Rechercher
Rechercher

Culture - Initiative

S’évader des camps de réfugiés au son du bouzouq

Depuis 2015, Action for Hope organise des cours de musique à destination des enfants des camps.
Au programme de cet été, une série de concerts à travers le Liban.

Les jeunes viennent passer la journée à l’école de musique de l’association Action for Hope, installée à Bar Élias, dans la Békaa.

Pas plus haut que trois pommes, le petit garçon se dandine sur sa chaise, un tambourin sur les genoux, secouant les mains pour se dégourdir. En face de lui, il y a Rami, qui continue à lui faire entendre différents rythmes, en attendant qu’il les imite. Rami est professeur de percussions et travaille avec Action for Hope, une ONG lancée en 2013 qui vise à soutenir les réfugiés à travers la culture. Depuis 2015, l’association a mis en place un programme pour enseigner la musique à des jeunes de dix à dix-huit ans vivant dans des camps de réfugiés syriens et palestiniens – à Chatila et dans la Békaa (al-Jarahieh, al-Sanaa, al-Baydar, Anjar, Adam, al-Rahmeh et al-Awdeh) au Liban, et à Amman en Jordanie.

« Notre but est de produire des artistes, pas de produire du divertissement. On leur donne l’occasion de devenir des musiciens professionnels », raconte Basma el-Husseiny, la directrice d’Action for Hope. Depuis le lancement du programme pilote, l’association a vu passer une soixantaine d’élèves, dont quelques-uns sont maintenant professeurs de musique. Pendant dix-huit mois, chaque semaine, du vendredi au dimanche, les jeunes viennent passer la journée à l’école de musique de l’association, installée à Bar Élias, dans la Békaa. Là, ils sont accompagnés par différents professeurs (une quinzaine au total), et reçoivent un enseignement aussi bien théorique que pratique. Les trois premiers mois consistent en une introduction générale à la musique, puis peu à peu, les élèves choisissent un instrument et se spécialisent : oud, bouzouq, accordéon, clarinette, saxophone, ney ou percussions.

À Bar Élias, l’ambiance est à la fois studieuse et survoltée : ça joue dans les salles et dans les couloirs, sur l’estrade et dehors, seul ou à plusieurs. Là, ce sont six garçons qui se sont rassemblés : l’un chante pendant que deux autres s’accordent sous l’œil rieur de leurs voisins. Le cercle s’élargit alors qu’une petite fille arrive avec son accordéon : « Khalass, on y va ! » et ils commencent à jouer, mais sans le saxophoniste, qui a décidé de les filmer avec son téléphone. À côté, un quintette répète un morceau de musique traditionnelle arabe. L’accordéoniste a un problème avec ses touches, alors un autre vient l’aider d’un coup de tournevis dans l’instrument, qui file bientôt en réparation dans la cuisine, avant de réapparaître quelques minutes plus tard. Majd, qui dirige l’ensemble, avait rejoint le programme trois ans plus tôt. Désormais, à seulement dix-sept ans, il donne pour Action for Hope des cours de oud, et prépare ceux qui sont aussi bien ses élèves que ses camarades à une tournée à travers le Liban, le Darej Tour : dix-sept concerts, de Halba jusqu’à Tyr en passant par Tripoli, Beyrouth et Saïda, où se produisent les jeunes musiciens au fil de l’été – les dernières dates seront les 11 et 12 août, à Saïda et à Tyr.

S’évader
Pour les enfants, c’est aussi une manière d’échapper à leur quotidien dans les camps. Maha, originaire de Homs et qui vit désormais à Chatila, s’est engagée dans le programme il y a deux ans, et joue du bouzouq. Elle raconte : « Je me sens très à l’aise ici. Quand je joue avec mes amis, j’oublie tous mes problèmes, je ressens d’autres choses, j’entre dans le monde de la musique avec eux. Ils sont comme mes frères et sœurs, c’est ma deuxième famille. Chaque jour, je joue du bouzouq deux ou trois heures, et les week-ends entre quatre et six heures. Plus tard, je veux devenir professeure et aider les enfants à partager cette activité. J’aimerais aller en Norvège pour étudier et continuer à pratiquer ma musique, dans un groupe de musique arabe. Mes parents m’encouragent beaucoup, et mon père recherche toujours des vidéos sur YouTube pour m’aider. »

Ici, l’apprentissage de la musique est avant tout basé sur la confiance. « Je ne suis pas un bon professeur académique.
Cela fait trois ans que je travaille avec Action for Hope, mais je n’étais pas professeur jusqu’alors, seulement musicien et autodidacte. Je ne sais pas comment on enseigne, mais je sais comment transmettre une expérience, qui fait écho à nos racines, à travers la musique arabe », explique Samah, professeur d’accordéon. Et de fait, il enseigne aux enfants les bases de la musique traditionnelle arabe, que ce soit à travers des influences syriennes, palestiniennes, irakiennes, égyptiennes mais aussi kurdes. Mettant en avant la volonté de préserver un certain héritage classique, il défend la pratique de l’accordéon, un instrument qui détonne dans ce paysage, mais qui permet précisément d’élargir cet horizon musical par d’autres pratiques moins conventionnelles. À la fin de la journée, alors que les enfants s’éloignent pour rejoindre le bus, chacun son étui à la main ou sur le dos, le rendez-vous est déjà pris pour le lendemain : il s’agit d’être prêt pour les concerts.

Action for Hope, Darej Tour,
jusqu’au 12 août.
https://www.facebook.com/events/2094029684257011/

Pas plus haut que trois pommes, le petit garçon se dandine sur sa chaise, un tambourin sur les genoux, secouant les mains pour se dégourdir. En face de lui, il y a Rami, qui continue à lui faire entendre différents rythmes, en attendant qu’il les imite. Rami est professeur de percussions et travaille avec Action for Hope, une ONG lancée en 2013 qui vise à soutenir les réfugiés à...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut