Le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy, coulé par un scandale de corruption, a été renversé vendredi par le Parlement, après plus de six ans au pouvoir en Espagne, et remplacé par le socialiste Pedro Sanchez.
La motion de censure contre le dirigeant conservateur a été adoptée à une majorité de 180 députés sur 350. Un vote historique qui fait de M. Rajoy le premier chef de gouvernement victime d'une motion de censure depuis le rétablissement de la démocratie espagnole.
"Oui, c'est possible", ont lancé des députés du parti de la gauche radicale Podemos en saluant sa chute, tandis que leur chef Pablo Iglesias embrassait M. Sanchez. Investi par la Chambre, le leader socialiste doit encore prêter serment devant le roi Felipe VI.
Lors de sa première prise de parole après le vote, cet ancien professeur d'économie surnommé le "beau mec" a promis d'aborder avec "humilité tous les défis auxquels le pays fait face" en citant en particulier "l'urgence sociale" alors que le chômage et la précarité minent toujours le pays malgré l'insolente reprise économique.
Parti sans dire un mot du Parlement après avoir serré la main de M. Sanchez, M. Rajoy avait lui reconnu sa défaite, avant le vote, et souligné l"honneur - il n'y en a pas de plus grand - de gouverner l'Espagne", sous les applaudissements des députés de son Parti Populaire (PP).
Le sort de M. Rajoy s'est joué en à peine une semaine depuis le dépôt vendredi par le Parti Socialiste (PSOE) de M. Sanchez de cette motion, au lendemain de l'annonce de la condamnation du PP dans un méga-procès pour corruption.
Un chapitre de l'histoire politique espagnole s'est donc refermé vendredi à Madrid. Au pouvoir depuis décembre 2011, M. Rajoy, 63 ans, avait survécu à plusieurs crises majeures, de la récession, dont il est sorti au prix d'une sévère cure d'austérité, aux mois de blocage politique en 2016 jusqu'à la tentative de sécession de la Catalogne l'an dernier.
La revanche de Sanchez
A 46 ans, M. Sanchez tient enfin sa revanche, lui dont l'investiture à la tête du gouvernement avait été rejetée par les députés en mars 2016 avant qu'il ne réalise en juin de la même année le pire score de l'histoire du PSOE aux élections législatives.
Débarqué du poste de numéro un de sa formation à la suite de cette déroute électorale, il en a repris les rênes l'an dernier grâce au soutien de la base contre les barons du PSOE.
Monté au front contre M. Rajoy dès l'annonce le 24 mai de la condamnation du PP dans le scandale Gürtel, il a réussi cette fois un coup de poker politique.
Mais il a dû former autour des 84 députés socialistes une majorité hétéroclite allant de Podemos aux indépendantistes catalans et aux nationalistes basques du PNV.
Ces derniers, qui comptent cinq députés, ont porté le coup fatal à M. Rajoy jeudi en se ralliant à la motion socialiste après avoir pourtant voté le budget du gouvernement la semaine dernière.
Afin de convaincre le PNV, M. Sanchez a dû assurer qu'il ne toucherait pas à ce budget qui prévoit des largesses financières pour le Pays basque. Il a en outre promis aux indépendantistes catalans qu'il essaierait de "jeter des ponts pour dialoguer" avec le gouvernement régional de Quim Torra.
Reste à savoir désormais combien de temps M. Sanchez sera en mesure de gouverner avec une majorité qui apparaît totalement instable. Ses alliés de circonstance ont d'ailleurs tous souligné que leur vote contre Rajoy n'était pas un chèque en blanc. Podemos a déjà réclamé d'entrer au gouvernement.
"M. Sanchez veut être chef du gouvernement à n'importe quel prix" mais va entrer au gouvernement "par la porte de derrière", a raillé Rafael Hernando, patron des députés conservateurs.
L'affaire de trop
La condamnation du PP dans le procès Gürtel pour avoir bénéficié de fonds obtenus illégalement aura donc été l'affaire de trop pour M. Rajoy, dont le parti est empêtré dans plusieurs scandales.
Dans cette affaire, les juges ont conclu à l'existence d'un "authentique système de corruption institutionnelle" entre le PP et un groupe privé à travers la "manipulation de marchés publics", ainsi qu'à l'existence d'une "caisse noire" au sein du parti.
Ils ont de plus mis en doute la crédibilité de M. Rajoy qui avait nié l'existence de cette comptabilité parallèle devant le tribunal.
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