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À La Une - Russie

En Russie, un internet sous pression croissante du Kremlin

Une manière selon des analystes de maîtriser le débat politique et de faire taire les voix trop critiques.


Au nom de la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme, la pression n'a cessé de monter sur l'internet russe lors du dernier mandat de Vladimir Poutine. Alexander Zemlianichenko/Pool via REUTERS

 Au nom de la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme, la pression n'a cessé de monter sur l'internet russe lors du dernier mandat de Vladimir Poutine, une manière selon des analystes de maîtriser le débat politique et de faire taire les voix trop critiques.

La volonté des autorités russes de bloquer la messagerie sécurisée Telegram, juste après la réélection triomphale de Vladimir Poutine, marque une nouvelle étape d'un tour de vis continu depuis 2012.

Son retour au Kremlin après quatre ans au poste de Premier ministre est alors marqué par des manifestations sans précédent d'une opposition très connectée. L'homme fort de Russie, qui avait repris en main dès le début des années 2000 les médias et notamment les chaînes de télévision, se rend compte alors que le danger est désormais sur internet, un des derniers espaces de liberté de ton.

"Le Kremlin a pris peur et a riposté en attaquant les libertés sur internet", affirme Andreï Soldatov, rédacteur en chef du site Agentura.ru, spécialisé dans les affaires de renseignement.

Dès l'été 2012, une loi met en place une liste noire de sites interdits pour pédopornographie, promotion de la drogue mais aussi par "extrémisme", une dénomination vague utilisée depuis contre l'opposition.

En 2014 vient un arsenal de lois antiterroristes. Visés, les blogueurs ont alors les mêmes responsabilités que les médias à partir de 3.000 visiteurs par jour.

La même année, un texte oblige les entreprises web, russes et étrangères, à stocker les données de leurs utilisateurs en Russie. Il aboutira au blocage du réseau professionnel LinkedIn.

Depuis, de nouvelles dispositions prises au nom du terrorisme contraignent tous les "diffuseurs d'informations" - médias, blogueurs, mais aussi le populaire réseau social VKontakte et les portails Yandex et Mail.ru - à stocker toutes les données des utilisateurs pendant six mois et accepter de les fournir aux autorités.

Dernière mesure en date: depuis l'automne, les autorités peuvent interdire les services de type VPN qui permettent de contourner le blocage de site sur le territoire russe en simulant une connexion depuis un autre pays.


'Répandre la peur'

Cet arsenal législatif a été abondamment utilisé contre l'opposition, ignorée des médias mais très active sur le web, et vise également des activistes d'ONG.

Le blog de l'opposant numéro un à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny a été bloqué à plusieurs reprises jusqu'à la suppression des contenus en cause, appelant à des manifestations ou dénonçant des faits de corruption.

Le site de l'organisation de l'ex-oligarque en exil Mikhaïl Khodorkovski a été bloqué: elle a été désignée comme "indésirable", une nouvelle qualification pour les entités étrangères qui vise aussi la fondation du financier américain George Soros.

En 2017, selon l'ONG de défense des droits de l'homme Agora, 43 personnes ont été condamnées à des peines de prison en Russie pour des contenus postés sur internet, et une moyenne de 244 pages ont été bloquées chaque jour.

Les médias russes ont rapporté des cas de condamnations pour un simple partage de contenu sur les réseaux sociaux.

"L'objectif est de répandre la peur, de faire croire aux gens que l'Etat contrôle tout et qu'on ne peut se cacher nulle part, que toutes les données peuvent être collectées", affirme Sarkis Darbinian, avocat et directeur du Centre pour les droits numériques à Moscou, qui met en garde contre la mise en place de "la version russe du Great Firewall" chinois.

"Contrairement à la Chine, ou internet est né contraint, dès le départ, l'internet russe a commencé par être très libre, donc les autorités rencontrent plus de résistance et doivent avancer pas à pas", tempère Sarkis Darbinian.

L'opposant Alexeï Navalny, dont les enquêtes sur la corruption sont partagées parfois plusieurs millions de fois sur les réseaux sociaux, a ainsi réussi à mobiliser l'an dernier des dizaines de milliers de manifestants contre le Kremlin, souvent des jeunes qui s'informent sur internet.

Pour les voix d'opposition "il s'agit de trouver de nouvelles formes de travail, d'utiliser largement les réseaux sociaux, d'informer les gens sur comment contourner les règles", estime Artiom Kozliouk, directeur de l'ONG de défense de la liberté d'internet Roskomsvoboda.

Selon lui, un "lent processus d'asservissement de la conscience des citoyens" est cependant en marche: Les utilisateurs "comprennent déjà qu'il vaut mieux ne pas publier quelque chose de risqué, afin de ne pas attirer l'attention".


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