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Culture - Interview

Michel Ocelot : Le Liban est fascinant, avec son histoire, son présent, ses problèmes, ses émigrés...

Dans le cadre de la troisième édition du Metropolis Youth Film Festival, qui s’est déroulée au Metropolis Empire Sofil, le papa de Kirikou, invité de l’Institut français, y a présenté en exclusivité quelques extraits de son prochain film, « Dilili à Paris », mis en musique par Gabriel Yared.

Michel Ocelot au Metropolis Youth Film Festival. © Metropolis Adrienne Hurtut

Est-ce votre première fois au Liban ?
La quatrième ! La première fois, c’était pour un Salon du livre, la seconde, pour présenter Azur et Asmar, distribué à mon grand plaisir au Liban. Enfin, je suis revenu une troisième fois parce qu’une maîtresse d’école a eu l’excellente idée de demander à ses élèves d’écrire une suite à Azur et Asmar. Cette suite m’a touché. Elle répondait à des « gènes » en moi. J’ai mis leur scénario en images. Gabriel Yared a recomposé une musique et je suis retourné au Liban pour le leur présenter. Quant à eux, ils en ont fait une pièce de théâtre. Ces enfants ont trouvé dans le pardon le dénouement dont je rêvais et non pas une issue manichéenne. Ils ont trouvé la bonne issue, ensuite ficelée à ma manière. Et aujourd’hui, je suis ici grâce à un ami de l’Institut français pour ce festival où je vais présenter mon prochain film, Dilili à Paris.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
J’aime explorer toute la planète. Avec Azur et Asmar, cela englobait l’Andalousie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, le Liban et aussi la Turquie et la Perse. Cette fois-ci, j’explore un autre univers intéressant, celui d’une certaine civilisation occidentale : le Paris des années 1900. Une époque très riche qui voit naître la liberté de la presse ; où tout se met à bouillonner, où les gens pensent et disent ce qu’ils veulent. Le monde entier est séduit par cette ville où l’on retrouve des génies à tout coin de rue.

Qui connaît votre travail sait que s’y dissimule toujours un sujet sérieux…
Oui… Avec ce film, j’aborde un sujet très grave, celui des hommes qui font du mal aux femmes et aux petites filles. Ce qui m’attire dans cette époque, c’est que les femmes commencent à être au-devant de la scène, même si les hommes font tout pour qu’elles n’aient pas de pouvoir officiel. Je montre des personnes remarquables et je m’offre le luxe d’aller à la rencontre de Louise Michel, révolutionnaire, Sarah Bernard, celle qui a inventé le star-system, et Marie Curie, l’une des plus grands scientifiques de l’histoire. Mais également la revendication de l’élégance propre à l’époque.

Quelle est l’histoire de ce nouveau film ? Qui est cette Dilili ?
L’histoire est un mystère policier dans lequel des petites filles se font enlever par des mâles maîtres. Quant à la petite héroïne, Dilili, j’ai souhaité qu’elle soit métisse. En me documentant sur cette époque, je me suis aperçu que les peaux de couleur différente étaient rares. En creusant davantage, je suis tombé sur une anecdote concernant Louise Michel. Alors qu’elle fut envoyée au bagne en Nouvelle-Calédonie avec ses camarades de la Commune, elle s’est reconvertie en institutrice et apprenait aux petits Kanaks à lire et à écrire. J’ai trouvé cela formidable, la générosité et la cohérence de cette femme qui, même dans les moments les plus extrêmes, n’oublie pas les autres. C’est de là qu’est né le personnage de Dilili. C’est elle qui va mener l’enquête, tenter de libérer les petites filles enlevées et essayer d’empêcher les méchants de récidiver. Dans son aventure, elle est accompagnée de toute une troupe avec laquelle elle déambulera dans les rues de Paris grâce aux indices donnés par des supervedettes qui ne savent pas encore qu’elles le sont comme Debussy, Pasteur ou Picasso… Dilili a donc plusieurs missions dans le film : défendre les petites filles, mais aussi les métisses !

Vos films revêtent toujours une forte dimension documentaire…
J’aime donner les bonnes adresses. Je sème des petites graines en sachant que certaines vont germer. Ainsi plus tard, quand les enfants entendront de nouveau ces noms, ils prêteront l’oreille et s’intéresseront à ces personnes qui ont tout donné dans leur vie pour arriver à en faire quelque chose de bien.

Si l’émigration vous touche tant, est-ce parce que vous l’avez vous-même vécue ?
J’ai grandi en Guinée et nous sommes retournés vivre en France lorsque j’étais adolescent. En revenant, je me suis moi-même senti comme un étranger dans mon propre pays. Crapou dans Azur et Asmar, c’est moi-même à 15 ans. Nous sommes arrivés d’Afrique, dans cet ouest de la France où le ciel est toujours gris. De plus, à cause de la différence entre les deux cultures, je ne maîtrisais pas bien tous les codes. Ainsi, à l’école, lorsque je répondais de manière franche, on me disait insolent alors que j’étais le plus innocent du département…

La musique est très importante dans vos films. Youssou N’dour pour celle de « Kirikou », Gabriel Yared pour « Azur et Asmar »... Qu’en est-il de ce dernier ?
La musique est de nouveau de Gabriel Yared. C’est un film très musical où je montre Debussy et une cantatrice chantant un morceau de Pelléas et Mélisande, Satie jouant Gnossiennes dans un bar, je fais chanter Le Temps des cerises. Au cours du film on peut entendre une ritournelle de la butte Montmartre et à la fin, une grande cantatrice de notre époque qui interprète une cantatrice de 1900.

Quels sont vos prochains projets ?
Il me faudrait plusieurs vies pour en venir à bout. J’aimerais faire de petits films pour les grands, des courts-métrages avec tout ce que j’ai eu envie de faire au cours de ma vie. Mais mon prochain film est un spectacle de cinéma divisé en deux moyens métrages très raffinés, un conte en silhouettes comme Princes et Princesses et un autre en couleurs éclatantes, tourné dans la Turquie ottomane avec des costumes ahurissants aux tissus extraordinaires…

Que représente pour vous le Liban ?
Le Liban est fascinant, avec son histoire, son présent, ses problèmes, ses émigrés. C’est un pays de cultures. L’histoire des Phéniciens me séduit. Ils savaient naviguer, installer des échoppes, sans faire la guerre, sans écraser les autres. Dilili à Paris dit plusieurs choses de cet ordre. La civilisation, le travail et le progrès sont de bonnes choses, mais piétiner les autres ne sert à rien. Je dis aux petites filles : « Méfiez-vous, si les victimes disent non, alors les bourreaux auront plus de difficultés à semer la terreur et à demeurer impunis. »

Est-ce votre première fois au Liban ? La quatrième ! La première fois, c’était pour un Salon du livre, la seconde, pour présenter Azur et Asmar, distribué à mon grand plaisir au Liban. Enfin, je suis revenu une troisième fois parce qu’une maîtresse d’école a eu l’excellente idée de demander à ses élèves d’écrire une suite à Azur et Asmar. Cette suite m’a touché. Elle...

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