Le Maroc a annoncé mardi, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran, en raison du soutien militaire que le Hezbollah apporterait depuis plus de deux ans au Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui soutenu historiquement par l’Algérie.
Rabat soutient que des éléments du Hezbollah se rendaient régulièrement dans les camps de Tindouf, qui se trouve au sud-ouest de l’Algérie, à quelques kilomètres seulement de la frontière du Sahara occidental, pour former des combattants du Polisario dans le domaine militaire et du renseignement, selon des sources bien informées.
Le chef de la diplomatie marocaine a également accusé le parti chiite d’approvisionner le front en armes iraniennes par le biais d’un membre du corps diplomatique iranien basé en Algérie.
M. Bourita s’est rendu en début de semaine à Téhéran où il a remis des « preuves irréfutables » de ces ingérences à son homologue iranien, Mohammad Jawad Zarif, afin de justifier la volonté de son pays de rompre ses relations diplomatiques avec l’Iran.
Selon le ministre marocain, les relations entre le Hezbollah et le Polisario auraient commencé en 2016, avec la création au Liban d’un comité de soutien au peuple sahraoui parrainé par le Hezbollah. L’événement aurait été suivi d’une visite d’une délégation militaire du parti chiite dans les camps de Tindouf. Puis, le 12 mars 2017, un haut responsable financier du Hezbollah, Kassem Mohammad Tajeddine, a été arrêté à l’aéroport de Casablanca pour blanchiment d’argent en vertu d’un mandat d’arrêt à son encontre en provenance des États-Unis, a poursuivi Nasser Bourita, suite à quoi « le Hezbollah a cherché à se venger », en acheminant des armes et des équipements militaires à Tindouf. L’objectif étant, selon lui, « d’entraîner les éléments du Polisario à la guerre des gangs et à former des commandos pour préparer des actes hostiles au Maroc ». Ainsi, des missiles SAM-9 et SAM-11 auraient été récemment envoyés au Polisario, selon M. Bourita, qui fait état de preuves, de données et de dates qui montrent l’implication d’au moins un membre de l’ambassade iranienne en Algérie dans l’organisation de ces opérations sur deux ans au moins.
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Le ministère iranien des Affaires étrangères s’est empressé de démentir fermement « ces accusations hier, à l’instar du Hezbollah, qui, dans un communiqué, a condamné la rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Iran, survenue du fait de pressions internationales ». « Il est triste que le Maroc, du fait des pressions américaines, israéliennes et saoudiennes, se rabatte sur des accusations infondées », a indiqué le Hezbollah, estimant que Rabat aurait dû aller « à la recherche de motifs plus convaincants pour rompre ses relations avec l’Iran, qui soutient la cause palestinienne de toutes ses forces, au lieu d’inventer ces prétextes fallacieux ». Le Polisario, par la voix de l’un des responsables, Mohammaed Khaddad, a lui aussi fustigé des « accusations infondées ». « Le Polisario n’a jamais eu de relations militaires avec le Hezbollah et l’Iran. C’est un mensonge grotesque pour impliquer le Maghreb dans la crise du Moyen-Orient », a-t-il dit à l’AFP à Alger.
C’est aussi le point de vue d’un journaliste et analyste politique libanais proche de Téhéran et basé à Bagdad, selon qui la manœuvre répond à « une volonté saoudienne de circonscrire l’influence iranienne sur la scène arabe ». Selon cet analyste politique, il faut replacer l’affaire dans le contexte de la confrontation entre l’Iran et l’Arabie saoudite à travers le monde arabe, notamment au Liban, en Syrie, à Bahreïn, en Irak et au Yémen.
L’Arabie saoudite a d’ailleurs joint sa voix à celle du Maroc hier, puisqu’elle a condamné « fermement l’ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la milice “terroriste” du Hezbollah, qui entraîne les éléments du soi-disant groupe “Polisario” en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité » du royaume chérifien. Les Émirats arabes unis et Bahreïn, traditionnellement alignés sur Riyad, ont également exprimé leur solidarité avec le Maroc.
Selon le journaliste et analyste politique Khairallah Khairallah, grand spécialiste du Maroc, le royaume chérifien « n’aurait jamais avancé ces accusations s’il n’avait pas de preuves solides en sa possession ». À L’Orient-Le Jour, M. Khairallah souligne que « Rabat comprend très bien la situation délicate dans laquelle se trouve le Liban, où règne le fait accompli du Hezbollah, qui, lui-même, ne fait rien sans l’assentiment de Téhéran ».
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Jusqu’à l’heure, le Liban « officiel » a en effet été épargné par les accusations marocaines, probablement du fait des bonnes relations du Premier ministre Saad Hariri avec le roi Mohammad VI. Les deux hommes avaient en effet posé ensemble dans un selfie à Paris, le mois dernier, avec le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. Selon notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane, il n’y aurait pour l’heure eu aucun contact diplomatique entre Beyrouth et Rabat au sujet de ces accusations. Mais il n’est pas clair combien de temps Beyrouth, où le Hezbollah fait sa loi et pourrait obtenir encore plus de leviers de commandes à l’issue du scrutin législatif de dimanche, peut rester en marge du conflit.
« Pour Rabat, il est clair que le Hezbollah n’est qu’une milice sectaire et une brigade des pasdaran, c’est-à-dire un instrument aux mains de l’Iran, que ce soit au Liban ou ailleurs, tout comme le Polisario est un instrument algérien utilisé dans une guerre d’usure contre le Maroc », affirme Khairallah Khairallah.
« L’Iran estime qu’il peut exploiter l’affaire du Sahara occidental, un conflit algéro-maghrébin, afin de s’immiscer dans les affaires de la région. Il est désormais évident que Téhéran veut accumuler le plus de cartes possibles entre ses mains pour montrer qu’il est une force régionale dotée d’un projet expansionniste dans le Golfe et au Moyen-Orient, jusqu’en Afrique du Nord », estime le journaliste, selon qui « les pasdaran sont aussi à l’œuvre en Algérie et en Tunisie, et tentent aussi de s’implanter en Égypte et au Soudan, par le biais des Frères musulmans ».
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c'est très clair lol mais voyez vous le pb est bien la ... que le aounistes prennent actes
19 h 58, le 03 mai 2018