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Tuer, mais autrement

C’est bien connu, on ne peut pas contenter tout le monde. Suivant la même logique cependant, il est tout aussi difficile de ne faire autour de soi que des mécontents ou, à tout le moins, des insatisfaits, des sceptiques. Dans une large mesure, c’est là pourtant le singulier résultat des frappes aériennes lancées samedi dernier contre des sites chimiques en Syrie.


Place d’abord aux protestations et accusations de commande proférées par le maître de céans Bachar el-Assad qui crie à l’agression terroriste, et avec lui ses alliés russes et iraniens. Ces cris d’orfraie ne doivent d’ailleurs tromper personne. Si quelques installations mortifères ont effectivement été détruites, l’effroyable arsenal du dictateur baassiste demeure, le temps lui ayant été accordé de l’entreposer en lieu sûr. Idem pour le site martyr de Douma, où les autorités ont eu toute latitude de supprimer les preuves de leur crime avant l’arrivée, hier, des enquêteurs internationaux. Si surtout le régime syrien a été châtié pour avoir touché au fruit défendu, le gaz, il reste libre d’user à satiété de ses autres outils à tuer en masse. Dès lors, Bachar ne s’est même pas donné la peine de feindre la colère, jouant sur un clip télévisé les présidents modernes arrivant sereinement à son bureau, attaché-case à la main. Entre-temps, ses partisans célébraient bruyamment dans la rue une victoire qui, sans être vraiment divine, est loin hélas d’être fictive.
Pour ces mêmes raisons, on a du mal à partager sans réserve l’autosatisfaction affichée par Washington, Londres et Paris. Mission accomplie, jubile ainsi Donald Trump, singeant son lointain prédécesseur George W. Bush. Avec la plus grande maladresse, il paraît ainsi décréter qu’on va s’en tenir là et qu’à moins de récidive gazière, Damas n’a plus grand-chose à craindre. Dans la foulée, et à défaut d’une stratégie à long terme, le président US confirmait hier qu’il n’a d’autre souci que le rapatriement des militaires américains stationnés en Syrie et leur remplacement par des effectifs arabes.


 C’est un message tout aussi lénifiant qu’émettent le Royaume-Uni et la France en se défendant d’avoir déclaré la guerre à la Syrie. Responsable, constructive est certes l’exigence française d’un intense suivi diplomatique qui viendrait remettre sur rails les négociations de paix. Admirables sont, de même, les considérations et motivations strictement morales invoquées pour justifier les frappes aériennes. Empreinte de panache est même cette exclamation du Français Emmanuel Macron, s’écriant devant le Parlement européen : C’est pour l’honneur de la communauté internationale que nous sommes intervenus. Parlant d’honneur, combien paraît surréelle, en revanche, la décision de l’Élysée – prise sept ans après le début des atrocités en Syrie – de dessaisir Assad de la grand-croix de la Légion qui lui avait été décernée au lendemain de son intronisation !


À l’autre bout de l’éventail, reste à évoquer cette dernière catégorie de mécontents que l’on voit s’agiter dans les trois capitales occidentales. Et qui, de bonne foi ou pour des raisons souvent politiciennes, reprochent âprement aux gouvernements en place d’avoir violé la loi internationale et mis en péril leurs intérêts nationaux. Ce n’est évidemment pas en Syrie, en Iran ou même en Russie que l’on risque de trouver ce type de contestation : cette liberté de n’être pas d’accord qui fait, tout à la fois, la force et la faiblesse des démocraties. Mais n’est-ce pas encore elle qui, au final, interdit tout accommodement avec la barbarie ?


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

C’est bien connu, on ne peut pas contenter tout le monde. Suivant la même logique cependant, il est tout aussi difficile de ne faire autour de soi que des mécontents ou, à tout le moins, des insatisfaits, des sceptiques. Dans une large mesure, c’est là pourtant le singulier résultat des frappes aériennes lancées samedi dernier contre des sites chimiques en Syrie.Place d’abord aux...