Rechercher
Rechercher

Économie - Énergies renouvelables

Le Akkar se prépare à accueillir le premier parc éolien libanais

Dans deux ans, les sommets de la montagne de Akroum devraient être parsemés d’éoliennes qui fourniront de l’électricité à plus d’une centaine de milliers de familles. En attendant, la construction du site représente un casse-tête logistique.

L’équipe de Sustainable Akkar devant une tour de collecte de données lors d’une visite du site de construction du parc éolien dans le Akkar. Photo S.Ro

À 2 200 mètres d’altitude, sur les sommets venteux et sauvages de la montagne de Akroum, dans le Akkar, une petite croix rouge a été peinte sur un rocher. « C’est là que se trouvera l’éolienne numéro 11 », déclare fièrement Jules Assi, ingénieur en environnement et coordinateur du développement de la construction d’un parc éolien, le premier du genre au Liban. Hormis quelques tours hautes de 80 mètres installées pour recueillir des données sur la force du vent, seuls les coccinelles et les papillons occupent aujourd’hui les broussailles de cette région surnommée « Bab el-Hawa », ou porte du vent.

Trois entreprises – Sustainable Akkar, Lebanon Wind Power et Hawa Akkar – ont remporté l’appel d’offres lancé l’année dernière pour construire un parc éolien de 200 mégawatts (MW) au total d’ici à 2020. Depuis, Lebanon Wind Power a délégué la gestion de sa part du projet à Sustainable Akkar, qui récupère donc le gros du projet, c’est-à-dire 142,5 mégawatts. Réinjecté dans le réseau national, cela devrait répondre aux besoins de 150 000 familles. Il est prévu qu’Électricité du Liban (EDL) achète l’électricité à 10,75 cents de dollar le kilowattheure, avant de la vendre aux Libanais à hauteur de 12,75 cents. « Aujourd’hui, l’État achète l’électricité 17,5 cents par kWh, et la vend donc à perte », précise Jules Assi.

L’énergie produite par le vent viendra ainsi pallier les graves manques en électricité au Liban. « Notre responsabilité n’est pas uniquement vis-à-vis de la fourniture d’électricité », confie Salah Tabbara, PDG de Sustainable Akkar. « Après la Conférence économique pour le développement du Liban par les réformes et avec les entreprises (CEDRE) le 6 avril dernier à Paris, nous devons montrer que le secteur privé libanais est capable de mettre en œuvre un projet d’une telle ampleur et ainsi attirer les investisseurs internationaux. »

Ce n’est pas une mince affaire dans cette région limitrophe de la Syrie et malmenée par la guerre civile qui fait rage dans le pays voisin depuis 2011. La route qui monte de Tripoli au site de construction est encore parsemée de traces d’obus qui, en 2012 et en 2013, sont tombés du côté libanais de la frontière. Du haut de la montagne, la grande plaine syrienne de Homs ainsi que son lac sont clairement visibles.


(Pour mémoire : Énergie éolienne : 42 compagnies manifestent leur intérêt)


Absence de cadastre
Ces tensions sécuritaires pèsent sur une région qui compte parmi les plus pauvres du Liban. La location du terrain – 42 kilomètres carrés dans le cas de Sustainable Akkar – représente, par exemple, un casse-tête à elle toute seule. Aucun cadastre n’a jamais été mis en place dans la région. « Il faut qu’un représentant de la police, un élu local (mokhtar) et le propriétaire du terrain visitent ensemble le terrain pour s’accorder sur ses frontières, explique Salah Tabbara. Parfois, nous utilisons des techniques ancestrales : toutes les parties doivent s’accorder à déterminer de quel côté de la montagne coule l’eau pour déterminer qui est le propriétaire du terrain. »

Les sommes déboursées par Sustainable Akkar pour la location dépendront du nombre d’éoliennes installées sur chaque terrain et sont en train d’être finalisées. De son côté, Hawa Akkar négocie seulement avec la municipalité, mais ne communique pas les détails du contrat. Outre les bénéfices financiers tirés de la location de terrains, la population locale place d’importants espoirs dans ce projet. « Nous espérons vraiment que nos jeunes trouveront du travail grâce à ce projet. Ici, le chômage est élevé et le premier employeur est l’État : armée, gendarmerie ou Forces de sécurité intérieure », souligne Anouar Isbir, membre de la municipalité de Akroum. Il faisait partie des 300 personnes invitées le 7 juin dernier par Sustainable Akkar pour un iftar (rupture de jeûne pendant le ramadan) dans le village de Kfartoun. Et pour Ziad Adra, enseignant religieux sunnite, il était important de rencontrer personnellement les dirigeants de l’entreprise. « J’ai relayé des questions de propriétaires de terrain à la direction de l’entreprise. Elles concernaient notamment l’installation obligatoire de double vitrage dans les bâtiments construits à moins de 500 mètres des éoliennes. »

L’impact de ces éoliennes sur le paysage ne semble pas effrayer outre mesure. « J’en ai vu en Turquie et je trouve ça très joli ! » s’exclame Khaled Daher, général à la retraite. Sustainable Akkar s’appuie sur des intermédiaires comme lui, représentants d’une des trois communautés religieuses de la région (sunnite, chrétienne ou chiite), pour s’assurer du soutien de la population locale.

Un autre défi de taille attend les constructeurs : l’acheminement dès début 2019 des éoliennes du port de Tripoli au site, situé à une soixantaine de kilomètres. Tout pont ou fil électrique à moins de 5,5 mètres de haut devra être rehaussé. Les dos-d’âne devront disparaître. Le bureau des douanes de Abboudiyé, aujourd’hui une quasi-ruine, devra en outre être intégralement reconstruit pour laisser passer les lames des éoliennes de près de 75 mètres de long.


(Pour mémoire : Énergies renouvelables : deux appels d’offres en préparation)


Importants travaux de voirie
Le coût des travaux est estimé entre 5 et 10 millions de dollars, tandis que le parc éolien opéré par Sustainable Akkar et Lebanon Wind Power coûtera plus de 200 millions de dollars et sera financé tant par des investisseurs privés que par des banques commerciales ou des institutions internationales de crédit comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Sustainable Akkar et Hawa Akkar n’ont pas encore décidé à quelle hauteur chaque entreprise financera les travaux de voirie. « Sans guerre, nous les aurions acheminées du port syrien de Tartous, reconnaît Jules Assi. De Tartous, l’autoroute vers le Liban est droite, sans dos-d’âne. Cela nous aurait facilité la tâche. Mais avec la guerre, les prix des assurances et l’embargo international sur la Syrie, ce n’est pas une option. Et il faut voir le bon côté des choses : nous améliorons les routes libanaises. »

Dernier obstacle, et non des moindres pour un projet « vert » : éviter les collisions entre les oiseaux migrateurs, qui affectionnent particulièrement le ciel du Akkar, et les lames des éoliennes. Pour ne pas provoquer d’hécatombe, l’entreprise va s’appuyer sur des radars de l’armée pour détecter l’arrivée des oiseaux et arrêter le fonctionnement des éoliennes le temps de leur passage. Des négociations sont en cours pour déterminer à quelle hauteur l’État compensera les pertes causées par cette fermeture d’environ un mois par an.



À 2 200 mètres d’altitude, sur les sommets venteux et sauvages de la montagne de Akroum, dans le Akkar, une petite croix rouge a été peinte sur un rocher. « C’est là que se trouvera l’éolienne numéro 11 », déclare fièrement Jules Assi, ingénieur en environnement et coordinateur du développement de la construction d’un parc éolien, le premier du genre au Liban....

commentaires (7)

Toute nos condoléances pour les habitants! Parmi les sources d'énergie dites "vertes", l'éolienne est la plus catastrophique. Destruction du paysage, nuisance physiologique due aux infrasons, bétonnage des sols... et tout cela pour une production discontinue et un coût énorme!

Yves Prevost

07 h 36, le 04 juillet 2018

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Toute nos condoléances pour les habitants! Parmi les sources d'énergie dites "vertes", l'éolienne est la plus catastrophique. Destruction du paysage, nuisance physiologique due aux infrasons, bétonnage des sols... et tout cela pour une production discontinue et un coût énorme!

    Yves Prevost

    07 h 36, le 04 juillet 2018

  • C’est pas mal tout ça . Belle initiative ! Arrêtons de critiquer et agissons ....il faut déployer tant d’efforts et il y a tant de défis à relever .

    L’azuréen

    16 h 58, le 03 juillet 2018

  • Belle initiative à suivre… même si ce projet n’est pas livré dans 18 mois et nécessite 18 ans pour être rentable. Ce projet pilote devrait stimuler d’autres ambitions pour enfin donner à la population l’accès à l’électricité.

    Georges Lebon

    17 h 19, le 02 juillet 2018

  • Encore une fois beaucoup de bruit...de vent "éolien"...pour pas grand chose ? Allez, courage, on a bien installé des éoliennes ailleurs, et on devrait profiter de ces expériences, et les adapter au Akkar Libanais. Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 32, le 02 juillet 2018

  • C' est quand meme étonnant notre pays, beaucoup de quart-monde, et une pointe de Suede...

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 51, le 02 juillet 2018

  • merci pour grand projet....on verra l'aboutissement de ce projts????ou comme tous les autres...???prions le sEIGNEUR....

    Soeur Yvette

    09 h 25, le 02 juillet 2018

  • LE PARC EOLIEN SE SAUVE RIEN ! AVEC LES AIDES DE CEDRE... SI ON CONTINUE AVEC L,IRRESPONSABILITE QUI PREVAUT AUJOURD,HUI ON N,EN VERRA POINT... METTEZ SUR RAIL UN VRAI PROJET COMME SOLUTION DEFINITIVE DU BORDEL QUI PREVAUT AUJOURD,HUI EN MATIERE D,ENERGIE ELECTRIQUE ! IL FAUT D,ABORD ABANDONNER LES EGOS ET TRAVAILLER EN CONCERT POUR SAUVER L,ECONOMIE ET LE PAYS.

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    08 h 53, le 02 juillet 2018

Retour en haut