un habitué des environs vient lui apporter une tenue plus chaude. Le sexagénaire est heureux. Un large sourire se dessine sur son visage. Son bienfaiteur est abondamment remercié. Ce geste, qui passe pour beaucoup inaperçu, est ce qui justement le fait survivre. Mounir, plus terre à terre, fait remarquer avec une pointe d’amertume : « Les habitants du quartier aident moins que les étrangers qui sont les plus généreux en fait. » Pourtant, ce sont les habitants du quartier qui leur fournissent des tenues chaudes.

Les deux gaillards ne sont pas du genre à se laisser abattre, et ils ne vivent pas exclusivement à cet endroit, à la vue de tous. En face, entre deux immeubles, se trouve un terrain vague. C’est ici qu’ils ont construit un abri avec de grands morceaux de carton, et où ils se réfugient à tout moment. Sans accès à l’eau ni à l’électricité, cette « tente », comme dit Mounir, est mal isolée, cela ne fait aucun doute. Que ce soit dans les périodes les plus froides de l’hiver ou aux pics les plus chauds de l’été, chaque jour apporte son lot d’épreuves. La fatigue et l’anxiété, la faim qui les tenaille ou encore des pièces à réparer ou à reconstruire, comme récemment le lit cassé de Samir. « Parfois on fouille dans les poubelles, certains objets qu’on trouve peuvent être vendus, ça nous aide », raconte l’homme au chapeau.


« La pluie, on fait avec »
Dernièrement, la tempête s’est révélée être une épreuve plus rude qu’ils ne pensaient. La pluie incessante et les rafales de vent ont fait fuir les passants des rues. Habituellement animé, Gemmayzé était désert. Plus personne dans les rues signifie moins d’aide pour eux. Samir est contrarié, il avait reçu plus d’aide durant les vacances : « Pour moi cette tempête a été vraiment la pire. Elle était plus forte que ce que j’ai connu avant. Elle m’a blessé mentalement, je veux dire. Ça a été très difficile. » Tous les jours, pour tenir, le vieil homme s’en remet à Dieu et prie. Il souhaite transmettre le message de Dieu à quiconque est prêt à l’écouter. C’est aussi comme ça qu’il a traversé la tempête. « J’étais dehors, sous la pluie, et j’ai demandé à Dieu qu’il arrête de pleuvoir. Je n’en pouvais plus, et la pluie s’est arrêtée. »

Le discours de Mounir est un peu différent. « Nous sommes restés sous la tente. Nous attendions juste que l’orage passe, avec nos vestes sur les épaules. On essaye de faire face. La pluie, on fait avec, on ne peut rien de plus. » Plus pragmatique, son problème, ce n’est pas le temps qu’il fait à Beyrouth, même si les tempêtes rendent leur vie plus difficile. Ce qui le préoccupe, c’est sa situation en général. « Nous n’avons pas d’aides de l’État, rien pour nous en sortir par nous-mêmes. L’argent et la nourriture qu’on nous donne nous aident sur le moment, mais ce que je veux, c’est m’aider moi-même. C’est sortir de cette situation avec une solution permanente. » Mounir souhaite pouvoir exercer un vrai travail qui le sortirait de la rue, et la seule idée qu’il a en tête, c’est un appareil photo instantané. « Je n’aime pas vivre comme ça. C’est indigne. J’ai honte qu’on me voie ainsi », ajoute-t-il, le visage entre les mains. Pour l’heure, en attendant d’avoir son appareil photo ou qu’une âme charitable le lui offre, il propose ses services aux touristes qui se contorsionnent pour prendre un selfie sur les escaliers de Gemmayzé, où il a élu domicile avec Samir.


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Au bas de l’escalier de Saint-Nicolas, à Gemmayzé, Samir passe le plus clair de sa journée à même le sol, sur de larges bouts de carton, tandis que Mounir s’assoit sur une rambarde non loin de là. Les cheveux grisonnants et la barbe longue, le premier, approchant des 64 ans, ne mendie pas. Le second, vêtu d’un long manteau noir et d’un chapeau, voudrait vivre d’un petit...

commentaires (1)

Mission village a adeqouany avec claude khoury vous accueilleront tres bien et avec respect. Allez y et voyez!

mère brigitte may

08 h 26, le 25 janvier 2019

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Commentaires (1)

  • Mission village a adeqouany avec claude khoury vous accueilleront tres bien et avec respect. Allez y et voyez!

    mère brigitte may

    08 h 26, le 25 janvier 2019

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