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Culture - Événement

Marlene Dietrich, amira en son palais (de Beiteddine)

Ute Lemper xénomorphe, demain mercredi, dans la peau de l’icône ange bleu, pour raconter sa vie en chansons.

Photo D. R.

« J’étais habituée à ce que ma mère ait toujours quelqu’un… Ma mère était amoureuse, ou en passe de rompre, ou en train de tomber amoureuse continuellement. » Marie Riva, de père inconnu, racontait en 1992, dans une autobiographie parue chez Flammarion, la quintessence de sa maman : l’amour. Les vides intersidéraux à combler. Sa maman était une star absolue, un mythe inaliénable, une légende trash-rose, une somptueuse sorcière, bisexuelle gloutonne, alcoolique hallucinée et hallucinante, qui a vécu les douze dernières années de sa vie dans son lit, près de son téléphone, avant de se suicider avec des somnifères : Marlene Dietrich.
Née en 1963 à Münster dans la RFA de l’époque, Ute Lemper aurait pu être Marie Riva, la fille-martyre de la Dietrich. Sans doute qu’elle en a toujours rêvé, surtout en 1988. Elle n’avait pas encore 25 ans, elle triomphait à Paris dans Cabaret, elle était Sally Bowles, jouée par Liza Minnelli au cinéma, et tout le monde la comparait à la Dietrich, cloîtrée dans son appartement parisien de l’avenue Montaigne, avec les fantômes de Jean Gabin, probablement sa plus folle passion, hommes et femmes confondus : elle lui recousait elle-même ses chaussettes trouées. Ute a écrit une lettre à Marlene pour s’excuser, pour s’extasier, pour la remercier. Un mois plus tard, la Dietrich a appelé sa jeune compatriote. La conversation a duré trois heures. Lili Marleen a raconté sa vie. Du moins, ce qu’elle a bien voulu partager. Ute Lemper en a fait un spectacle : Rendez-vous with Marlene. Elle le jouera au Liban, demain mercredi, au Festival de Beiteddine*.

« Il n’y a rien de plus important au monde »
Il faut dire que les correspondances entre les deux blondes sont follement baudelairiennes. Beaucoup de choses les séparent, notamment la maternité, quadruple et heureuse pour Ute Lemper qui vit à New York, ou la notoriété, mais la filiation qui les lie est passionnante. Comme Marlene, la Lemper s’est plongée dans la décadence et la décadanse gainsbourgienne des bas-fonds glam et pailletés du Berlin des années 20 ; comme Marlene, elle a compris l’importance et parfois l’urgence de ce je-ne-sais-quoi qui fascine à la fois hommes et femmes, de ce mélange de cuir et de dentelle, de fouet et de satin, de sale et de rassurant ; comme Marlene, elle est vénéneuse et affolante, provocatrice et lisse, bourgeoise et travestie… Francophiles jusqu’à l’os, elles ont chanté l’amour et leurs cent et une vies en anglais et en allemand, certes, mais aussi en français : la meilleure amie de la Dietrich était Édith Piaf, et on doit à l’oublié Art Mengo l’une des plus belles chansons d’Ute Lemper : Mes deux amants, sortie en 1993.
Mais Ute Lemper ne chantera pas demain du Art Mengo, ni du Kurt Weill ni du Nick Cave, du Elvis Costello, du Neil Hannon ou du Tom Waits. Elle chantera ce que Marlene a chanté bien avant elle, ce que Marlene continue de fredonner à son oreille avant qu’elle ne s’endorme. Elle chantera ce que des générations et des générations ont reçu en héritage. Elle chantera la sémillante Lola, elle chantera le suintant Boys In the Backroom, elle chantera l’éternelle Lili Marleen, l’immarcescible Ne me quitte pas, mais aussi Just A Gigolo, ou Falling In Love Again, l’histoire de la vie de Marlene. Elle chantera (pour) sa mutter. Sa maman fantasmée.
Et elle gardera sûrement en tête ces mots, Marlene racontée par Marlene, forever ange bleu : « Il y a en moi trois êtres, qui quelquefois se combattent et quelquefois se superposent. D’abord, l’actrice. J’ai mes petites qualités et mes limites. Dans ma génération, je pourrais en trouver une bonne dizaine qui sont plus douées que moi. Il y a ensuite la femme, et j’ai eu mes moments. En troisième lieu, il y a ce que je suis devenue, et qui ne m’appartient pas : la légende. Croyez-moi, il n’y a rien de plus important au monde. »
Beiteddine s’en souviendra. En frémissant.

*« Rendez-vous With Marlene », mercredi 25 juillet, 20h30, Festival de Beiteddine.


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commentaires (1)

On ne recréee pas des monstres sacrés sur un claquement de doigts. Ni le monde disparu qui les a secrété.

LeRougeEtLeNoir

11 h 04, le 24 juillet 2018

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Commentaires (1)

  • On ne recréee pas des monstres sacrés sur un claquement de doigts. Ni le monde disparu qui les a secrété.

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 04, le 24 juillet 2018

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