Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Gastronomie

Anissa Hélou veut rapprocher les mondes

Pour cette chef et auteure de livres de cuisine, la gastronomie sert de pont pour rapprocher les mondes. Son dernier ouvrage en date, « Feast, food of the Islamic world »*, raconte les mille et une tables du monde musulman...

Photo G.K.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Anissa Hélou a toujours eu la bouclette libérée que les années ont transformée en toison de soie. Pourtant, si cet inimitable secoué de tête lui fait emblème, il ne s’apparente nullement à son tempérament qui n’a rien de torsadé et, encore moins, de cendré. Au contraire, on comprend dès le premier abord que cette chef et auteure de livres de cuisine, hissée dans le classement des 100 femmes arabes les plus puissantes en 2013, n’est pas de celles qui enduisent leurs propos du vernis de la bienséance. D’emblée, en évoquant les 25 ans de cuisine qu’écument ses bouquins et ses fourneaux, elle tranche : « Mon intérêt y est intact. Seulement aujourd’hui, je n’ai plus aucune tolérance pour la médiocrité. »

Inspirer les jeunes
Bien des fées se sont penchées sur les marmites d’Anissa Hélou. Les femmes de sa famille, sa mère, sa grand-mère et sa tante, qui prônaient le fait maison, lui donnent « l’impression d’avoir grandi immergée dans des casseroles de nourriture délicieuse, comme si l’exigence alimentaire faisait partie de mon ADN », sourit-elle. Si bien qu’au début des années 90, alors qu’elle est contrainte d’organiser un dîner à son domicile londonien, comme par magie, les saveurs de son enfance la rattrapent et, sans avoir recours à la moindre recette, « j’ai fait à manger à 30 personnes. Je me suis rendu compte, à ce moment, que j’avais appris à cuisiner à mon insu ». Toutefois, jusqu’alors, Anissa Hélou faisait carrière dans l’art et se tenait à l’écart des fourneaux qu’elle envisageait comme « liés à une idée de la domestication de la femme qui m’irritait profondément, et donc je refusais d’être assignée à la cuisine. Je crois que c’est parce que je lisais beaucoup Simone de Beauvoir à cette période », explique celle qui, à la faveur d’un premier livre de cuisine, Lebanese Cuisine (1994), inversera les polarités en investissant, « dans un élan féministe », le monde de la cuisine moyen-orientale sur lequel régnait naguère la gent masculine. 

Mais plus que rétablir l’équilibre de cet ancien conflit de genres, la consultante d’art reconvertie en auteure régale les pupilles et les papilles en romançant la culture culinaire d’un vaste monde souvent relégué aux oubliettes. Avec chic et subtilité, elle pilote huit livres sur la gastronomie levantine dont « l’idée est d’une part d’informer à propos de cette culture, et donc de la préserver, et d’autre part d’inspirer les jeunes ». Et de nuancer : « Je ne fais pas partie de ceux qui veulent changer ou dénaturer les recettes. Au contraire, je tente au mieux d’en conserver l’essence en leur insufflant ce quelque chose… d’élégant, disons. » La confection de chacun de ses ouvrages embarque cette fantaisiste élégante dans un nomadisme qu’elle affectionne particulièrement, des voyages qui la laissent ouverte au monde et qui « représentent surtout une façon de contextualiser la nourriture, de me pencher sur une manière de vivre plutôt qu’une manière de manger uniquement », raconte Anissa Hélou, qui se plaît à mettre en images ses goûts et dégoûts à travers un compte Instagram à la fois ludique et passionnant. 


Le langage des mets
Le dernier en date de ses périples l’a conduite à Feast, food of the Islamic world, son dernier opus qui comprend 300 recettes, et dont elle explique la genèse de la sorte : « Au déclenchement, il y avait ces amalgames entre islam et islamisme, et surtout cette image péjorative que les médias collaient systématiquement aux musulmans. » Et de poursuivre : 

« J’ai donc voulu, à mon échelle, inverser la donne et sortir de la perspective du terrorisme en présentant le monde musulman à la lumière de quelque chose de fédérateur et bienveillant qui est leur nourriture. » Par-delà le contexte géographique et historique sur lequel informe Feast, food of the Islamic world, le livre divisé en sept sections (pain, graines, produits de la mer, viande, épices, légumes et desserts) se parcourt comme une longue pérégrination qui entraîne le lecteur à bord de la vieille charrette d’un vendeur ambulant iranien, au détour d’un souk marocain, sur les ruelles ravinées d’un marché en Turquie, à l’ombre d’une plantation dans un potager du Liban ou dans la mémoire d’une tradition oubliée en Syrie. Dans une autre vie, Anissa Hélou aurait voulu aussi être interprète. Chose qu’elle fait au quotidien, sans s’en rendre compte, en rapprochant les mondes, les cultures et les gens par le langage des mets plutôt que celui des mots. 

7 questions gourmandes à Anissa Hélou

– Le plat que vous pouvez manger tous les jours : Le Udon et les rice noodles.
– Votre recette de prédilection : La kebbé et le laban emmo.
– Ce que vous ne pouvez pas mettre en bouche : Ce qui n’est pas impeccablement bien cuisiné.
– Un restaurant fétiche : Jammal au Liban et Lyle’s à Londres.
– Un plat de votre enfance : La loubieh bi zeit sur du pain arabe.
– Un goût acquis avec le temps : La coriandre fraîche et la mouloukhiyeh.
 – Le Liban en une saveur : Le citron et la menthe.

*« Feast, food of the Islamic world », d’Anissa Hélou (éditions HarperCollins Publishers).


Pour mémoire

Anissa Hélou libre jusque dans ses cuisines


Du plus loin qu’elle se souvienne, Anissa Hélou a toujours eu la bouclette libérée que les années ont transformée en toison de soie. Pourtant, si cet inimitable secoué de tête lui fait emblème, il ne s’apparente nullement à son tempérament qui n’a rien de torsadé et, encore moins, de cendré. Au contraire, on comprend dès le premier abord que cette chef et auteure de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut