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Ces initiatives qui changent le monde - Japon

Travailler moins, mais mieux : le pari gagnant d’un auberge japonaise

Tomoko Miyazaki, propriétaire du ryokan Jinya à Hadano, dans la préfecture de Kanagawa, regarde un moniteur dans sa cuisine qui affiche des informations telles que les préférences alimentaires des clients. Photo Shigetaka Kodama

Dans le Japon d’après-guerre, le développement économique fut soutenu par des employés se soumettant à de longues heures de travail ou à la délocalisation de leur emploi. Difficile de concilier une telle culture du travail et une vie familiale, l’éducation et les soins des enfants.
Plus grave, cette culture a engendré le phénomène de karoshi (mort par surcharge de travail) ainsi que le surmenage des employés dans les entreprises. Deux véritables problèmes de société au Japon. Pourtant, selon un rapport de l’OCDE de 2017, l’archipel est en bas du classement sur la productivité des membres du G7, et bien en deçà de la moyenne.
Aujourd’hui, alors que la population active diminue en raison du déclin de la natalité et de la hausse du nombre de personnes âgées, le Japon connaît une pénurie de main-d’œuvre généralisée qui a même atteint le secteur des services. Par manque de personnel, de nombreuses entreprises ont été contraintes de réduire leurs heures d’ouverture.


Nous avons tendance à croire que la réduction du temps de travail entraîne une perte de profit. Mais à Hadano, dans la préfecture de Kanagawa, un ryokan – auberge traditionnelle japonaise – est parvenu à doubler ses bénéfices malgré la mise en place d’une fermeture de trois jours par semaine. Tout en augmentant de 40 % le salaire annuel moyen de son personnel. Quelques changements simples mais particulièrement efficaces dans la manière de gérer l’entreprise ont fait toute la différence.


L’auberge Jinya a connu son moment décisif en 2009, après la mort soudaine de son propriétaire. Son fils aîné, Tomio Miyazaki, aujourd’hui âgé de 40 ans, quitte alors son emploi d’ingénieur chez un grand constructeur automobile pour reprendre l’entreprise. Son épouse Tomoko, du même âge, devient sa directrice deux mois seulement après avoir accouché, sans avoir jamais travaillé dans un ryokan auparavant.
Le couple découvre alors que l’auberge est endettée à hauteur d’un milliard de yens japonais (environ 9,1 millions de dollars) à la suite d’une mauvaise gestion et d’un gaspillage excessif. Lorsque Tomio Miyazaki et son épouse tentent d’analyser la gestion de l’entreprise, ils ne trouvent des données que sur des registres en papier.
Considérant les technologies de l’information comme la solution à ces problèmes, le couple développe un logiciel pour gérer et rationaliser une série de tâches, des réservations à la comptabilité. Ils distribuent des tablettes à tous les membres du personnel pour qu’ils puissent partager les informations, comme les préférences des clients, afin d’améliorer la qualité de service. Grâce à ce nouveau système, les employés envisagent alors de manière plus positive leur travail.


Les propriétaires installent également des capteurs sur les bains, qui avertissent les employés lorsque le nombre de clients qui les ont utilisés dépasse un certain seuil. Grâce aux capteurs, le personnel n’a plus besoin de se déplacer plusieurs fois pour vérifier si les bains ont besoin d’être nettoyés.
Grâce à l’informatisation, le couple a réussi à réduire les tâches inutiles et à canaliser l’énergie de ses employés vers l’amélioration des services, comme la préparation de meilleurs repas. En conséquence, ils ont pu, progressivement, augmenter le prix des chambres. Cerise sur le gâteau, Tomio Miyazaki et son épouse ont même commercialisé leur logiciel de gestion auprès d’autres auberges et hôtels, ce qui leur a permis d’avoir une source supplémentaire de revenus.

Qualité de vie des employés
Mais alors que la performance du ryokan s’améliorait, un nouveau problème est apparu : Tomoko était épuisée à force de travailler sans arrêt, sans aucun jour de repos. « Même si la satisfaction client augmente, cela n’a aucun sens si la qualité de vie des employés ne s’améliore pas elle aussi », dit-elle. En 2014, le couple prend la décision radicale de fermer l’auberge les mardis et mercredis. La décision suscite des plaintes de la part de clients, qui ne peuvent envisager qu’un ryokan puisse fermer certains jours. En 2016, le couple va plus loin encore, en décidant de fermer après le déjeuner les lundis et d’arrêter de prendre des invités pour la nuit du lundi.


Malgré ces changements, le chiffre d’affaires annuel de l’auberge et des sociétés du groupe est passé de 290 millions de yens en 2010 à 726 millions de yens aujourd’hui. Une partie de cette croissance est due à l’amélioration de la qualité et de la réputation des repas servis.
Avant, l’auberge comptait 20 employés réguliers. Avec la nouvelle organisation, l’équipe reconfigurée inclut 25 employés à temps plein et moins d’employés à temps partiel. Le personnel reçoit également sa part des bénéfices de la croissance de l’entreprise. Leur revenu annuel moyen est passé de 2,88 à 3,98 millions de yens, tandis que le taux de départs du personnel a chuté de 33 % à 4 %. Dans cette industrie, même si les gens travaillent dur, les revenus sont généralement faibles. « L’industrie des services a tenu pour acquis le dévouement des travailleurs à la satisfaction de la clientèle », explique Tomoko.


En 2018, le ryokan Jinya a fêté son centième anniversaire. « Je veux promouvoir des modes de travail qui puissent s’adapter aux différentes étapes de la vie, comme l’éducation des enfants et l’aide aux personnes âgées, dans l’ensemble de l’industrie (des services), affirme Tomoko. Je veux que les auberges deviennent un secteur dans lequel les gens ont envie de travailler. »

Dans le Japon d’après-guerre, le développement économique fut soutenu par des employés se soumettant à de longues heures de travail ou à la délocalisation de leur emploi. Difficile de concilier une telle culture du travail et une vie familiale, l’éducation et les soins des enfants. Plus grave, cette culture a engendré le phénomène de karoshi (mort par surcharge de travail) ainsi...

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