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Liban - Patrimoine

La place de la cathédrale Saint-Georges d’Ehden menacée par un projet de parking

Pour empêcher l’image de la colline historique d’être défigurée, un sit-in est prévu demain sur la place centrale du village.


Une vue d'ensemble de la Ketlé à Ehden.

La cathédrale Saint-Georges d’Ehden, perchée sur une petite colline appelée familièrement « al-Ketlé » (colline en cananéen), au cœur du Midane, le centre-ville d’Ehden, rassemble depuis toujours les fidèles du village tous les dimanches matin. Depuis quelques jours, elle les divise.C’est le projet d’aménagement d’un parking sous cette colline historique qui fait polémique. Ce projet prévoit l’excavation du site et suppose donc en un premier temps le démantèlement des murs d’enceinte de la colline puis sa reconstruction à l’identique une fois le parking aménagé. Envisagé par la paroisse de Zghorta-Ehden, propriétaire du terrain, qui est bien un « wakf » (bien de mainmorte), le projet a de farouches partisans et de non moins farouches adversaires. Le parking, prévu pour 170 véhicules, devrait régler le problème des embouteillages durant la haute saison estivale de ce coquet village (juillet et août). Le problème véritable, rétorquent les adversaires du projet, c’est que cette présumée solution ne s’inscrit pas dans un plan d’aménagement global du centre-ville, ou encore dans un plan de circulation et de réduction des embouteillages. Elle risque donc d’être aussi onéreuse qu’inutile.

Pour les activistes et les habitants opposés au projet, la « Ketlé » fait partie intégrante de l’héritage d’Ehden et de son histoire. Il ne faut donc pas y toucher.

Les partisans du projet assurent, en retour, que le site restera tel quel, avec la valeur ajoutée d’un parking. Et de préciser qu’en tout cas, une partie du mur antique entourant la colline doit être restaurée.

Pour la paroisse de Zghorta-Ehden, présidée par le Mgr Stéphane Frangié, le projet permettrait de « faire d’une pierre deux coups » : restaurer et excaver pour construire le parking. « Rien ne changera, lance Ziad Makary, architecte et professeur à l’Université libanaise, à L’Orient-Le Jour. Les pierres du mur seront remises à leur place une fois le parking construit, et au cas où des vestiges archéologiques seraient découverts, comme le souhaitent et redoutent certains, les travaux s’arrêteront et on travaillera pour les mettre en valeur. »

Pour M. Makary, le seul véritable dommage sera qu’il faudra arracher deux deux grands cèdres adjacents à la statue de Youssef bey Karam, dressée sur la place de l’église. « Les véhicules garés d’habitude le long des murs seront accueillis par le parking, ce qui élargira la rue et facilitera la circulation », plaide-t-il avant d’ajouter qu’idéalement, « tout le centre-ville du village devrait devenir zone piétonne ». M. Makary a finalement invité au dialogue adversaires et partisans du projet, conseillant à ces derniers de jeter un coup d’œil sur les plans.

L’architecte chargé de réaliser le projet, Kabalan Dahdah, abonde dans le même sens : « Le projet ne nuit aucunement ni à la colline ni à la cathédrale. Il tient compte d’une étude géologique rassurante à ce niveau, réalisée il y a 15 ans, en collaboration avec la Direction générale des antiquités, comme d’une étude d’évaluation de son impact sur les transports. »Joint au téléphone par L’OLJ, César Bassim, président de la municipalité de Zghorta-Ehden, nous confie que « le conseil municipal n’a été officiellement informé du projet que très tardivement ». « Nous sommes dans une phase de discussion avec toutes les parties et nous prendrons une position officielle lorsque le projet sera débattu au sein du conseil », ajoute-t-il avant de préciser que la municipalité a chargé une compagnie de trouver une solution au problème des embouteillages à Ehden, tout en se basant sur un ancien plan d’aménagement global du village «.


La « Ketlé » et l’histoire d’Ehden

« Certains prétendent que les murs d’enceinte de la Ketlé ne sont pas très anciens et, par conséquent, ne font pas partie de l’histoire du site », explique Boulos Douayhi, architecte et géographe opposé au projet. « Or, reprend-il, l’ancienneté de ces murs n’est pas le seul critère à retenir. La colline – la manière dont elle domine le centre – fait partie de l’imaginaire collectif, et c’est important en soi. » Et de relever qu’elle a été l’un des motifs préférés du peintre Saliba Douayhi.

Pour M. Douayhi, par ailleurs, remettre les pierres à leur place n’est pas aussi évident. « Certaines pierres sont tellement anciennes qu’il sera difficile de les travailler ; ce véritable travail d’artisan coûtera cher à la paroisse », explique-t-il avant de s’interroger : « Que ferons-nous si, au bout du chemin, les responsables qui ne cessent de se plaindre de l’absence de financements décident de remplacer ces pierres par d’autres dont le montage est moins cher par manque de ressources ? »

En réponse à ceux qui se prévalent de l’aménagement de parkings souterrains au-dessous des sites archéologiques dans les villes européennes, M. Douayhi rappelle que la Ketlé n’est pas un simple espace physique, mais qu’elle est comme dotée d’une personnalité. « De surcroît, ajoute-t-il, une étude géologique générale ne suffit pas pour évaluer la situation des différentes couches de son sol. Une nouvelle étude détaillée doit être menée puisque ces couches sont en mouvement continuel en raison, entre autres, des nappes d’eau souterraines », met-il en garde. Selon M. Douayhi, n’était-ce la protestation des villageois, les responsables du projet allaient procéder sans avoir les permis qu’il faut.

Un sit-in est prévu, demain, sur le Midane d’Ehden en signe de protestation contre un projet de prestige qui, selon ses adversaires, ne va rien régler.


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La cathédrale Saint-Georges d’Ehden, perchée sur une petite colline appelée familièrement « al-Ketlé » (colline en cananéen), au cœur du Midane, le centre-ville d’Ehden, rassemble depuis toujours les fidèles du village tous les dimanches matin. Depuis quelques jours, elle les divise.C’est le projet d’aménagement d’un parking sous cette colline historique qui fait...

commentaires (6)

Un parking près du midane attirera encore plus de voitures. Le parking doit être en dehors du village et les deux petites ruelles autour du midane devraient être entièrement piétonnes. Le centre est tellement petit qu’il est aberrant d’y laisser circuler les voitures.

Abichaker Toufic

21 h 14, le 29 septembre 2018

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Commentaires (6)

  • Un parking près du midane attirera encore plus de voitures. Le parking doit être en dehors du village et les deux petites ruelles autour du midane devraient être entièrement piétonnes. Le centre est tellement petit qu’il est aberrant d’y laisser circuler les voitures.

    Abichaker Toufic

    21 h 14, le 29 septembre 2018

  • "Etude géologique rassurante...réalisée IL Y A QUINZE ANS"! Quinze ans!Et en quinze ans, rien ne s'est passé au niveau géologique!? Mais pourquoi faut-il que les Libanais mettent tant d'ardeur, d'imagination et de persévérance à mutiler sans pitié le pays que la nature leur a non pas donné mais prêté?

    otayek rene

    19 h 37, le 29 septembre 2018

  • ENLAIDIR LE PAYS SEMBLE ETRE L,EMBLEME D,ABRUTIS QUI NE CHERCHENT QUE LE PROFIT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 29 septembre 2018

  • Un projet ambitieux pour un site qui mérite plus d'adhésion à sa réalisation et une solidarité sans faille entre paroissiens et habitants du secteur. L'accomplissement d'un tel projet mettra en valeur le site la fréquence des visiteurs augmentera et les quelques commerces qui l'entourent bénéficieront de cette nouvelle clientèle. La transformation d'un tel lieu spirituel et touristique (l'un va avec l'autre) aura un impact très positif. Ce sont des lieux magiques qui honorent nos villages....

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 28, le 29 septembre 2018

  • c'est tjrs la meme histoire: "rien ne sera change, tout sera preserve" et ensuite on realise qu'on construit le eden rock, sama Beirut, tour murr, etc....des monstres horrible. j'espere que l'aviation israelienne les detruira

    George Khoury

    08 h 16, le 29 septembre 2018

  • Bref... Désespérant! Et si, quand ils le reconnaissent eux-mêmes, il y a un manque de financement, on fait quoi? On laisse tout en plan, et tant pis???

    NAUFAL SORAYA

    06 h 54, le 29 septembre 2018

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