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La preuve par non

C’est à une bien singulière démonstration de fidélité à la parole donnée que se livre Donald Trump, sous le regard atterré d’une bonne partie de la planète. En se retirant de l’accord sur le nucléaire iranien comme il s’était engagé à le faire une fois installé à la Maison-Blanche, le président américain prouve certes à ses électeurs qu’il est homme de parole. Mais du même coup il insulte, désacralise, dévalorise, discrédite même la parole de la première puissance mondiale. Qui plus est, il le fait à la veille de négocier – et éventuellement de signer – un accord nucléaire avec un autre trublion, nord-coréen celui-là, et qui frappe comme un forcené à la porte du club nucléaire. Comment, se demande-t-on un peu partout, accorder foi encore à ce paraphe mondialement célèbre qu’aime tant à exhiber à la télévision l’homme à la houppe orange ?

Pour légitimes cependant que soient leurs appréhensions, les Libanais sont bien mal placés pour se joindre à ce concert mondial de cris d’indignation, eux qui vivent dans le déni constant des textes les plus sacro-saints, les plus inviolables, à commencer par leur propre Constitution. Et s’il est grand temps d’y remettre un peu d’ordre, ce n’est pas seulement parce nous venons de renouer avec la pratique des élections législatives, et qu’il nous faut persévérer dans le réapprentissage de la démocratie. Il y a bien plus gros en effet sur le plateau de la balance, à l’heure où un nouvel incendie se déclare à nos portes et où les extincteurs domestiques font, une fois de plus, défaut.

Incalculables pour nous risquent d’être les retombées de cette soudaine épreuve de force opposant, sur le sol d’une Syrie déjà ravagée par la guerre, ces deux États à fondements ultrareligieux qui, chacun à sa manière, ne nous veulent pas grand bien. D’Israël, il est devenu superflu de citer les visées agressives sur ce Liban multiconfessionnel qui, vaille que vaille, est son antithèse. Quant à la théocratie iranienne, elle prend ironiquement prétexte de la lutte contre l’ennemi israélien pour exporter à tout vent sa révolution islamique, pour pousser ses pions partout où elle le peut, et particulièrement au Liban, dans le but évident d’en altérer la physionomie.

Ce n’est guère par hasard que ces deux protagonistes ont procédé à la même lecture des résultats du scrutin législatif libanais de dimanche dernier : l’un pour saluer bruyamment la victoire de son affidé, le Hezbollah, sinon la sienne propre ; et l’autre pour prendre acte de la même mainmise et y voir un bon motif pour réduire au même Hezbollah le Liban tout entier, et le traiter en conséquence. Dès lors, il est urgent aujourd’hui, pour les autorités, de clamer – et surtout de démontrer – que non, Hezbollah n’égale pas Liban. Qu’en matière de politique étrangère, le Liban officiel s’en tient effectivement, et non mensongèrement, à sa doctrine de distanciation par rapport aux conflits régionaux. Que le Liban se refuse à souffrir, même par ricochet, des sanctions économiques et financières américaines visant l’Iran et son protégé. Et que non, non, la primauté des institutions et une présidence forte, ces deux slogans du régime, n’ont aucun sens tant qu’il existe un État dans l’État.

Oublions, dès lors, la paille dans l’œil de Donald Trump et soucions-nous plutôt de la poutre qui nous aveugle.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

C’est à une bien singulière démonstration de fidélité à la parole donnée que se livre Donald Trump, sous le regard atterré d’une bonne partie de la planète. En se retirant de l’accord sur le nucléaire iranien comme il s’était engagé à le faire une fois installé à la Maison-Blanche, le président américain prouve certes à ses électeurs qu’il est homme de parole. Mais du...