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Liban - Circonscriptions

Saïda-Jezzine : le triangle infernal

Dans ces deux cazas, trois forces majeures, non alliées entre elles, se livreront bataille : le CPL, le courant du Futur et le tandem chiite.

Le hasard des alliances fera probablement de la bataille de Saïda-Jezzine l’une des plus ardues, autant au niveau de l’obtention du coefficient électoral que de la course aux votes préférentiels dans les listes. Dans cette circonscription d’un peu plus de 120 000 inscrits, avec cinq sièges à pourvoir – deux sunnites à Saïda, deux maronites et un grec-catholique à Jezzine –, la lutte sera féroce entre trois listes principalement : l’une du Courant patriotique libre allié à l’ancien président du conseil municipal de Saïda Abdel Rahmane Bizri et à la Jamaa islamiya ; la seconde du courant du Futur avec des indépendants à Jezzine; et la troisième appuyée par le tandem chiite Hezbollah-Amal, qui a un poids électoral non négligeable, notamment à Jezzine (de l’influence mais pas de siège chiite). Une dernière liste des Forces libanaises et du parti Kataëb ne semble pas faire le poids face aux autres, selon les observateurs.

Dans ce tableau, les deux forces politiques qui ont tout à perdre sont le CPL et le Futur, le premier ayant trois députés sortants à Jezzine, et le second deux députés sortants à Saïda. Or, malgré les efforts, ces deux partis ne se sont pas alliés entre eux (bien qu’ils l’aient fait dans d’autres circonscriptions), alors qu’ils font face à une liste soutenue par le tandem chiite, avec au moins deux candidats qui ont des chances de percer : l’un à Jezzine, Ibrahim Azar, et l’autre à Saïda, Oussama Saad, président de l’Organisation populaire nassérienne (OPN).


(Lire aussi : Législatives libanaises : Incohérences et... cohérences d’un scrutin)


Négociations ardues CPL-Futur
Interrogé sur ce choix des alliés sunnites, Amal Abou Zeid, député du CPL et candidat à sa propre succession, confirme à L’OLJ qu’il y a effectivement eu des pourparlers durant la phase de préparation des listes avec les candidats Oussama Saad et Bahia Hariri. « Le premier avait déjà opté pour l’alliance avec le maronite Ibrahim Azar, ce qui a rendu l’alliance avec le CPL impossible, et la seconde voulait imposer un candidat grec-catholique membre du courant du Futur », a-t-il dit. Il estime cependant que les alliances au sein de la liste du CPL pourront assurer au moins deux coefficients électoraux.

Une source proche de la liste du Futur donne un son de cloche sensiblement différent. Selon elle, « les pourparlers ont duré longtemps, et il a été question d’une liste commune qui comporte, outre Bahia Hariri, un candidat sunnite proche du CPL et approuvé par le Futur, contre un candidat grec-catholique du Futur à Jezzine ». « Le CPL a insisté sur Abdel Rahmane Bizri, selon cette source. Quand celui-ci a refusé de se rallier à une liste commune avec la famille Hariri, et lui a proposé une alliance en dehors de cette formation, le CPL n’a pas hésité à lâcher le Futur à la première difficulté. D’ailleurs, je pense que ce parti avait intérêt à s’allier avec une partie plus faible qui ait besoin de lui, et pas le contraire, afin de garder le poids du vote préférentiel dans son caza à Jezzine. »

L’alliance finalement conclue par le CPL avec la Jamaa islamiya, qu’on lui a souvent reprochée, pourrait-elle faire du tort à sa liste ? « Partout au Liban, les partis ont conclu des alliances avec des formations qui ne partagent pas toutes leurs convictions politiques, pourquoi cela nous serait-il reproché? » répond Amal Abou Zeid.


(Lire aussi : Liban-Sud III : Face au tandem chiite, une liste « suppléante » CPL-Futur)


Pressions ou pas pressions ?
L’un des principaux concurrents des deux candidats maronites du CPL, Ibrahim Azar, est appuyé par le tandem chiite. Quel danger représente-t-il pour eux ? Amal Abou Zeid dénonce d’emblée « des pratiques qui visent à faire pression sur des personnes en vue d’obtenir leurs votes en faveur de ce candidat ». Il assure que « les partis chiites sont présents dans la région et ont le droit d’appuyer qui ils veulent, nous sommes cependant étonnés qu’ils aient choisi de soutenir un candidat maronite quand nous n’avons pas fait de même avec des candidats chiites ailleurs ».

Interrogé par L’OLJ, le candidat Ibrahim Azar nie en bloc les « pressions » qu’on prête à la coalition dont il fait partie. « Ce sont les milieux proches de la présidence qui œuvrent en faveur de certains candidats, auprès de votants et de pôles d’influence locaux, et cela a même filtré dans les médias », répond-il, en référence au CPL, parti fondé par le président de la République. En réponse aux allégations selon lesquelles il est le candidat du tandem chiite dans une région chrétienne, il précise : « Je suis un candidat maronite indépendant, dans une région maronite, et j’ai conclu des alliances avec deux partis qui ont un poids électoral dans la région. »

Par ailleurs, Ibrahim Azar décrit son alliance avec Oussama Saad comme « naturelle, découlant d’une amitié familiale de longue date ». « Il est normal que nous nous portions candidats sur une même liste, nous sommes politiquement proches », ajoute-t-il. Commentant l’alliance du CPL avec la Jamaa islamiya, il estime que cela pourrait porter préjudice au premier à Jezzine, « où les gens n’aiment pas les extrémismes quels qu’ils soient ». « Il y a une contradiction dans le discours du CPL, poursuit-il. Il m’accuse de n’être pas le candidat des maronites à Jezzine, et ne se formalise pas d’une alliance avec la Jamaa. »


(Lire aussi : Le Metn, champ de bataille entre loyalistes et opposants)


À qui profite la forte participation ?
Ibrahim Azar estime que le scrutin proportionnel favorise son entrée au Parlement, se disant convaincu que « le vent a tourné à Jezzine, après dix ans de domination d’un parti au cours desquels rien n’a été fait pour la région ».

Pour sa part, Amal Abou Zeid rappelle que la présence du CPL à Jezzine « a une portée symbolique », soulignant que son parti travaille à faire parvenir les trois candidats chrétiens de la liste à l’hémicycle, notamment les deux maronites. Une lutte des votes préférentiels entre les deux candidats maronites serait-elle incontournable? « Nous sommes dans le cadre d’un même parti qui œuvrera à répartir les votes de manière équitable, affirme-t-il. Cela dit, autant (le député sortant) Ziad Assouad que moi-même avons nos contacts à l’extérieur du parti, et il est normal que nous aspirions à obtenir leur vote. »

Qu’en est-il de Saïda, où la lutte porte sur les deux sièges sunnites ? Selon la source précitée proche de la liste du Futur, « le courant du Futur est la seule force politique qui travaille à faire grimper la participation, parce qu’elle sait qu’une participation forte est en sa faveur ».

Elle s’explique : « Le Futur peut compter sur les votes préférentiels à Saïda, où il détient un poids électoral considérable, bien plus qu’à Jezzine où il n’est pas allié à des partis. Ses concurrents Saad et Bizri, pour leur part, comptent sur des alliés forts à Jezzine afin d’atteindre le coefficient électoral, mais ne peuvent bénéficier du vote préférentiel dans ce cas (réservé aux candidats d’un même caza). Voilà pourquoi le Futur est quasiment assuré d’un siège, et travaillera à sécuriser l’autre, d’où l’avantage d’une forte participation à Saïda. »

À Saïda-Jezzine, les dés sont jetés, mais la partie est loin d’être jouée d’avance. Une bataille serrée en perspective.


(Lire aussi : La bataille peut désormais commencerle décryptage de Scarlett Haddad)


Les listes de Saïda-Jezzine
Quatre listes croiseront le fer le 6 mai dans la circonscription de Saïda-Jezzine, dont deux seulement sont complètes :

« L’Intégration et la Dignité » (Futur et indépendants) :
– Jezzine : Robert Khoury (grec-catholique), Amine Edmond Rizk (maronite), Angèle Khawand (maronite).
– Saïda : Hassan Chamseddine et Bahia Hariri (sunnites, courant du Futur).

« Saïda et Jezzine ensemble » (CPL, Bizri, Jamaa islamiya) :
– Jezzine : Salim Khoury (grec-catholique, CPL), Ziad Assouad et Amal Abou Zeid (maronites, CPL).
– Saïda : Abdel Rahmane Bizri (indépendant) et Bassam Hammoud (Jamaa islamiya).

« Capacité de changement » (FL-Kataëb) :
– Jezzine : Ojaj Haddad (grec-catholique, FL), Joseph Nohra (maronite, Kataëb).
– Saïda : Samir Mohammad Bizri (sunnite).

« Pour tout le monde » (tandem chiite et indépendants) :
– Jezzine : Youssef Skaff (grec-catholique) et Ibrahim Azar (maronite).
– Saïda : Abdel Kader Bsat et Oussama Saad (sunnites).



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Le hasard des alliances fera probablement de la bataille de Saïda-Jezzine l’une des plus ardues, autant au niveau de l’obtention du coefficient électoral que de la course aux votes préférentiels dans les listes. Dans cette circonscription d’un peu plus de 120 000 inscrits, avec cinq sièges à pourvoir – deux sunnites à Saïda, deux maronites et un grec-catholique à Jezzine...

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POURQUOI TRIANGLE INFERNAL... EST-IL SOUS L,EMPRISE DE QUELQUE BELZEBUTH ?

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 40, le 31 mars 2018

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Commentaires (2)

  • POURQUOI TRIANGLE INFERNAL... EST-IL SOUS L,EMPRISE DE QUELQUE BELZEBUTH ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 40, le 31 mars 2018

  • J'éspère que certains de ces candidats vont faire un effort pour la préservation et protection de la valée de Bisri proche de Saida et Jezzine dans ce qu'on appelle ici "le triangle infernal" (?) : https://www.lorientlejour.com/article/1072712/la-vallee-de-bisri-un-petit-coin-de-paradis-en-danger.html - à l'époque on parlait de danger par la construction d’un barrage dont les travaux devraient débuter courant 2018 ...

    Stes David

    18 h 14, le 30 mars 2018

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