Rechercher
Rechercher

Culture - Interview

Feu ! Chatterton et le courage des oiseaux beyrouthins

Les cinq drôles d’oiseaux du groupe français seront en concert pour la première fois au Liban le 17 octobre dans le cadre du festival French Vibes au MusicHall. Au programme : timbre éraillé, textes léchés, pérégrinations musicales aux influences rock pop, électro et même rap. Parole à Arthur Teboul, le chanteur du groupe.


Feu ! Chatterton, groupe nouveau né de la scène rock française : timbre éraillé, textes léchés, pérégrinations musicales aux influences pop rock, électro et même rap. Photo D.R.

Invités dans le cadre du festival French Vibes, avez-vous l’impression de représenter la France en venant au Liban ?

De représenter la France, je ne sais pas, mais en tout cas de porter un amour pour notre langue, oui. Plus que la France, la langue française, parce que celle-ci vient de partout. On ne se sent pas comme des ambassadeurs, mais comme des amoureux. Quand on est amoureux de quelque chose qu’on trouve beau, on veut le partager avec tout le monde parce qu’on se dit : « C’est incroyable comment cette langue est riche et belle. » D’ailleurs, je suis curieux de voir comment elle est parlée au Liban étant donné qu’il y a ces influences de plusieurs langues. Quand j’ai vu des Libanais à Paris, j’ai beaucoup aimé ce mélange : dans une même phrase de l’anglais, de l’arabe, du français. C’est une langue qui vit.

Que vous évoque la langue arabe ?

C’est une très belle langue. Après, elle nous est étrangère et, comme pour la plupart des choses qui nous sont étrangères, elle nous attire, elle est pleine de mystère. On fantasme aussi sur une forme d’âge d’or. Parce que notre deuxième album a été écrit entre Naples et l’Andalousie, dans les jardins de l’Alcazar et de l’Alhambra qui sont en fait des palais arabes. C’est tout l’empire d’al-Andalous : une sorte de faste, de rencontre entre l’Europe latine et le monde arabe. Cela nous fascine parce qu’il y a une suspension, une sorte de sagesse millénaire. Cette grandeur-là, elle nous fascine, même si elle reste abstraite. C’est d’ailleurs ce qu’on pourrait reprocher aux orientalistes quand ils sont venus peindre des odalisques ou des caravanes. Ils avaient une vision très ethnocentrée du monde arabe, mais il y a quand même, on ne peut pas le nier, dans cette peinture-là une sensualité, un mystère qui sont attirants, un charme qui pour l’instant nous est lointain et nous semble exotique. On espère le connaître et confronter un peu nos visions fantasmées à la réalité.

On sent une métamorphose entre votre premier album « Ici le jour (a tout enseveli) » et ce que vous proposez cette année avec « L’Oiseleur ». Comment décririez-vous cette transformation ?

C’est assez simple. Dans notre musique, on est guidé par une forme de mélancolie : elle nous nourrit, c’est du fioul pour nous. Mais dans le premier album, cette mélancolie était assez noire. On peut facilement voir les choses avec noirceur et complaisance envers sa propre tristesse. On se retrouve à dire : « Ah ! c’est beau, mais ça va passer ; cette fleur est belle, mais elle va faner ; cet amour que j’ai vécu là, il connaît son sommet et il y aura forcément une chute. » Disons que le premier album était imprégné de cette forme de belle douleur. Le second, c’est le contraire. Il y a toujours cette mélancolie, mais elle est lumineuse. Les chansons parlent de ruptures, de choses perdues qui ne reviendront pas. Mais à chaque fois pour les célébrer. Pour dire : souvenons-nous de cette beauté qu’on a vécue et gardons-la vivante au fond de nous-mêmes.

La thématique de l’oiseau occupe une place de choix dans l’imaginaire de votre nouvel album...

Quand on écrit des chansons, c’est comme si elles étaient en avance sur nous-mêmes. En travaillant sur l’album, nous avons été guidés par un instinct, un plaisir d’écrire, de jouer. Les chansons se sont faites de manière un peu accidentelle. Une fois l’album fini, on s’est dit : « Tiens, c’est comme s’il était traversé par plein d’oiseaux. » Un oiseau parfois drôle et parfois touchant, mais toujours un oiseau que l’on veut chérir. L’oiseau est le symbole de choses qui passent et qu’on essaye de garder. On a parfois l’impression qu’il est habité par une âme ancienne : il pourrait venir du passé, nous rappeler un paradis perdu. Tout comme arriver du lointain pour nous dire qu’il existe une terre promise. Entre songe et réel, à l’image des sentiments qu’on a essayé de donner dans le disque. Des presque-rien comme la douceur d’une caresse, le frétillement d’un châle rouge dans le vent de l’été, l’odeur d’une peau ou d’un arbre, le goût d’un fruit. Ces toutes petites choses qui révèlent en quelques microsecondes l’intensité de la vie.

Lors de vos concerts, vous passez d’une chanson à une autre grâce à des transitions faites de mots et de phrases qui rythment le concert. Au Liban, allez-vous les réadapter au contexte du pays ?

Ce qui est vraiment agréable et qu’on a rarement l’occasion de faire, c’est que l’on va arriver à Beyrouth quelques jours avant le concert. On va donc être dans un certain état d’esprit, une certaine ambiance, avant de monter sur scène... Je préfère ne pas trop prévoir parce que je sais qu’on va être porté par ce qu’on aura vécu les jours d’avant, l’énergie qu’on va découvrir dans le pays. Et d’ailleurs, même si les interventions entre chaque morceau vont d’un point à un autre et peuvent donc être répétitives, elles ne sont jamais écrites. J’essaye toujours d’être là dans l’instant et de voir ce qui vient. Je ne peux donc pas vous dire, pour moi-même ça sera une surprise. Tant mieux !

Est-ce que vous avez déjà joué dans un pays non francophone ?

Oui, nous avons fait une tournée en Équateur et en Colombie. Là-bas, au-delà de la barrière linguistique, la culture musicale n’est pas la même : on ne danse pas sur du rock ou sur de l’électro. Et pourtant, c’est pour ça qu’on fait de la musique : ce n’est pas que des mots. Les gens qui viennent nous voir sont touchés par autre chose. Par l’énergie, l’urgence, l’intensité de l’instant. Le fait qu’on soit un groupe, qu’on joue à cinq et qu’on partage sur scène ; ça a quelque chose de très jouissif. Ça se transmet et c’est contagieux. Malgré la barrière de la langue, on a réussi à transmettre une atmosphère poétique et charnelle.

Le dandy survivra-t-il en pays chaud et moite ?

J’ai l’habitude moi, je suis un homme du désert. J’ai le sang froid. On m’appelle d’ailleurs l’homme oignon parce que j’ai toujours de multiples couches quel que soit le temps. C’est comme au sauna : on ne s’inquiète pas au sauna. Il suffit de se mettre dans cet état contemplatif, de marcher lentement et de manger un fruit juteux en le savourant lentement.

Invités dans le cadre du festival French Vibes, avez-vous l’impression de représenter la France en venant au Liban ? De représenter la France, je ne sais pas, mais en tout cas de porter un amour pour notre langue, oui. Plus que la France, la langue française, parce que celle-ci vient de partout. On ne se sent pas comme des ambassadeurs, mais comme des amoureux. Quand on est amoureux de...

commentaires (2)

Magnifique ce groupe !!

Le Tigre

01 h 23, le 25 juillet 2023

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Magnifique ce groupe !!

    Le Tigre

    01 h 23, le 25 juillet 2023

  • Des illustres inconnus!!!

    Eleni Caridopoulou

    17 h 22, le 15 octobre 2018

Retour en haut