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Moyen Orient et Monde - Entretien

« Les Russes veulent enfoncer le clou de l’annexion de la Crimée »

Isabelle Facon, spécialiste des politiques russes de sécurité et de défense, décrypte la situation dans la mer d’Azov entre Moscou et Kiev.

Entre Kiev et Moscou, la tension est brusquement montée d’un cran. Dimanche soir, le détroit de Kertch, seul point de passage entre la mer Noire et la mer d’Azov, a été le théâtre d’une escalade sans précédent entre des navires russes et ukrainiens. Trois bâtiments ukrainiens ont essuyé des tirs de navires russes, puis ont été abordés par des commandos du FSB (chargés des affaires de sécurité intérieure et des frontières). Les deux camps se rejettent la faute. Moscou a vu le passage de navires ukrainiens comme une « provocation », tandis que Kiev a dénoncé ce geste comme étant une « agression » contraire au droit maritime.

Cette escalade vient couronner des mois de tensions entre les deux pays, qui durent depuis le début du conflit en Crimée lequel va rentrer dans sa cinquième année. La Russie a annexé cette région en 2014. Que représente la mer d’Azov pour Moscou ? De nouvelles escalades sont-elles à prévoir ? Le point sur la situation avec Isabelle Facon, membre de la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des politiques russes de sécurité et de défense.


Quels sont les enjeux de telles opérations dans la mer d’Azov ?
Les Russes veulent enfoncer le clou de l’annexion de la Crimée. Si l’on regarde une carte de la région, ce sont maintenant les Russes qui ont le contrôle du détroit de Kertch, avec à l’est le territoire de la Russie et à l’ouest la péninsule de Crimée qui est maintenant, pour eux, une partie de leur territoire (les deux parties étant par ailleurs reliées par un pont inauguré en mai dernier par Moscou).

Depuis le début de l’année on a eu des cas de navires arraisonnés qui étaient plutôt des navires marchands. Pour l’Ukraine le but est de montrer qu’elle reste présente dans cette région et, pour la Russie, qu’elle est la principale puissance dans cette mer d’Azov et que les Ukrainiens ne peuvent pas déployer ce qu’ils veulent sans contrôle des autorités russes.


(Pour mémoire: Conflit en Ukraine : Le Drian accuse directement la Russie)


La Russie cherche-t-elle à faire passer un message pour dire que l’Ukraine n’a plus sa place dans les eaux d’Azov ?
En contrôlant le détroit de Kertch, Moscou veut montrer que la Crimée n’est plus ukrainienne, mais bien russe. Ce n’est pas la souveraineté ukrainienne sur la mer d’Azov qui est remise en cause. L’accent est plutôt mis sur le contrôle de l’accès à cette mer. Ces derniers temps, Kiev a déployé des bâtiments de guerre parce que les Russes ont commencé à rendre plus compliqué le passage des navires marchands ukrainiens. Ainsi le principal message de Moscou est de dire qu’aujourd’hui, le détroit de Kertch est “à eux” et que la Russie ne veut plus de bâtiments militaires ukrainiens dans la mer d’Azov.

Il y a d’autre part une volonté russe d’exercer une pression militaire sur l’Ukraine. L’idée des Russes est de rappeler que ce qui se passe dans le Donbass (région ukrainienne séparatiste) peut très bien se faire via des tirs de missiles depuis la mer d’Azov. Cela ne veut néanmoins pas forcément dire qu’ils vont le faire.

Kiev peut de son côté tenter de dramatiser la situation pour faire comprendre aux chancelleries occidentales que le conflit en Crimée n’est pas fini et qu’il ne faut pas baisser la garde sur le sujet. Le fait de parler de l’instauration de la loi martiale par le gouvernement ukrainien entre dans cette logique. Beaucoup d’hypothèses circulent également par rapport à la mauvaise posture du président ukrainien, qui pourrait utiliser la situation actuelle pour redorer son blason et prôner une image d’un chef d’État fort et qui ne se laisse pas faire.


L’Union européenne et l’OTAN ont exprimé leur soutien à l’Ukraine, mais peuvent-elles concrètement faire quelque chose contre Moscou ?
Leur soutien est assez logique dans la mesure où aucun acteur occidental n’a reconnu l’annexion de la Crimée. Concrètement, à part d’autres sanctions qui viendraient s’ajouter à celles déjà existantes contre la Russie, je ne vois pas ce que l’Occident peut faire de plus pour le moment. Tout va dépendre des futurs gestes de Moscou, et notamment de l’éventuel blocage du détroit de Kertch à la navigation, mais je ne les vois pas aller jusque-là.


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Entre Kiev et Moscou, la tension est brusquement montée d’un cran. Dimanche soir, le détroit de Kertch, seul point de passage entre la mer Noire et la mer d’Azov, a été le théâtre d’une escalade sans précédent entre des navires russes et ukrainiens. Trois bâtiments ukrainiens ont essuyé des tirs de navires russes, puis ont été abordés par des commandos du FSB (chargés des...

commentaires (3)

L'occident n'a pas su gérer et profiter de manière optimale de la transition post soviétique de la Russie. Trop de préjugés et stéréotypes continuent à alimenter son fonctionnement et sa diplomatie.. La Russie mérite une autre approche plus en équation avec ses réalités.

Sarkis Serge Tateossian

10 h 43, le 27 novembre 2018

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Commentaires (3)

  • L'occident n'a pas su gérer et profiter de manière optimale de la transition post soviétique de la Russie. Trop de préjugés et stéréotypes continuent à alimenter son fonctionnement et sa diplomatie.. La Russie mérite une autre approche plus en équation avec ses réalités.

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 43, le 27 novembre 2018

  • La Russie est vraiment un Etat parasite qui a cause tant de morts et souffrance dans le monde,et ici en l occurence contre l Ukraine un peuple frere slave. MOSCOU apres avoir annexe la Crimee veut controler la mer d Azov. Si l on n arrete pas le psycopathe ivrogne de Poutine,celui ci envahira les Etats Baltes.

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 51, le 27 novembre 2018

  • ADIEU LA CRIMEE. ILS N,EN SORTIRONT GUERE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 39, le 27 novembre 2018

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