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À La Une - Disparition

Décès de Philip Roth, l'un des plus grands écrivains de l'Amérique contemporaine

Régulièrement, presqu'inlassablement, l'écrivain aux multiples récompenses (Pulitzer, National Book Award à deux reprises) était donné favori pour le Nobel. Mais le prix lui a toujours échappé.

Philip Roth à New York en septembre 2010. Le grand écrivan américain est mort le 22 mai 2018. REUTERS/Eric Thayer/File Photo

L'écrivain américain Philip Roth, auteur de plus de 30 livres, dont "Pastorale américaine" pour lequel il a remporté un prix Pulitzer en 1998, est mort mardi à l'âge de 85 ans. L'information, rapportée par le New York Times, a été confirmée par l'agent littéraire de Roth. Philip Roth est décédé d'une insuffisance cardiaque congestive à New York, mardi à 22h30 (02h30 GMT mercredi), a annoncé Andrew Wylie.

Après un demi-siècle à imaginer des histoires qui l'ont rendu célèbre dans le monde entier, et deux ans après son dernier roman "Némésis", ce géant de la littérature américaine et mondiale avait annoncé en 2012 qu'il n'avait plus l'énergie de gérer la frustration qui accompagne la création littéraire.
Une décision qu'il justifiait encore ces dernières années : "Raconter des histoires, cette chose qui m'a été si précieuse durant toute mon existence, n'est plus au coeur de ma vie", expliquait-il au journal français Libération. "C'est étrange. Jamais je n'aurais imaginé qu'une chose pareille puisse m'arriver".


Régulièrement, presqu'inlassablement, l'écrivain aux multiples récompenses (Pulitzer en 1998 pour "Pastorale américaine", National Book Award en 1960 pour "Goodbye, Columbus" et en 1995 pour "le Théâtre de Sabbath") était donné favori pour le Nobel. Mais le prix lui a toujours échappé.


Grand ténébreux au sourcil broussailleux, petit-fils d'immigrés juifs d'Europe de l'Est, Philip Roth a écrit, debout à son pupitre, près de 30 romans : récits provocateurs des moeurs de la petite bourgeoisie juive américaine, satires politiques, réflexions sur le poids de l'Histoire ou sur le vieillissement, ses oeuvres sont presque toujours entre autobiographie et fiction.
Sa plume exigeante et sa lucidité implacable sur la société américaine ont fait de lui une figure majeure de la littérature d'après-guerre. C'est le seul écrivain vivant dont l'oeuvre a été éditée par la Library of America. En France, il commencé d'être édité dans la prestigieuse collection de La Pléiade.


(Pour mémoire, dans l'Orient Littéraire :  L’Amérique de Philip Roth, par Richard Millet)


Premiers succès, premiers malentendus
Né le 19 mars 1933 dans un quartier juif de Newark (New Jersey), fils d'un agent d'assurances, il publie son premier ouvrage, "Goodbye, Columbus" en 1959, après quelques années à enseigner la littérature. Ce recueil de nouvelles lui vaut un premier succès, mais aussi de premières accusations d'antisémitisme. Un malentendu qui reviendra avec "Portnoy et son complexe", paru en 1969, qui fait scandale mais lui vaut aussi succès immédiat et notoriété mondiale.
Son jeune héros y aborde sans détour face à son psychanalyste les affres de la masturbation et son rapport obsessif à sa mère, à l'Amérique et à la judéité. Des représentants de la communauté juive le jugent teinté d'antisémitisme. D'autres dénoncent de la pornographie pure et simple.
"J'adore écrire sur le sexe. Vaste sujet! Mais la plupart des événements racontés dans mes livres n'ont jamais existé. Même s'il faut quelques éléments de réalité pour commencer à inventer", dira plus tard Philip Roth.


A la fin des années 1970, influencé entre autres par le romancier juif américain Saul Bellow, Roth commence une série de neuf livres ayant pour personnage central un jeune romancier juif, Nathan Zuckerman, son double.
Parmi ces romans, trois de ses plus grands succès: "Pastorale américaine" (1997), sur les ravages de la guerre du Vietnam dans la conscience nationale, "J'ai épousé un communiste" (1998) sur le maccarthysme, et "La tache" (2000) qui dénonce une Amérique puritaine et renfermée sur elle-même.
Il y eut aussi "Les faits" (1988), une autobiographie sur les 36 premières années de sa vie, entamée après une dépression. Et "Opération Shylock: une confession" (1993), où le narrateur se nomme...Philip Roth, encore un double de l'écrivain.




Frustration d'écrire
"Le complot contre l'Amérique", sorti en 2004, imagine le destin d'une famille juive de Newark si les Etats-Unis avaient élu l'aviateur Charles Lindbergh, aux sympathies pro-nazies, plutôt que de réélire Franklin D. Roosevelt en 1940.
Ce roman, qui brouille constamment la frontière entre fiction et réalité, est revenu récemment dans l'actualité: beaucoup y ont vu des correspondances avec l'élection de Donald Trump. Philip Roth, qui vivait seul entre sa maison du Connecticut rural (nord-est) et son appartement à Manhattan, était néanmoins sorti de sa retraite fin janvier pour balayer toute analogie avec l'accession au pouvoir du milliardaire.
Tandis que Lindbergh était "un grand héros" avec de la "substance", écrivait-il au New Yorker, Trump est un président "ignorant du gouvernement, de l'histoire, de la science, de la philosophie, de l'art, incapable d'exprimer ou de reconnaître une subtilité ou une nuance" et utilisant "un vocabulaire de 77 mots".


Si la politique et la société américaine ont été au coeur des oeuvres de Philip Roth, la vieillesse et la mort ont hanté ses récents ouvrages comme "Un homme" (2006) ou "Le rabaissement" (2009).
En 2012, il annonce avoir renoncé à écrire et explique que "Nemesis", paru en 2010, était son dernier roman.
"Je n'ai plus l'énergie pour supporter la frustration. Ecrire est une frustration quotidienne, et je ne parle pas de l'humiliation", explique-t-il alors au New York Times. "Je ne peux plus passer des jours à écrire cinq pages, que je jette ensuite".

Ecrire était pour Roth une démarche "emplie de peur, de solitude et d'anxiété", avait-il aussi dit dans un entretien au Guardian en 2005. Mais "il y a des jours qui compensent cela entièrement. Durant ma vie, j'ai eu deux mois faits de ces jours absolument merveilleux en tant qu'écrivain, et cela me suffit." Et en 2014, il raconte au quotidien suédois Svenska Dagbladet avoir relu ses 31 livres pour "savoir si j'avais perdu mon temps. On ne peut jamais être sûr, vous savez".


Et ce génie littéraire, sans enfant, d'ajouter avoir ressenti "un énorme soulagement: c'est une expérience presque sublime de n'avoir plus à s'inquiéter que de la mort".


Les grandes dates de Philip Roth



- 19 mars 1933: naissance à Newark (New Jersey)
- 1959: publie son premier ouvrage, un recueil de nouvelles, "Goodbye, Colombus", qui reçoit le "National Book Award" l'année suivante. Roth le recevra également en 1995 pour "Le théâtre de Sabbath".
- 1959: épouse Margaret Martinson, dont il divorce en 1963. Il épousera en seconde noces l'actrice britannique Claire Bloom (1990-95).
- 1969: publie "Portnoy et son complexe", premier grand succès.
- 1979: publie "L'écrivain des ombres", premier roman narré par son personnage et alter ego Nathan Zuckerman.
- 1998: remporte le prix Pulitzer pour "Pastorale américaine" (1997). Publie "J'ai épousé un communiste".
- 2000: publie "La tache", pour lequel il reçoit deux ans plus tard en France le prix Médicis étranger.
- 2005 : devient un des rares écrivains américains vivants dont l'oeuvre est publiée par la "Library of America". En 2017, il entre dans la collection La Pléiade en France, qui consacre des auteurs majeurs.
- 2010: dernier roman "Némésis"
- 2012: annonce qu'il cesse d'écrire




L'écrivain américain Philip Roth, auteur de plus de 30 livres, dont "Pastorale américaine" pour lequel il a remporté un prix Pulitzer en 1998, est mort mardi à l'âge de 85 ans. L'information, rapportée par le New York Times, a été confirmée par l'agent littéraire de Roth. Philip Roth est décédé d'une insuffisance cardiaque congestive à New York, mardi à 22h30 (02h30 GMT mercredi),...

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