L’animal politique qu’est Benjamin Netanyahu n’aime pas la prise de risque. En plus d’une décennie au pouvoir, l’homme à la rhétorique agressive, axée sur la sécurité d’Israël telle qu’il la conçoit, est le Premier ministre israélien qui a le bilan le moins élevé en termes de pertes militaires. Il n’a donné son aval qu’à une seule grande guerre, l’opération « Bordure protectrice » à Gaza en juillet-août 2014. Bibi, tel que l’appellent ses ennemis et ses alliés, n’est pas un va-t-en-guerre. Il n’est pourtant pas non plus un homme de paix, ni un fervent défenseur des droits de l’homme. Il n’hésite pas à montrer ses muscles pour s’assurer du respect de ses lignes rouges. Comme en témoignent les deux cents frappes aériennes répertoriées en Syrie ces dix-huit derniers mois, selon une source de l’armée israélienne, dont celle qui a conduit à la destruction d’un avion militaire russe, et le bilan macabre de plus de 250 morts à la frontière avec Gaza depuis mars dernier. Si jusque-là son attitude lui a plutôt servi, son récent refus d’engager son armée dans une opération de grande envergure contre la bande de Gaza et le cessez-le-feu annoncé par le Hamas pourraient lui coûter sa place, alors que les rumeurs d’élections anticipées vont bon train. Aaron David Miller, vice-président et directeur du programme Moyen-Orient au Wilson Center
(Washington) et ancien conseiller auprès de six secrétaires d’État américains, décrypte pour L’Orient-Le Jour le paradoxe Netanyahu, l’homme qui n’aimait pas la guerre et encore moins la paix.
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Comment expliquer que Benjamin Netanyahu, perçu comme une figure dure, ne se soit pas engagé dans plus de guerres durant ses années au pouvoir ?
Les gens confondent sa rhétorique et ses prises de position rigides avec l’idée qu’il est prêt à agir d’une manière très dure. Il est très réticent à prendre des risques, surtout quand il s’agit de projeter la puissance militaire israélienne, en particulier à Gaza. Détruire le Hamas équivaut à tuer ses chefs militaires, détruire ses capacités, ses systèmes de missiles et ses infrastructures de tunnels. Benjamin Netanyahu est très conscient du fait que détruire le Hamas implique une opération de grande ampleur qui, au final, n’aboutira qu’à la même situation survenue après les guerres de 2008, 2012 et 2014. Le retrait israélien de Gaza en 2005, ordonné par l’ancien Premier ministre Ariel Sharon, montre clairement qu’Israël n’a aucun désir d’occuper et d’administrer Gaza. Mais si les Égyptiens, qui ont été clairs, ne veulent pas le faire et que l’Autorité palestinienne ne peut pas le faire, alors la vraie question est : qui le fera ? M. Netanyahu ne veut pas revenir à une situation d’occupation de Gaza. Dans le même temps, il ne souhaite pas réclamer une solution plus globale au problème de Gaza, qui permettrait le retour de l’Autorité palestinienne et conduirait à l’union des territoires palestiniens. Il ne veut pas non plus conclure un accord de cessez-le-feu à long terme avec le Hamas, qui impliquerait une ouverture majeure de Gaza. Tant que la désunion des mouvements palestiniens perdure, que le Hamas contrôle Gaza et que vous avez un calme relatif le long de la frontière entre Gaza et Israël, cela sert les intérêts de l’État hébreu. Si le calme n’est pas assuré, il devient vulnérable, comme on l’a vu cette semaine.
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En quoi les divisions entre les Palestiniens jouent en faveur de Benjamin Netanyahu ?
S’il n’y a pas de partenaire unique, il ne peut y avoir de vraies négociations qui mèneraient à une solution à deux États. Le fait est que le Hamas est utile dans une large mesure pour maintenir le contrôle de Gaza. Les Israéliens ne veulent pas d’une situation où il n’y aurait pas de force sur le terrain qui a la capacité de maintenir l’ordre. Pour des raisons politiques, sécuritaires et liées au processus de paix, l’idée d’anéantir le Hamas à Gaza ne sert pas les intérêts d’Israël.
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Comment le Premier ministre israélien jongle-t-il entre idéologie et pragmatisme ?
Netanyahu pèse toujours le pour et le contre quand il s’agit de questions de guerre ou de paix. Dans une certaine mesure, cela explique sa longévité et sa ténacité. Moi qui l’ai rencontré à plusieurs reprises, j’ai pu constater qu’il est motivé par une idéologie, dans le sens où il souscrit à une vision du monde, une vision politique, à laquelle il croit profondément. Mais en même temps, il n’aime pas la prise de risque. Il se démarque des anciens Premiers ministres Sharon, Rabin ou Begin, qui étaient tous disposés à faire des paris risqués aux niveaux sécuritaire et politique. Il reste le seul Premier ministre du Likoud à avoir concédé un retrait territorial de la Cisjordanie. Netanyahu ne veut clairement pas d’une guerre. Mais sa conception de la paix est extrêmement contraignante. En ce qui concerne la question palestinienne, il est tout à fait disposé à maintenir ses relations avec la Jordanie et l’Égypte, et ne veut pas traiter la question palestinienne sur le modèle d’un règlement tel que défini conventionnellement. Sa perception de la paix est une solution au problème palestinien qui est loin de ce que les Palestiniens ou la communauté internationale sont prêts à accepter. Beaucoup de ce que Netanyahu fait ou ne fait pas est conçu pour maintenir sa coalition et se maintenir au pouvoir. En cas d’élections anticipées, je pense qu’il y a une chance qu’il puisse être réélu et qu’il soit capable de constituer une coalition.
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commentaires (7)
Alors pq c’est le Hamas qui a demander un cessez le feu ?! Loool
Bery tus
04 h 21, le 18 novembre 2018