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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Crise Russie-Israël : une tempête dans un verre d’eau ?

Malgré l’accident du 17 septembre, Tel-Aviv et Moscou devraient pouvoir retrouver un modus vivendi en Syrie.

Vladimir Poutine et son homologue israélien Benjamin Netanyahu. AFP Photo archives/Ria-Novosti Pool/Alexey Druzhinin

La dernière séquence ne ressemble pas à ce à quoi nous avaient habitués ces deux pays un peu moins qu’alliés, mais un peu plus que partenaires. Si les Israéliens ont, semble-t-il, tout fait pour calmer la crise et rassurer la partie russe, Moscou a, au contraire, volontairement fait monter la sauce. Pensant avoir identifié un appareil israélien, l’armée syrienne aurait tiré le 17 septembre dernier dans le tas et fauché l’avion russe véhiculant quinze âmes à son bord. Une bévue que le Kremlin s’est empressé de mettre sur le dos d’une ruse de l’armée de l’air israélienne, celle-ci consistant à camoufler quatre F-16 israéliens dans le signal radar de l’avion russe. Sollicitant l’expertise de pilotes retraités ou actifs, la presse étrangère a invalidé cette thèse, dont le premier prétexte pour Moscou serait d’épargner à son opinion publique et au monde l’étendue des incuries de son allié syrien.

Cela n’a pas empêché les médias russes subordonnés au Kremlin de relayer des appels à la vengeance contre l’État hébreu, s’appropriant les grands « classiques » de la critique envers Israël, comme l’impunité, et affichant parfois des titres aux relents complotistes, tels que « Affaire Skripal : comment le Mossad aurait-il mené une telle opération ? » (Spoutnik, 29 septembre). L’agacement est palpable en Israël, où un commentaire de feu Menahem Begin sur les massacres de Sabra et Chatila a été remis au goût du jour par un journaliste du Jerusalem Post : « Des non-juifs tuent des non-juifs, et ils accourent pour pendre les juifs. » Si la presse israélienne dans son ensemble est restée plutôt affable, les rubriques « courrier des lecteurs » mentionnent pêle-mêle les goulags, les purges de 1936 ou encore l’affaire Nathan Charansky, du nom d’un juif soviétique détenu en camp de travail sibérien pendant neuf ans, après s’être vu successivement interdire d’émigrer en Israël, et accusé d’espionnage pour le compte des États-Unis.

Au sommet de l’État hébreu personne ne semble considérer que l’accident du 17 septembre est un tournant dans les relations israélo-russes, telles qu’elles ont évolué depuis l’effondrement de l’Union soviétique. Surpris en pleine veille des célébrations de Yom Kippour, la classe politique israélienne a dans un premier temps très peu communiqué sur ces événements. Deux jours ont passé avant que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ait notifié à la presse son entretien avec le président russe Vladimir Poutine, près d’une semaine avant qu’il ne s’exprime proprement sur le sujet, peu avant son départ pour New York. Dans l’intervalle, l’armée israélienne, en la personne de son porte-parole Ronen Manelis, s’est trouvée esseulée sur le front de la hasbara, littéralement « explication » en hébreu, un terme générique pour désigner l’exercice délicat de justification des faits et gestes d’Israël au reste du monde. Que le bureau du Premier ministre ait dans un premier temps délégué la hasbara à l’armée peut s’interpréter comme une tentative d’apaisement, de ramener l’événement à sa stricte dimension militaire en refusant d’avancer sur le terrain politique du Kremlin.


(Lire aussi : Avion abattu en Syrie : les "informations trompeuses" d'Israël ont provoqué le crash, selon l'armée russe)


Équilibre stratégique inchangé

Dans une note du 27 septembre pour l’Institut national des études sécuritaires de l’Université de Tel-Aviv, Amos Yaldin, ancien général de l’armée de l’air israélienne et ex-chef de la direction du renseignement militaire, affirmait que « la crise actuelle ne change pas l’équilibre stratégique. Les intérêts israéliens et russes demeurent fondamentalement alignés, ce qui devrait permettre aux deux parties de surmonter la crise ». L’équilibre est atteint par le fait que la Russie peut compliquer la tâche d’Israël, en étoffant son propre système de défense antiaérien et celui de l’armée syrienne, mais qu’en retour, Israël est le seul acteur de la région en mesure de compromettre la survie du régime de Bachar el-Assad. Ce qu’il en coûterait à Tel-Aviv en coûterait au moins autant à Moscou. Dans une certaine mesure, les raids israéliens sur les cibles iraniennes ou affiliées servent les intérêts russes, car ils ramènent l’influence de Téhéran en Syrie à des proportions « utiles » qui n’excèdent pas trop ses propres ambitions. La retenue adoptée par Benjamin Netanyahu et Avigdor Libermann laisse entendre que Tel-Aviv consent partiellement à faire office d’alibi au pouvoir russe, dont les instructeurs militaires coopèrent étroitement avec les forces syriennes au sol, et partagent donc la responsabilité de leurs victoires écrasantes, comme de leurs erreurs patentes.


(Lire aussi : Syrie : Russes et Israéliens d’accord pour calmer le jeu)


Une capacité de nuisance significative

Moscou devrait avoir du mal à imposer de nouvelles lignes rouges à Israël en Syrie. Les observateurs israéliens sont partagés quant à l’effet des batteries S-300 sur la liberté d’action de leur armée de l’air dans ce pays. La livraison des systèmes à Damas aurait déjà été amorcée par Moscou par mesure de rétorsion à l’égard d’Israël. La presse israélienne est quasi unanime sur le fait que si les S-300 ne vont pas couper les ailes de leur armée, ils auront une capacité de nuisance significative et pourraient mettre en danger les pilotes opérant dans le ciel syrien. Mais l’establishment sécuritaire est beaucoup plus confiant. « Le transfert des systèmes S-300 (…) n’est pas susceptible de changer les motivations et les actions d’Israël », affirme Amos Yaldin dans la note qu’il cosigne avec deux autres chercheurs. « Il n’y aurait rien de nouveau si les systèmes S-300 étaient déployés par les Russes en Syrie, étant donné que la Russie a déjà mis en place des S-400 plus avancés. De plus, Israël s’est préparé depuis plus d’une décennie à des opérations syriennes utilisant les S-300, et a développé son système d’armement précisément pour faire face aux S-300, notamment les chasseurs F-35, exactement élaborés pour frapper de tels systèmes. Un tel scénario nuirait à la réputation du système de défense aérien russe », poursuivent-ils.

Le Kremlin n’a naturellement pas précisé si la livraison des S-300 avait été conditionnée, par exemple, à une tutelle accrue du personnel russe sur l’armée syrienne. Dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, Benjamin Netanyahu a répété qu’Israël poursuivrait ses raids en Syrie. Si les remontrances publiques sont réservées à Israël, « le problème-clé souligné (par les événements) est l’incompétence du régime syrien, qui est plus dangereux pour ses partenaires que pour ses ennemis », ainsi que le souligne l’expert sur le conflit syrien Charles Lister, dans une note récente pour le Middle East Institute.


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La dernière séquence ne ressemble pas à ce à quoi nous avaient habitués ces deux pays un peu moins qu’alliés, mais un peu plus que partenaires. Si les Israéliens ont, semble-t-il, tout fait pour calmer la crise et rassurer la partie russe, Moscou a, au contraire, volontairement fait monter la sauce. Pensant avoir identifié un appareil israélien, l’armée syrienne aurait tiré le 17...

commentaires (3)

il ne vas rien se passer ils vont passer dessus comme tant d'autre … n'oublions le pb survenue entre l'egypte et israel dans les annees 50-60 et quand la russie a envoyer des missiles etc a l'egypte … israel et la russie c'est une longue histoire

Bery tus

23 h 26, le 01 octobre 2018

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Commentaires (3)

  • il ne vas rien se passer ils vont passer dessus comme tant d'autre … n'oublions le pb survenue entre l'egypte et israel dans les annees 50-60 et quand la russie a envoyer des missiles etc a l'egypte … israel et la russie c'est une longue histoire

    Bery tus

    23 h 26, le 01 octobre 2018

  • Pas si sûre que ça, les RUSSES ne sont pas aux ordres disrael comme le sont les occidentaux . C'est un tournant dans le conflit syrien qui ne va pas dans le sens du crime d'État perpétuel.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 21, le 01 octobre 2018

  • LA COOPERATION RUSSO/ISRAELIENNE CONTINUERA. LE RUSSE A PROFITE DE L,AFFAIRE DE SON AVION ABATTU POUR RENFORCER LA DEFENSE DE SES BASES EN SYRIE... EN PREVISION D,UNE GUERRE REGIONALE A GRANDE ECHELLE... ET NON LA DEFENSE SYRIENNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    01 h 38, le 01 octobre 2018

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