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Lifestyle - La Mode

Gucci aux Alyscamps d’Arles pour sa croisière 2019

Comment rendre une collection inoubliable autrement qu’en l’associant à un lieu magique ? Pour longtemps encore, on se souviendra que la collection croisière 2019 de Gucci a été présentée une nuit de mai parmi les tombes des évêques d’Arles, dans la nécropole des Alyscamps.

Gucci croisière 2019 aux Alyscamps. Photo Bertrand Langlois/AFP

« Dans Arles où sont les Aliscamps/Quand l’ombre est rouge, sous les roses/Et clair le temps »... Le rouge et le rose évoqués dans ce vers de Paul-Jean Toulet, les célèbres Alyscamps de Van Gogh, peints à Arles entre octobre et novembre 1888, ceux de Gauguin de la même époque, ceux de Vallotton et de Lelée, cette « cité des morts vertueux » dont le nom n’est autre que la traduction provençale de « champs Élysées », tout cela a, semble-t-il, enflammé l’imagination d’Alessandro Michele et bien plus, puisque c’est avec de véritables lignes de feu qu’il a fait tracer le parcours du défilé Gucci croisière 2019 entre les sépultures de la nécropole arlésienne. L’an dernier, le directeur artistique de Gucci avait tenté, dit-on, d’obtenir le Parthénon d’Athènes pour y présenter la croisière 2018. À défaut de quoi, il s’était rabattu sur la galerie Palatine du Palazzo Pitti à Florence. Mais pour 2017, il avait décroché plus difficile encore : l’abbaye de Westminster dont il avait fait recouvrir les bancs de coussins brodés au point de croix de sujets loufoques. 

Funèbre jubilation…
Les Alyscamps donc, et déjà le choc des époques et des cultures. Le lieu date du IVe siècle avant J-C. Un rien solennel, sinon lugubre, il a d’abord recelé des tombes païennes avant de voir s’y aligner des sépultures chrétiennes et puis, au fil des siècles, devenir le dernier repos de prédilection des évêques d’Arles et autres personnalités dont les corps étaient acheminés par petit bateau le long du Rhône, accompagnés d’une certaine somme d’argent destinée aux Arlésiens qui se chargeraient de les enterrer. Le 30 mai dernier, après une journée pluvieuse, les éléments s’étaient assagis en soirée pour faire place à un événement autrement joyeux. Bien qu’annoncé par de sobres cartons d’invitation gris tombeau et ouvert sur fond de cloches et succession de requiem (dont l’œuvre de Zbigniew Prisner Requiem pour mon ami), et bien que prenant l’allure d’une procession funèbre en cette nuit nimbée de brumes et de fumerolles, éclairée par les lignes de feu tracées au sol auxquelles s’ajoutaient les lumières de centaines de candélabres, le défilé Gucci croisière 2019 était un délire jubilatoire. 

Chaotique cohérence
N’écoutant que les millenials, sa principale source d’inspiration, Alessandro Michele a livré une collection déjantée, totalement désinhibée et dépourvue de tabous, n’obéissant à aucune règle. De bout en bout, le fil conducteur en est justement une absence de fil conducteur. Collages surréalistes et associations improbables donnaient pourtant à l’ensemble une chaotique cohérence et une identité bien définie. Ratissant toute l’histoire du costume, du Moyen Âge à la fin du XXe siècle avec un arrêt complaisant au XVIIIe, le directeur artistique de Gucci était comme un enfant qui aurait découvert une malle mystérieuse où des générations d’ancêtres auraient conservé accessoires et vêtements. Leggings zébrés et perruques Grand Siècle, lunettes punk et jupes victoriennes, tiares et sneakers surdimensionnées, profusion d’imprimés floraux et croix chrétiennes ornementales en hommage à la Provence, paillettes et sequins, dentelles et broderies décalées dont un memento mori grossièrement cousu en blanc sur les jambes d’un pantalon noir. Les derniers modèles, arborant le logo du très hollywoodien hôtel Château Marmont, rappelaient en ce lieu de repos éternel que sont les Alyscamps qu’il en existait d’autres, tout aussi prestigieux, mais destinés au repos provisoire des vivants. Les lunettes, championnes des ventes Gucci, sont plus folles les unes que les autres, mais la ligne reine est incontestablement celle qui entoure chaque œil d’une couleur différente, notamment noir et blanc. Les foulards, alourdis de paillettes, se posent simplement sur la tête comme on le voit dans les portraits des peintres flamands, avec des plis savants. Fringants zombies, les mannequins émergeaient de la pénombre et, contournant les tombes, se transformaient en êtres de lumière pour le plus grand plaisir d’un parterre de privilégiés. Au premier rang étaient en effet alignés, entre autres, le rappeur ASAP Rocky, Salma Hayek Pinault et son mari François-Henri Pinault, Amanda Lear, Bryan Boy et Chiara Mastroianni. Le défilé s’est clôturé par une garden party animée par Elton John habillé par Gucci de la tête aux pieds. Quelque chose dans l’allure du chanteur rappelait les toreros. Un clin d’œil aux arènes d’Arles, ce colisée romain où Picasso satisfaisait sa passion pour les corridas. La boucle était bouclée.


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