Les scandales se multiplient dans le domaine de la cybersécurité. Un domaine encore peu performant au Liban et qui souffre de l’absence de législation. Le dernier scandale en date fait état du piratage de données informatiques d’un fournisseur local d’accès à internet de grande envergure. Cette société, dont le réseau informatique a particulièrement souffert, a finalement porté plainte.
Dans cette affaire, « deux hackers sont actuellement en état d’arrestation », révèle à L’Orient-Le Jour le procureur général près la Cour de cassation, Samir Hammoud. « D’autres hackers pourraient être arrêtés prochainement, qui seraient aussi impliqués dans le piratage de sites informatiques étatiques, notamment des Forces de sécurité intérieure. » Le chef d’une entreprise de protection de données informatiques, issu d’une famille influente, est aussi montré du doigt. « Interrogé pour les besoins de l’enquête, il a été relâché pour raisons médicales, sous caution d’élection de domicile », explique le procureur, précisant que « cette personne aurait acheté des données piratées, on ne sait pas pour quel usage ». Son entreprise a été fermée et son serveur informatique a été confisqué, lors d’une descente d’hommes armés en civil, des forces de l’ordre visiblement, la semaine dernière, confie une source proche du dossier.
« Des aveux et des preuves »
Des poursuites pénales sont aujourd’hui engagées contre un certain nombre de personnes, assure le procureur Hammoud, précisant que « l’enquête est basée sur des aveux et des preuves ». Le procureur a donc transféré l’affaire au juge d’instruction de Beyrouth, Assaad Bayram, « qui va mener l’enquête, procéder aux interrogatoires nécessaires et décider s’il y aura jugement ou non ».
La relaxe du chef d’entreprise soupçonné d’implication dans cette affaire n’a pas manqué de provoquer des clashs au sein de la classe politique. S’insurgeant contre sa libération, le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a dénoncé « les interventions politiques et financières dans les affaires de certains juges », qu’il a qualifiées de « folklore politique ». Des propos auxquels a vertement répondu le ministre de la Justice, Salim Jreissati : « Les propos de Machnouk sont une atteinte à la justice et une accusation grave sans preuve. »
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L’affaire est à prendre avec des pincettes et suscite nombre d’interrogations. Pourquoi le chef d’une entreprise de protection de données informatiques volerait-il des données informatiques, alors qu’il dirige une entreprise connue pour son sérieux et qui opère en conformité avec les normes internationales ? En portant atteinte à la réputation de ce chef d’entreprise, quelqu’un tenterait-il d’écorcher son proche parent banquier ? Une source proche du dossier résume l’affaire en quelques mots : « C’était au départ une petite blague qui a mal tourné », révèle-t-elle, expliquant qu’il s’agit « de petits hackers, dont des fils de famille, qui ont voulu vendre des informations pour s’amuser et pour démontrer leur puissance ».
Quoi qu’il en soit, deux réalités ressortent aujourd’hui de cette affaire. D’une part, comme le souligne l’ancien ministre des Télécoms Boutros Harb à L’OLJ, « il est urgent de légiférer dans le domaine de l’informatique et d’internet, car il est nécessaire de protéger les intérêts des gens et du pays ». D’autre part, observe l’ancien ministre des Télécoms Nicolas Sehanoui, « le Liban est extrêmement vulnérable dans les domaines de l’internet et de la protection des données informatiques. Seule une volonté ferme de toutes les parties au pouvoir permettra d’améliorer le secteur ».
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Tout baigne dans un flou total , surtout si le traffic d 'influence est roi , on oublie toute cyberattaque
19 h 05, le 11 juillet 2018