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Liban

Un encadrement pluridisciplinaire pour les jeunes sourds à l’Institut Père Roberts

Les enfants sourds sont pris en charge dès leur plus jeune âge, gratuitement, à l’Institut Père Roberts de Sehailé, afin de recevoir une éducation qui leur permette de construire leur avenir.

Du 23 au 29 avril derniers, le Liban et le monde arabe ont célébré la semaine du sourd. Cette année, le thème choisi était celui de l’insertion professionnelle. La directrice de l’Institut Père Roberts pour jeunes sourds, sœur Patrice, profite de cette occasion pour réaffirmer l’objectif de l’enseignement qu’elle délivre à ses élèves : leur donner les moyens de s’intégrer socialement et professionnellement.

Accompagner l’enfant tout au long de son apprentissage
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre... et il n’est sourd plus émouvant que celui qui veut apprendre. Les enfants pris en charge à l’Institut Père Roberts de Sehailé sont une parfaite illustration de ce second proverbe. Les rencontrer est une expérience inoubliable. Volubiles à leur manière, ils reçoivent leur hôte de passage avec mille démonstrations de bienvenue. Si la parole est d’argent et le silence est d’or, le geste d’accueil est une pépite, offerte par ces jeunes sourds au visiteur inopiné. C’est ensuite en langue des signes, assortie d’un visage expressif et de quelques mots (car beaucoup peuvent parler !), que les enfants de l’institut racontent leur quotidien. 

Cet établissement a été fondé en 1959 par un chapelain anglais qui, en 1983, demanda aux sœurs basiliennes chouérites de poursuivre son œuvre. La communauté dirige aujourd’hui une fondation qui accueille cent trente jeunes, sourds ou ayant des difficultés à s’intégrer dans un environnement scolaire classique. L’établissement reçoit tous les enfants qui se présentent, gratuitement, quelles que soient leur religion ou leur situation sociale. Une équipe pluridisciplinaire est à leur écoute. Elle est composée d’orthophonistes, de psychologues, de psychomotriciennes, d’audiologistes, de médecins ORL ainsi que de quarante-cinq enseignants, soit un professeur pour trois enfants environ. Nous sommes loin des classes surchargées dont pâtissent, à l’heure actuelle, de nombreux élèves ! Ici, les structures sont adaptées aux besoins des enfants ; chacun d’eux a la place qu’il faut pour faire entendre sa voix.

À l’institut, ils reçoivent une éducation spécialisée, en accord avec les programmes officiels, qui leur permet de passer le brevet, le baccalauréat anglais ou un baccalauréat technique. Suite à cela, ils peuvent rejoindre l’université ou intégrer une formation technique. Au sein de l’institut, de nombreux ateliers sont proposés : pâtisserie, bijouterie, graphic design, couture. L’institut ouvre des formations en fonction de la demande des étudiants. Elles permettent aux jeunes de mettre un pied dans le monde professionnel : les étudiants en bijouterie vendent leurs créations. Quant aux futurs pâtissiers, ils travaillent déjà dans la pâtisserie de l’institut, ouverte en 1998. Avis aux promeneurs que leurs pérégrinations dirigeraient vers Sehailé : les petits fours confectionnés par ces jeunes sourds valent le détour ! 


Apprendre à écouter
Les professionnels qui travaillent à l’institut s’emploient à stimuler les enfants dès le dépistage de leur handicap. Presque tous sont appareillés avec un implant ou une prothèse. Ces dispositifs ne corrigent pas la surdité mais permettent au jeune sourd de tirer profit de capacités qu’il possède déjà. Cela suppose une prise en charge précoce de l’enfant, alors qu’il est âgé de moins de trois ans. Joëlle Wheibé, orthophoniste à l’institut, raconte comment elle place les bébés sourds sur une estrade vibrante afin de leur faire éprouver les vibrations. « C’est d’abord par l’intermédiaire de son corps que l’enfant découvre le son », explique-t-elle. Ensuite, après la mise en place d’un implant ou d’une prothèse, l’enfant entend, mais « il faut l’accompagner et lui apprendre à écouter, à donner du sens aux sons entendus. Il pourra ensuite apprendre à parler ». Ces jeunes connaissent aussi le langage des signes. Ils peuvent ainsi dialoguer entre eux et avec leurs proches. C’est ce que raconte Joséphine Akiki, qui enseigne les sciences à l’institut depuis quatre ans : « Si la communication n’est pas toujours facile, elle est extrêmement riche. Je dois m’adapter aux façons d’être des enfants, me montrer attentive. Ils me guident dans la manière d’enseigner, m’apprennent la langue des signes. » Cette écoute et cet enseignement mutuels sont source d’une grande joie : « J’aime travailler ici car je vois les enfants heureux, à l’aise, épanouis », témoigne Joséphine Akiki. 

Trouver sa place
Les exemples de belles réussites sont nombreux. Ainsi, Alain Martinos est entré à l’institut à l’âge de trois ans. Il a aujourd’hui vingt-cinq ans et poursuit ses études à l’Université Notre-Dame-de-Louaizé. Son but est de devenir technicien de laboratoire médical. Il revient sur ce qui constitue, selon lui, les grands atouts de l’éducation qu’il a reçue à l’institut : « Un suivi constant des élèves, des objectifs éducatifs bien déterminés, un dialogue permanent avec les parents. » Il considère toujours l’institut comme une vraie famille, mais vole désormais de ses propres ailes.

Cependant, le travail et la bonne volonté de ces jeunes ne suffisent pas toujours à leur ouvrir les portes du monde professionnel. Sœur Patrice regrette les difficultés que rencontrent beaucoup de jeunes sourds au moment d’entrer sur le marché du travail. Elle raconte le parcours de Carole, une ancienne élève de l’institut qui a étudié le marketing à l’université. Malgré son diplôme, aucune entreprise n’a accepté de l’embaucher. Elle a donc changé de voie pour se tourner vers l’éducation et travaille désormais à l’institut. C’est, certes, un travail passionnant, mais ce n’est pas celui qu’elle aurait choisi. « Ces enfants fournissent d’immenses efforts pour apprendre et progresser. Il faut ensuite leur donner la chance d’exploiter toutes les compétences qu’ils ont acquises », déclare sœur Patrice. Elle reste malgré tout optimiste, un optimisme alimenté par l’énergie des enfants qu’elle accompagne. En effet, la société a longtemps exclu les sourds, considérant qu’ils étaient incapables de communiquer avec leur entourage. Les jeunes sourds de l’Institut Père Roberts, eux, ne vivent pas dans leur monde mais dans le monde. Et ils entendent bien y trouver leur place.


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