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À La Une - L'Orient Littéraire

Khalil, ou le terrorisme « ordinaire »

Yasmina Khadra cherche à comprendre et dissèque la dérive d’un jeune Marocain, impliqué dans les attentats meurtriers du 13 novembre 2015 à Paris. Un sujet de roman hautement sensible. 

© Hélène de Pambrun

Pour aborder un pareil sujet ultra-sensible, voire matière à controverse, la longue dérive terroriste, racontée par lui-même à la première personne, d’un jeune Marocain dont la famille, originaire du Rif, a fait sa vie en Belgique, il fallait un auteur au-dessus de tout soupçon. C'est-à-dire qui maîtrise parfaitement son affaire, les milieux qu’il décrit, à savoir les fondamentalistes islamistes, recruteurs et formateurs de tueurs potentiels, ainsi que leur religion, ou plutôt les distorsions qu’ils lui font subir.

À ce premier titre, Yasmina Khadra, algérien, musulman et croyant, est déjà parfaitement légitime. Il l’est aussi doublement, pour avoir, dans une première vie, lorsqu’il s’appelait encore Mohammed Moulessehoul et que, officier dans l’armée algérienne, il luttait contre les assassins fratricides du GIA et de l’AIS, dans la région d’Oran, failli y laisser de nombreuses fois sa peau. C’est même pour ça, afin d’exorciser cette violence et cette angoisse, qu’il a commencé à écrire, dans la clandestinité et sous un pseudonyme féminin inspiré des noms de son épouse, des romans policiers fictifs.

Par la suite, devenu Yasmina Khadra et écrivain à succès, il a montré les ravages de l’embrigadement et du salafisme dans sa trilogie Les Hirondelles de Kaboul, L’Attentat et Les Sirènes de Bagdad (publiés chez son éditeur principal Julliard, respectivement en 2002, 2005 et 2006). À noter qu’un film d’animation, adapté des Hirondelles de Kaboul, doit sortir avant la fin de cette année.

Avec tout son talent, sans aucune forme de complaisance ni de manichéisme, Yasmina Khadra s’est donc cette fois glissé dans la peau et dans la tête d’un certain Khalil, né en 1992 en Belgique, dans un milieu navrant, mais pas pire que celui de nombre de jeunes Européens pauvres : père commerçant avare et alcoolique, mère esclave, sœur aînée soumise et dépressive. Il n’y a que sa jumelle, Zahra, brillante et parfaitement intégrée, avec qui il soit en osmose. La famille est pieuse, sans plus. Jusqu’à ce que le garçon, paumé et qui s’est toujours senti au fond de lui-même humilié, coupable, jusque-là, de seulement quelques « bêtises de jeunesse », se laisse persuader par son ami d’enfance Driss, son presque frère, d’effectuer un retour à la foi, et se trouve embrigadé dans une cellule de préparation au terrorisme et au « martyre », Solidarité fraternelle, avec cheikh, imam et émir… La personnalité fragile de Khalil n’opposera pas beaucoup de résistance : le voici recruté pour participer à la vague d’attentats qui a ensanglanté Paris le 13 novembre 2015. Son rôle : se faire exploser dans le RER au Stade de France, en causant le maximum de victimes. Heureusement, à la dernière seconde, sa ceinture d’explosifs ne se déclenche pas. Impréparation, trahison, sabotage ? Toujours est-il que, de retour chez lui, il va partir en vrille. Sa chère Zahra a été l’une des victimes de l’attentat dans le métro de Bruxelles. Sa famille, qui a fini par découvrir qui est réellement Khalil, le maudit et le renie. Trouvera-t-il une forme de rédemption ou persévèrera-t-il dans sa spirale mortifère ? On laissera au lecteur de ce roman à la fois grave et palpitant, glacial comme un thriller, le soin de le découvrir. 


BIBLIOGRAPHIE
Khalil de Yasmina Khadra, Julliard, 2018, 260 p.


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Pour aborder un pareil sujet ultra-sensible, voire matière à controverse, la longue dérive terroriste, racontée par lui-même à la première personne, d’un jeune Marocain dont la famille, originaire du Rif, a fait sa vie en Belgique, il fallait un auteur au-dessus de tout soupçon. C'est-à-dire qui maîtrise parfaitement son affaire, les milieux qu’il décrit, à savoir les...
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