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Moyen Orient et Monde - Kurdistan irakien

Halabja : trente ans après, les souvenirs du massacre hantent toujours les lieux

Malgré de nombreux appels, le gouvernement irakien est jusqu’à présent resté muet face aux demandes d’indemnisation des victimes de l’attaque chimique perpétrée par Saddam Hussein.

Un mémorial dédié aux victimes de l’attaque chimique de 1988 dans la ville kurde de Halabja, près de Souleimaniyeh, en Irak, le 10 mars 2018. Ako Rasheed/Reuters

À midi aujourd’hui, les sirènes retentiront dans tout le Kurdistan irakien. À cet instant, toutes les activités cesseront dans la région pour commémorer les trente ans du bombardement chimique de Halabja, le 16 mars 1988, par l’aviation irakienne. Cette ville, située à une dizaine de kilomètres de la frontière iranienne, dans la province de Souleimaniyeh dans le nord-est de l’Irak, a été l’une des cibles de l’opération Anfal, orchestrée par le régime de Saddam Hussein et dirigée par son cousin Ali Hassan al-Majid, dit « Ali le chimique », à la fin de la guerre Iran-Irak (1980-1988). Bagdad a voulu, par cette opération, châtier les deux principaux partis kurdes, l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), favorables à l’autonomie de leur région, pour s’être ralliés à l’ennemi iranien.

L’opération Anfal a causé la mort de dizaines de milliers de civils kurdes. Le bombardement de Halabja représente l’épisode le plus célèbre de cette répression menée par Saddam Hussein et reste l’une des attaques chimiques les plus dévastatrices menées contre des civils à ce jour. L’Orient-Le Jour a recueilli les témoignages de responsables politiques et de membres de la société civile qui racontent, 30 ans après, les conséquences de cette journée du 16 mars 1988 sur la population kurde. 

« L’ombre de cette tragédie plane toujours sur Halabja (…) à tel point que le 16 mars est devenu le début d’un nouveau calendrier pour l’ancienne génération de ma ville. Quand ils parlent d’un événement, les gens qui ont survécu à l’attaque chimique disent que c’est arrivé » avant « ou » après « l’attaque », affirme Ayoub Nouri, journaliste kurde, auteur de Être kurde dans un monde hostile (collection Regina). La population continue de se souvenir de ce jour comme étant l’un des plus tragiques de son histoire, et un important travail de mémoire est effectué pour les générations futures. En outre, un imposant mémorial sur lequel flotte le drapeau kurde a été érigé en hommage aux cinq milles kurdes tués dans ce bombardement à Halabja, principalement des femmes et des enfants. « La jeune génération ne connaît peut-être pas grand-chose de ce jour-là, mais chaque année, le 16 mars, petits et grands se souviennent ensemble de cette journée tragique. Ils s’en souviennent avec des œuvres d’art, des pièces de théâtre et des expositions », insiste Ayoub Nouri. « Il est nécessaire que cette ville reste un témoin des conséquences des attaques à l’arme chimique sur l’environnement et la société (…). Un musée dans la ville de Halabja a été construit et montre ce qui s’est passé pour que de tels crimes ne se reproduisent plus en Irak ou dans la région », affirme à L’OLJ Kamil Amine, porte-parole du ministère irakien des Droits de l’homme. Mais au-delà du souvenir historique douloureux, l’événement reste inoubliable à travers les survivants de la tragédie, qui continuent de se battre pour recevoir des soins.


(Pour mémoire : #13 Saddam et Gomorrhe)


L’Irak « blâmé »
Les cicatrices de l’attaque chimique sont toujours visibles, physiquement et psychologiquement. Le personnel médical de la ville et les associations qui s’occupent des victimes sur place déplorent toute une gamme de symptômes différents et inquiétants chez les patients exposés aux gaz toxiques. « Nous avons des patients qui souffrent de difficultés respiratoires, d’asthme, d’hallucinations, de cataractes, de maladies de peau, de convulsions, de troubles psychologiques, et parfois de problèmes nécessitant une transplantation cardiaque », constate Moustafa Azad, directeur et médecin à la clinique de la « Jiyan Foundation for Human Rights » de Halabja. « Il y a des conséquences sur la seconde génération et les naissances. Dans le département des naissances, on observe qu’il existe une possibilité de transmission des traumatismes et des symptômes d’une génération à une autre », poursuit-il.

Après l’attaque, les civils et les victimes souffrant de symptômes se sont rendus dans les hôpitaux étrangers, en particulier en Iran et en Europe pour être pris en charge. Depuis la tragédie jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement central irakien est accusé de ne pas venir en aide aux populations souffrantes, que ce soit la génération qui a directement subi l’attaque ou la suivante. « Le gouvernement irakien est blâmé pour n’avoir apporté aucune aide ou assistance à la ville ou aux victimes. De nombreuses victimes souffrent encore des effets de cette attaque. Certains demandent de l’aide médicale du gouvernement régional du Kurdistan, mais la plupart ne peuvent pas se le permettre », regrette Ayoub Nouri. Et les appels ne cessent d’être émis, autant par les populations que par les responsables politiques. « Le gouvernement kurde se trouve dans une situation économique difficile et c’est donc au gouvernement fédéral irakien d’offrir une aide supplémentaire et de faire des projets dans cette ville afin de lui permettre de surmonter ses traumatismes », conclut Kamil Amine.



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