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Liban - Société

Le scoutisme, un moyen de faire perdurer la culture palestinienne

Sur les douze camps officiels de réfugiés que compte le pays, chacun a son groupe de scouts. C’est le cas de Beit Atfal Assoumoud, à Bourj Chémali, près de Tyr.

Après quelques kilomètres parcourus sur des routes sinueuses à partir de la côte, on arrive au camp de Bourj Chémali, dans lequel vivent environ 24 000 réfugiés. Mais il faut d’abord passer les check-points sur lesquels les militaires libanais surveillent les entrées et sorties du camp.

Vêtu d’un pantalon noir et d’un polo, Abou Wassim, la soixantaine, crâne dégarni et regard fier, se déplace avec assurance dans le camp. Il est le chef du groupe des scouts de Bourj Chémali. À quelques mètres de l’entrée du bâtiment des scouts, une plaque indique : « Groupe Beit Atfal Assoumoud, cet immeuble a été construit en 1991. » Le camp existe depuis 1976 et le programme de scoutisme a débuté en 1981. Depuis l’extérieur, les rires et chahuts d’enfants se font entendre. Dans la pièce centrale, des jeunes sont en rang devant des salles.

« Ce sont les locaux du groupe. Nous les ouvrons à toutes les personnes du camp. Aujourd’hui, il y a un test d’anglais pour répartir les enfants par niveau. C’est pour cela que c’est aussi agité et qu’il y a autant de monde. »

Dans le camp, environ 250 personnes sont engagées dans les scouts. « Dans notre groupe, nous faisons vivre la culture de notre pays par les arts, la musique, la danse et la cuisine. Tout comme le scoutisme a été un moyen pour moi de découvrir la culture de mon pays, je veux en faire de même pour les nouvelles générations. Nous voulons répandre cette culture pour ne pas oublier la vie traditionnelle palestinienne. Nous voulons conserver et transmettre l’histoire », explique Abou Wassim, lui-même scout depuis l’âge de 16 ans et qui n’a jamais connu la Palestine. « Notre objectif est de faire connaître à un maximum de personnes notre culture », dit-il encore. Le mois dernier, les scouts palestiniens ont fait l’ouverture du festival Horch Beyrouth, jouant devant des dizaines de Libanais plusieurs morceaux, notamment à la cornemuse.

Au premier étage, plus calme, on entend une mélodie à dominante de cordes pincées. Deux jeunes hommes entrent dans la salle : Mohammad, 20 ans, et Hassan, 23 ans, respectivement assistant et chef de groupe pour les plus jeunes. « Eux, c’est la relève, dit Abou Wassim. Nous leur transmettons notre savoir afin qu’ils puissent continuer à le faire quand nous ne serons plus là. »

Un partage de culture

Les yeux rieurs, Mohammad et Hassan expliquent tous deux en quoi le scoutisme a été un moyen pour eux de connaître la culture palestinienne. Aucun d’eux n’est né en Palestine, mais leur parents si. « C’est une partie de mon identité que j’ai retrouvée en faisant des activités avec les autres membres du groupe. J’ai rencontré des personnes qui ont vécu en Palestine. Je connais les spécialités du pays ainsi que des chants. Je suis heureux d’avoir eu cette chance-là », explique Mohammad. Pour Hassan, même constat : « Ma mère est palestinienne et mon père libanais. Je me suis toujours considéré comme un Libanais palestinien. J’ai appris, avec les scouts, des spécialités de mon pays où je n’ai jamais mis les pieds. J’espère pouvoir le faire un jour. C’est quand même là d’où je viens. En attendant, j’en apprends plus sur la culture à travers ce que nous faisons. C’est important d’avoir une identité, de conserver son histoire. »Durant la visite du camp, Hassan et Mohammad s’arrêtent dans les locaux de l’association al-Houleh, la plus vieille de Bourj Chémali. « Le premier groupe de scouts du camp a commencé dans cette association », se rappelle Hassan. Les scouts travaillent désormais avec eux. Dans leurs locaux, une bibliothèque et des ordinateurs sont mis à disposition gratuitement. Les bénévoles aident notamment les enfants pour leurs devoirs, leurs recherches, leur apprennent à se servir d’un ordinateur. Cette association se mobilise également pour l’autonomisation des femmes. Ici, les scouts peuvent également prendre des cours de musique.Au second étage, un cours de trompette commence. Les jeunes sont agités pendant que l’enseignante installe son pupitre tant bien que mal. « La musique est très importante pour exprimer ses sentiments et se sentir proche de la culture palestinienne », estime Hassan. En face de la salle qui accueille le cours de trompette, se trouve une autre, beaucoup plus petite, dont les murs sont ornées de photographies. « Ici, nous avons toutes les photographies qui ont été prises dans le camp, explique le photographe Ahmad el-Khalil. Nous archivons les photos, nous essayons d’en numériser un maximum car l’état de conservation des photos n’est pas bon. » Les jeunes scouts sont aussi invités à s’essayer à la photographie. Dans les vitrines qui ornent les couloirs du bâtiment sont exposées des assiettes en porcelaine. « Ce sont des jeunes filles du groupe qui ont décoré ces assiettes. C’est une pratique typiquement palestinienne aussi, précise une jeune cheftaine. Pour moi, c’est un excellent moyen de perpétuer notre culture. » Dans pratiquement toutes les salles du bâtiment, on peut voir une carte de la Palestine mandataire, un drapeau palestinien et une clé, symbole du droit au retour dans leurs foyers des réfugiés palestiniens.


Un devoir de mémoire

Les activités sont classiques, marches, randonnées et camping, mais la cause palestinienne n’est jamais loin. « Chaque année, pour le dernier vendredi du ramadan, nous nous rendons à Saïda pour la Journée de Jérusalem », indique Hassan. « Notre section organise aussi une marche spéciale nommée “laisse ton drapeau flotter”. Le symbole du drapeau palestinien est très important pour la cause nationale. Et tous les ans, nous célébrons le droit au retour, qui est l’âme de la cause palestinienne », explique-t-il, indiquant que le 15 mai, jour anniversaire de la Nakba (la création de l’État d’Israël et l’exode palestinien en 1948), les gens se rendent à la frontière avec Israël et « regardent leur pays ». « La plupart des gens vivant dans le camp sont nés au Liban, souligne Hassan. C’est un sentiment très dur de voir son pays et de ne pas pouvoir y aller…»


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