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Économie - Focus

Pourquoi la loi n° 106 menace le secret professionnel, selon l’Aldic

Ce texte a été adopté par le Parlement en novembre sans être préalablement examiné en commission ni inscrit à l’ordre du jour de la séance.

La loi n° 106 impose aux intermédiaires et représentants légaux de divulguer, sur demande du fisc, les informations portant sur un ayant-droit économique. Yastremska/Bigstock

Plusieurs textes-clefs ont été approuvés par les députés lors de la dernière séance parlementaire de l’année qui s’est tenue le 12 novembre. Mais si l’opinion s’est surtout focalisée sur les mesures les plus symboliques (loi sur les disparus) ou fonctionnelles (crédits pour le fioul d’Électricité du Liban), un autre texte, introduit en cours de séance et voté dans la précipitation, est actuellement pointé du doigt par l’Association libanaise pour les droits et les intérêts des contribuables (Aldic).

Présentée comme une mesure à adopter en urgence, la loi n° 106 du 30 novembre 2018, publiée le 6 décembre au Journal officiel, modifie en effet le code de procédure fiscale pour introduire une obligation pour les intermédiaires prête-noms de divulguer l’identité de leurs ayants droit économiques, explique le président de l’association, l’avocat fiscaliste Karim Daher.


Représentants légaux
Selon le texte, le terme d’ayant droit économique désigne « toute personne physique, quel que soit son lieu de résidence, qui possède ou contrôle effectivement, directement ou indirectement une activité exercée par toute autre personne physique ou morale sur le territoire », selon la traduction de la loi disponible sur le site de l’Aldic. Les intermédiaires et les prête-noms peuvent de leur côté être des mandataires, des avocats ou des personnes appartenant à d’autres catégories de représentants légaux, contractuels ou de fait.

La loi n° 106 impose donc désormais à ces derniers de divulguer, sur demande de l’administration fiscale, « toutes les informations dont ils ont connaissance sur l’ayant droit économique des actions d’une société de capitaux ou des parts sociales d’une société de personnes ou encore l’ayant droit économique de toute activité ». Faute de quoi l’intermédiaire ou l’ayant droit s’expose aux mêmes pénalités que l’ayant droit confondu par l’administration fiscale. Le texte oblige de même les administrations et établissements publics, les municipalités ainsi que les autorités du secteur privé à coopérer avec le fisc.

Pour l’Aldic, l’entrée en vigueur de ce texte pose autant problème que les conditions dans lesquelles il a été adopté. « Ce texte confère de nouvelles prérogatives au ministère des Finances qui vont à l’encontre de l’obligation du secret professionnel qui incombe à certains métiers. Or le texte n’est même pas passé par les commissions parlementaires et a été adopté par les députés à la hâte et peut-être même sans avoir été lu par certains », souligne Me Daher.

Il précise que l’obligation érigée par la loi n° 106 avait déjà été imposée par une décision du ministère des Finances (1472/1 du 27 septembre 2018), mais que le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a jugé qu’elle devait être consacrée par une norme supérieure.

Disposition supprimée
« L’argument qui a été invoqué pour justifier le vote express du texte, c’est que le Liban risquait à nouveau de figurer sur la liste noire de l’OCDE, listant les pays non coopératifs en matière d’échanges d’informations fiscales », poursuit Me Daher. « Or on est en train d’appliquer, sans débat public ni amendements, les Mandatory Disclosure Rules (MDR), les règles communes obligatoires d’information qui permettent de dénoncer les dispositifs de contournement de la norme commune de déclaration (Common Reporting Standard, CRS) », déclare-t-il. S’il trouve « très positif » le fait que les autorités s’emploient à endiguer les « nombreuses fraudes et optimisations agressives », il regrette toutefois que les dispositifs mis en place ne soient pas affinés au cours de concertations préalables, notamment avec les professionnels tenus par l’obligation de discrétion et de confidentialité. « À ce titre, il est utile de relever que la norme MDR prévoit que dans le cas où l’intermédiaire est tenu par les règles de secret professionnel, il peut reporter son obligation déclarative sur le contribuable concerné par une notification écrite l’informant de l’obligation lui incombant, expose encore Me Daher. Or cette protection, qui avait été introduite par la loi n° 60 du 27 octobre 2016, a de plus été supprimée par la loi n° 106 modifiant le même article du code de procédure fiscale. » Me Daher considère enfin que le nouveau gouvernement, qui pourrait être formé cette semaine après huit mois de blocage (voir page 3), devra s’employer à corriger le tir à travers un projet de loi ou un décret permettant une meilleure application des textes à l’égard aussi bien des partenaires étrangers que locaux.

Le Liban n’est plus considéré comme un paradis fiscal depuis juin 2017 par les pairs du Forum mondial. Le pays a en effet signé le 12 mai 2016 deux conventions qui entérinent la norme CRS et a commencé à adapter sa législation en octobre de la même année, affaiblissant progressivement le secret bancaire en vigueur dans le pays.

Plusieurs textes-clefs ont été approuvés par les députés lors de la dernière séance parlementaire de l’année qui s’est tenue le 12 novembre. Mais si l’opinion s’est surtout focalisée sur les mesures les plus symboliques (loi sur les disparus) ou fonctionnelles (crédits pour le fioul d’Électricité du Liban), un autre texte, introduit en cours de séance et voté dans la...

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