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Liban - Rencontre

Moawad choqué par la légèreté avec laquelle le pays légifère

Michel Moawad.

La première expérience de Michel Moawad au Parlement a été, pour reprendre ses propres termes, pour le moins choquante. « C’est lors de la séance plénière que je me suis rendu compte de la légèreté avec laquelle on légiférait », lance-t-il. Dans sa résidence de Hazmieh, il raconte aux étudiants en master de communication politique de l’Institut des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, en présence de leur professeure, notre collègue Scarlett Haddad, et du directeur du master Pascal Monin, l’épisode qui illustre le mieux ses propos : « Lors du vote de la loi sur les crédits pour subventionner les intérêts pour les prêts au logement, j’ai remarqué, au moment où la Chambre était sur le point de voter la loi, qu’une erreur de calcul de 1 000 milliards de livres libanaises a été commise. » Et le député de poursuivre : « On proposait de voter une loi pour soutenir ce qui équivaut à 100 milliards de livres pour 4 000 dossiers chaque année, dans le cadre d’un plan échelonné sur cinq ans. Selon les députés qui discutaient de la loi avec le ministre des Finances, ce plan coûterait 500 milliards de livres. Or, ils n’ont calculé que les 4 000 dossiers de la première année, tandis que la deuxième année, il faudrait continuer à subventionner ces mêmes 4 000 avec 4 000 autres nouveaux, ce qui équivaut à 200 milliards par an, et à 300 milliards la troisième année, et ainsi de suite. Le plan coûterait à ce moment-là 1 500 milliards et non pas 500. »

« J’ai donc proposé de ramener le dossier à une commission spéciale qui l’étudiera sérieusement pour ne plus continuer à légiférer à la va-vite, enchaîne-t-il. Mais le président de la Chambre Nabih Berry a insisté pour voter une loi sur le logement le jour même. Il a donc décidé de subventionner des crédits pour un an au lieu de cinq, donc pour 4 000 dossiers, et laisser au gouvernement prochain la tâche de gérer le dossier plus tard. »

Cet épisode n’a pas manqué de choquer les étudiants qui se sentaient transposés dans les coulisses de la Chambre des députés. « Au Liban, les chiffres ne sont qu’une question de point de vue et de perspective », confie Michel Moawad. Le député de Zghorta semble d’ailleurs être un des rares parlementaires à se plaindre de ne pas pouvoir bien préparer tous les dossiers qui leur sont soumis. « Il faut commencer par accorder aux parlementaires un temps raisonnable pour étudier les propositions de loi. La dernière fois, on nous a soumis une vingtaine de projets 48 heures avant la séance ! » se plaint-il. Un étudiant lui demande alors s’il a fini par étudier tous les projets ? « J’ai réussi à préparer les 19 dossiers qui, à mon avis, étaient les plus importants. »

Selon le député, il est impératif de créer une opinion publique autour du travail de législation. « Aujourd’hui, le travail du député au Parlement et au sein des commissions ne lui apportera pas de voix supplémentaires aux prochaines élections, tout comme il n’a pas apporté de votes en moins aux députés qui n’ont jamais mis les pieds au Parlement durant tout leur mandat », dit-il. « N’était-ce ma volonté de travailler sérieusement, j’aurais pu ne pas le faire sans même qu’on vienne me réclamer des comptes. Les responsables au Liban ont tendance à faire trop de politique générale et très peu d’étude de dossiers », déplore-t-il.


(Pour mémoire : Relations libano-syriennes : Moawad se démarque de son bloc parlementaire)


Des choix et des projets
Interrogé au sujet de l’éventuelle réconciliation historique entre le leader des Forces libanaises Samir Geagea et le chef des Marada Sleiman Frangié, qualifié par l’un des étudiants comme « le rival de tous les temps de Michel Moawad », celui-ci affirme « qu’il est toujours bon de tourner la page ». « Quelles que soient les raisons politiques à court terme – et elles sont très claires – de cette réconciliation, il reste quand même important de la soutenir parce que les tactiques et les circonstances politiques changent, mais enterrer la haine restera », explique-t-il. « De toute façon, il vaut mieux fonder nos discordes sur fond de différends politiques plutôt que sur fond de rancœurs », ajoute le député.

Comme beaucoup d’autres responsables libanais, Michel Moawad est issu d’une famille politique. Ce qui lui a valu cette question : avez-vous choisi librement de faire de la politique ou avez-vous été contraint de suivre ce parcours ? À la surprise de tous, la réponse du député de Zghorta tarde à venir. Elle risquait même de ne pas venir du tout. « Je n’ai pas de réponse à cette question », lance-t-il au bout d’un moment. Et de poursuivre : « Cela fait 25 ans que j’essaie de répondre à cette question. J’ai finalement pris la décision moi-même, qui a été largement influencée par un certain poids moral. » Michel Moawad ne souhaite pas cependant que son fils René, âgé de 15 ans, fasse de la politique. En tout cas, pas avant qu’il n’ait assuré son indépendance financière. « D’ailleurs, j’ai l’impression que d’ici là je n’aurai plus grand-chose à leur léguer », lance-t-il avec une pointe humour.

Et sur quels dossiers compte-t-il concentrer son action parlementaire ? Le député de Zghorta cite en premier lieu la lutte contre la corruption qui, selon lui, revêt deux aspects : politique et administratif. « La vie politique pour les grands partis représente un coût très élevé, d’où leur recours soit à la corruption, soit au parrainage d’un pays étranger, ce qui est également une forme de corruption. Je travaillerai donc pour l’instauration d’une gouvernance électronique qui limitera remarquablement la corruption administrative », répond-il. Dans ce cadre, Michel Moawad fait remarquer que le Liban souffre du même déficit budgétaire depuis 1992, soulignant que « le problème est devenu systémique ».

« Je travaillerai également pour l’adoption d’une loi autorisant le mariage civil facultatif au Liban, au risque de provoquer les foudres des hommes de religion », ajoute-t-il amusé. « Les réformes et l’adoption de plusieurs lois relevant du statut personnel sont également sur la liste de mes priorités, parce qu’une société civilisée exige des lois civiles qui la régissent », conclut M. Moawad.


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La première expérience de Michel Moawad au Parlement a été, pour reprendre ses propres termes, pour le moins choquante. « C’est lors de la séance plénière que je me suis rendu compte de la légèreté avec laquelle on légiférait », lance-t-il. Dans sa résidence de Hazmieh, il raconte aux étudiants en master de communication politique de l’Institut des sciences...

commentaires (4)

IL VA AVOIR QUE DES ENNEMIS. SURTOUT CEUX QUI RÉCLAMENT À HAUTE VOIX LE MINISTÈRE DE TRAVAUX PUBLICS.

Gebran Eid

13 h 28, le 29 octobre 2018

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Commentaires (4)

  • IL VA AVOIR QUE DES ENNEMIS. SURTOUT CEUX QUI RÉCLAMENT À HAUTE VOIX LE MINISTÈRE DE TRAVAUX PUBLICS.

    Gebran Eid

    13 h 28, le 29 octobre 2018

  • Un député de conviction me semble-t-il. Un franc parler et un sens de devoir et d'intégrité ressort de cette interview

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 40, le 29 octobre 2018

  • LENTEUR ET LEGERITE EN PLUS DE LA CORRUPTION SONT LES PARURES DE NOS ABRUTIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 50, le 29 octobre 2018

  • tres sage tout ca, bravo

    George Khoury

    06 h 28, le 29 octobre 2018

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