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Moyen Orient et Monde - Maghreb

Pourquoi « Shalom » fait polémique en Tunisie

Une émission filmée en caméra cachée où des personnalités acceptent de coopérer avec Israël agite l’opinion publique tunisienne.

Capture d’écran prise de YouTube du générique de l’émission « Shalom ».

Tous les moyens sont bons pour faire le buzz. Depuis sa première diffusion le 20 mai, l’émission Shalom a fait couler beaucoup d’encre en Tunisie. Et pour cause, elle touche à l’un des tabous les plus prégnants du pays, celui de la normalisation des relations avec Israël.

Dans Shalom, des personnalités tunisiennes sont invitées dans une maison inconnue, où elles rencontrent des comédiens qui jouent le rôle de représentants d’une « ambassade israélienne » travaillant secrètement en Tunisie. Ces personnalités sont filmées en caméra cachée en train d’accepter de coopérer avec l’État hébreu en échange de sommes d’argent alléchantes. Dans le premier épisode, une figure sportive accepte d’entraîner un club israélien pour la somme de 120 000 dollars.

Ce jeu pervers, où un comédien grimé en rabbin et de faux agents secrets tentent de corrompre des politiques, des hommes d’affaires et des sportifs reconnus, en dit long sur la vision de l’État hébreu en Tunisie. D’autant plus que les relations sont rompues entre les deux pays depuis 2000, en protestation contre la répression de l’intifada palestinienne.

Avant même la diffusion de Shalom, des listes de responsables ayant accepté de coopérer avaient circulé sur les réseaux sociaux. L’émission était programmée pour le début du ramadan, mais la chaîne qui était supposée la diffuser y a renoncé. Son producteur, le journaliste Walid Zribi, a dénoncé dans plusieurs médias locaux une forme de censure. La chaîne Tunisna TV a finalement accepté de la diffuser chaque soir, à l’heure de la rupture du jeûne du ramadan. Un horaire idéal pour un maximum d’audience.
Le contexte du ramadan a sensibilisé d’autant plus l’opinion publique, la diffusion d’une émission mettant en avant des faiblesses comme la cupidité et la trahison détonant avec l’esprit de ce mois de piété.

Les réactions en Tunisie ont été virulentes. Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a notamment appelé mardi au boycott de l’émission, arguant que le programme ne répond pas « à une production journalistique, ni à une investigation, et ne répond pas aux standards des programmes légers reconnus comme étant des caméras cachées », rapporte le HuffPost Maghreb.D’après Hasni Abidi, politologue spécialiste du monde arabe et directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève, cette émission, « à la limite entre le satirique et le politique, est un mélange des genres inconfortable pour le spectateur ». « On joue sur les stéréotypes associés aux juifs en présentant des hommes venant d’Israël avec des valises pleines d’argent et en multipliant les allusions au Mossad », ajoute Hasni Abidi. Le scénario dessert également les personnalités tunisiennes, qui sont montrées comme facilement corruptibles et promptes à retourner leur veste. Selon le politologue, Shalom « ne favorise pas l’amitié entre les peuples et la fin des stéréotypes entre Arabes et Juifs ».
 

(Lire aussi : Argent contre coopération avec Israël : une caméra cachée au cœur d'un scandale en Tunisie)


Tabou israélien
En Tunisie, la question de la normalisation des relations avec Israël est un sujet très sensible. « La cause palestinienne est très présente au sein de l’opinion publique tunisienne, comme souvent au Maghreb », explique le politologue Riadh Sidaoui. Israël est perçu comme un État ennemi dans un pays à majorité sunnite et le lien entre la Tunisie et les Palestiniens est très fort, « l’OLP s’étant installée à Tunis en 1982 », rappelle Riadh Sidaoui. Par ailleurs, des militants des droits de l’homme et des politiques réclament régulièrement l’adoption d’un projet de loi criminalisant la normalisation des relations avec Israël.

Mais ce tabou autour d’Israël ne constituerait-t-il pas le terreau d’émissions comme Shalom ? D’après Hasni Abidi, « les appels au boycott risquent de faire le jeu de cette émission » en alimentant le buzz qui l’entoure. Selon lui, l’opposition doit venir de la société civile, étant donné que le programme a été approuvé par la Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA). Cette dernière a d’ailleurs décidé mercredi d’apporter des modifications au générique de Shalom en retirant le drapeau israélien, dans le but de ne pas « normaliser » les relations avec ce pays, d’après le HuffPost Maghreb.
L’adaptation de scénarios polémiques en programmes télévisés n’est toutefois pas une première en Tunisie. En 2016, c’est l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali qui en avait fait les frais. Ce dernier avait d’ailleurs porté plainte contre l’émission Allô Jeddah, dans laquelle un humoriste se faisait passer pour lui.


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