Beaucoup de choses ont été dites et de nombreux pronostics ont été établis sur les résultats probables de la visite du Premier ministre Saad Hariri à Riyad. Les milieux proches du 14 Mars (ou ce qu’il en reste) avaient annoncé l’existence d’un projet parrainé par les dirigeants saoudiens de relancer le mouvement pour faire obstruction au Hezbollah et à ses alliés au cours des prochaines législatives. Des rumeurs avaient ainsi circulé sur des changements spectaculaires dans les alliances, et même dans l’approche électorale, de la part du courant du Futur et de son chef. D’ailleurs, le fait que la première initiative de Saad Hariri après son retour à Beyrouth ait été de se rendre chez l’ancien Premier ministre et chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, avait été interprété comme le premier signe du changement réclamé par les dirigeants saoudiens, d’autant qu’auparavant il avait été dit que le Premier ministre ne souhaitait pas adopter la candidature de Siniora cette année.
Pourtant, au fur et à mesure que l’échéance électorale se rapproche, il apparaît de plus en plus clairement qu’il n’y a pas de véritable changement dans la politique électorale de Saad Hariri. Depuis le début, il avait en effet annoncé à ses proches que les alliances électorales se feront au cas par cas, de manière à assurer les meilleures conditions possibles pour les candidats du Futur. Avant son voyage à Riyad, le Premier ministre avait donc entamé des négociations avec les représentants de la plupart des composantes politiques du pays, notamment le leader druze Walid Joumblatt, le président du Parlement Nabih Berry et les Forces libanaises en la personne du ministre de l’Information Melhem Riachi. Il avait aussi établi des contacts avec d’autres groupes sunnites comme la Jamaa islamiya. Ces contacts se sont certes accélérés depuis son retour de Riyad, mais c’est bien plus parce que l’échéance législative se rapproche que parce qu’il aurait reçu des instructions en ce sens.
Pour le parti du Premier ministre, le tableau politique est donc en train de se préciser : pas d’alliance possible ouverte ou discrète avec le Hezbollah, mais c’était décidé et annoncé bien avant le voyage à Riyad. Des alliances probables avec Walid Joumblatt dans le Chouf et Aley, et peut-être aussi à Beyrouth II et dans la Békaa-Ouest. Une alliance avec les Forces libanaises à Saïda-Jezzine et aussi peut-être au Chouf et à Aley, une alliance avec le CPL dans la première circonscription du Nord, une alliance avec les Forces libanaises à Baalbeck-Hermel, et ainsi de suite.
Au cours des prochaines semaines, les alliances deviendront de plus en plus précises. Mais ce qu’il faut retenir jusqu’à présent, c’est qu’il n’y a eu aucun changement dans l’approche du courant du Futur depuis le retour de son chef de Riyad. Même l’annonce d’une rencontre imminente entre le Premier ministre et le chef des Forces libanaises ne s’est pas vérifiée. Ce qui signifie que tout ce qui avait été dit sur une demande pressante saoudienne formulée au Premier ministre de resserrer les rangs du 14 Mars n’était pas conforme à la réalité.
Une source proche du courant du Futur explique à cet égard que la visite à Riyad n’était nullement destinée à donner de nouvelles instructions au Premier ministre sur la politique à suivre dans le cadre des prochaines législatives. Elle visait essentiellement à normaliser les relations avec les dirigeants saoudiens après la rocambolesque visite du 4 novembre 2017. Selon cette même source, il y avait eu alors un plan soigneusement mis au point destiné à pousser Saad Hariri à démissionner pour plonger le pays dans une situation de confrontation avec le Hezbollah. Le plan n’avait pas fonctionné comme prévu et il s’était même retourné contre ceux qui l’avaient mis au point. L’Arabie saoudite, dont l’influence au Liban est considérable depuis des décennies, s’est retrouvée critiquée même par une partie de la rue sunnite qui lui est traditionnellement acquise. Il a donc fallu s’employer à faire taire ces critiques, tout en cherchant à revenir à la situation d’avant le 4 novembre 2017. Il y a eu ainsi l’envoi d’un nouvel ambassadeur Walid Yaacoub, puis la visite de l’émissaire spécial Nizar Alaoula, dans le but d’assainir les relations entre les deux pays et d’effacer le souvenir de l’épisode de « la démission de Riyad ». D’autant que trois conférences internationales seront bientôt organisées à Rome, Paris et Bruxelles concernant le Liban, dans lesquelles la participation de Riyad est requise. Il fallait donc agir vite et c’est dans ce contexte que s’est déroulée la dernière visite du Premier ministre à Riyad, au cours de laquelle il a été reçu par le roi Salmane et par le prince héritier. La source proche du courant du Futur précise encore que le dossier électoral libanais n’a pas été évoqué au cours de ces entretiens, sachant que le Premier ministre a toute la latitude pour conclure les alliances nécessaires pour assurer la victoire du plus grand nombre possible de candidats de son courant. Pour l’instant, l’objectif est donc d’essayer d’obtenir une confortable majorité parlementaire. Mais c’est après les élections que les Saoudiens pourraient pousser vers la définition d’une nouvelle approche politique au Parlement, mais aussi au gouvernement...
Et voilà une certaine boîte à musique qui se remet en marche, avec inlassablement le même refrain... Ca fatigue à la fin...et enlève tout espoir d'un vrai et salutaire changement pour notre Liban ! Irène Saïd
14 h 01, le 08 mars 2018