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Économie - Crise

La Turquie dans le dur face à la débâcle de sa livre

La chute de la monnaie turque s’est accentuée en raison d’une grave crise diplomatique entre Ankara et Washington.

La livre turque a perdu cette année plus de 40 % de sa valeur face au dollar. Photo Reuters

Frappée par une crise monétaire qui inquiète le monde économique, la Turquie a passé une bien mauvaise journée hier, marquée par les fluctuations de sa monnaie en plein contexte de tensions politiques avec les États-Unis.
Après que la livre turque, qui a perdu cette année plus de 40 % de sa valeur face au dollar et à l’euro, se fut subitement effondrée vendredi (-16 %), la banque centrale de Turquie a indiqué hier qu’elle fournirait toutes les liquidités dont les banques auraient besoin et prendrait les « mesures nécessaires » pour assurer la stabilité financière du pays.
L’institution a ainsi révisé les taux de réserves obligatoires pour les banques, dans le but d’éviter tout problème de liquidité, et indiqué qu’environ 10 milliards de livres turques, 6 milliards de dollars et l’équivalent de 3 milliards en or de liquidités seraient fournis au système financier. Mais l’impact de ces mesures s’est finalement estompé quelques heures plus tard lorsque le président Erdogan a accusé les États-Unis de vouloir « frapper dans le dos » la Turquie, provoquant un plongeon de la monnaie turque qui illustre l’inquiétude des marchés face aux tensions diplomatiques.




Marchés émergents touchés
Conséquence sur les marchés : la livre turque a d’abord battu à nouveau un record à la baisse dans les premières heures en Asie, dépassant pour la première fois 7 livres contre un billet vert, avant de se redresser après l’annonce de la banque centrale. Mais elle s’échangeait à nouveau à 7 livres contre un dollar après le discours de M. Erdogan, perdant jusqu’à 8 % de sa valeur sur la journée. Cette dépréciation s’est ressentie sur les performances asiatiques de ce début de semaine tandis que les principales places européennes, déjà affectées vendredi, ont été fébriles hier. Les marchés émergents ont particulièrement accusé le coup : l’indice MSCI qui regroupe un panier d’une vingtaine de devises émergentes a en effet touché son plus bas niveau en un an.

Une tendance qui ne devrait pas concerner la livre libanaise, qui est arrimée au dollar depuis 1997 à un taux fixe de 1 507,5 livres pour un dollar. Le chef de département de recherche à Bank Audi, Marwan Barakat, a expliqué hier au site d’information Businessnews.com.lb que la monnaie libanaise ne serait pas affectée par la crise monétaire en Turquie en raison des réserves d’actifs étrangers détenus par la Banque du Liban (BDL) – (44,2 milliards de dollars à fin juin) qui couvrent près de 82 % de la masse monétaire en livres libanaises. Par ailleurs, Bank Audi est implantée en Turquie depuis plusieurs années via sa filiale ODEABANK.


(Lire aussi : Jusqu'où s'enfoncera la livre turque ?)


La déroute de la monnaie turque s’est accélérée au cours des deux dernières semaines en raison d’une grave crise diplomatique entre Ankara et Washington liée à la détention en Turquie d’un pasteur américain, Andrew Brunson. Déclarations chocs, sanctions, menaces de représailles, puis doublement des tarifs douaniers américains sur l’acier et l’aluminium turcs vendredi : les tensions entre les deux alliés au sein de l’OTAN sont allées crescendo ces derniers jours, emportant la livre turque. « D’un côté, vous êtes avec nous dans l’OTAN, et, de l’autre, vous cherchez à frapper votre partenaire stratégique dans le dos. Une telle chose est-elle acceptable ? » s’est emporté M. Erdogan lors d’un discours hier à Ankara.
Outre les tensions entre Ankara et Washington, les économistes s’inquiètent aussi de la mainmise sur l’économie de M. Erdogan qui s’est renforcée après sa réélection en juin dernier. « Le fait que le président Erdogan ait placé son gendre, Berat Albayrak, à la tête du ministère des Finances en juillet est un motif d’inquiétude pour les marchés », confirme un économiste libanais à L’Orient-Le Jour sous le couvert de l’anonymat.




(Pour mémoire : Erdogan jure de braver les "menaces" américaines)


Pas sans aide
Les marchés exhortent la banque centrale à relever davantage ses taux d’intérêt pour soutenir la livre et maîtriser une inflation galopante qui a atteint près de 16 % en juillet en glissement annuel, mais le président s’y oppose. Dans ses annonces hier, la banque centrale turque n’a pas fait mention des taux. « Avec une économie surchauffée et endettée, la Turquie aura besoin de politiques économiques crédibles et orthodoxes, de discipline budgétaire et de l’indépendance de la banque centrale pour inverser la situation actuelle », a expliqué à l’AFP Agathe Demarais, de l’Economist Intelligence Unit, jugeant « peu probable » une normalisation dans l’immédiat des relations avec Washington. « La Turquie s’est fortement endettée pour maintenir un taux de croissance élevé, avec une dette extérieure qui représente près de 60 % de son PIB, et n’a pas lancé les réformes de fonds réclamées notamment par le Fonds monétaire international (FMI). Cela rend le pays vulnérable aux chocs », complète l’économiste libanais précité. Il estime en outre que la Turquie pourra difficilement se relever seule de ce mauvais pas mais n’écarte pas la possibilité d’une aide venue d’un pays tiers, comme « le Qatar ou la Chine, contre certaines concessions ».
Il reste qu’Ankara attribue pour l’heure la responsabilité de l’effondrement de sa monnaie à une attaque lancée contre son économie alors que la crise touche déjà le pouvoir d’achat de ses citoyens. Le ministère turc de l’Intérieur a indiqué hier qu’il enquêtait sur des centaines d’internautes qu’il soupçonne d’avoir partagé des commentaires relevant de la « provocation » visant à affaiblir la livre. En dépit de l’ampleur de cette crise monétaire, les principaux journaux et les chaînes d’information en Turquie couvrent a minima les tourments de la livre et reprennent en chœur les éléments de langage de M. Erdogan, qui a traité les internautes ciblés par le ministère turc de l’Intérieur de « terroristes économiques ».



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Frappée par une crise monétaire qui inquiète le monde économique, la Turquie a passé une bien mauvaise journée hier, marquée par les fluctuations de sa monnaie en plein contexte de tensions politiques avec les États-Unis.Après que la livre turque, qui a perdu cette année plus de 40 % de sa valeur face au dollar et à l’euro, se fut subitement effondrée vendredi (-16 %), la...

commentaires (6)

Erdogan va regretter toutes les âneries et les propos fanatiques irresponsables racontées à tout bout de champ devant un électorat écervelé. Il fait ainsi reculer son pays de 50 ans en un claquement de doigts de Trump. Vite quelques leçons d’économies et de politique internationale à cet ahuri.

L’azuréen

11 h 13, le 14 août 2018

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Commentaires (6)

  • Erdogan va regretter toutes les âneries et les propos fanatiques irresponsables racontées à tout bout de champ devant un électorat écervelé. Il fait ainsi reculer son pays de 50 ans en un claquement de doigts de Trump. Vite quelques leçons d’économies et de politique internationale à cet ahuri.

    L’azuréen

    11 h 13, le 14 août 2018

  • avec la degringolade de la livre turque, imaginez combien l'etat libanais aurait economisé d'argent si les contrats des divers bateaux loués pour nous fournir l'electricité avient ete fait en livres turques au lieu d'etre en dollars!!

    Le Herisson

    08 h 49, le 14 août 2018

  • LES DECLARATIONS NON CALCULEES DU MINI SULTAN SONT LA PLUS GRANDE CAUSE DE LA DEVALUATION DE LA LIVRE TURQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 01, le 14 août 2018

  • avec la degringolade de la livre turque, imaginez combien l'etat libanais aurait economisé d'argent si les contrats des divers bateaux qu'ils ont loués pour nous fournir l'electricité avient ete fait en livres turques!!

    Le Herisson

    04 h 51, le 14 août 2018

  • L'actuel régime turc ne comprend rien de l'économie et encore moins de la diplomatie internationale. La Les conseillers dans les ministères sont réduits à dire ce que les ministres d'Erdogan ont envie d'entendre (par peur) et à la tête du pouvoir il y a un dictateur qui répète les mêmes rhétoriques contre tous ses opposants. Tout ceux qui lui sont désagréables deviennent des terroristes

    Sarkis Serge Tateossian

    02 h 47, le 14 août 2018

  • On a beau haïr Mr Trump et ses politiques économiques agressives, on ne peut, par contre qu’approuvrer les sanctions économiques contre ce mini-Sultan, autocrate, extrémiste religieux qui veut jouer à la victime, alors qu’il est directement responsable de tous les déboires de son pays par son arrogance et sa stupidité! Quand on pense qu’il y a à peine une décennie, la Turquie était une puissance économique vibrante avec une élite éduquée, occidentalisée, libérale et voilà ce Monsieur qui la renvoie 50 ans en arrière...

    Saliba Nouhad

    01 h 22, le 14 août 2018

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