La Corée du Nord aurait fourni entre 2012 et 2017 au régime syrien des missiles balistiques et du matériel servant à produire des armes chimiques, et ce malgré l'embargo sur les armes imposé par les Nations unies, selon un rapport d’experts de l’ONU, auquel ont eu accès l'agence Associated Press ainsi que le New York Times.
Début février, l'AFP avait déjà donné quelques informations contenues dans ce rapport (qui pourrait être rendu public à la mi-mars selon des sources diplomatiques), révélant notamment que Pyongyang avait exporté entre janvier et septembre 2017 des produits interdits par des sanctions de l'ONU, lui générant des revenus estimés à près de 200 millions de dollars. Le rapport pointait aussi des projets de coopération militaire avec la Corée du Nord repérés en Afrique comme dans la région Asie-Pacifique, ainsi qu'avec la Syrie et la Birmanie dans le domaine des missiles balistiques.
Selon les nouveaux détails de ce rapport encore confidentiel de 200 pages, rédigé par huit experts, quarante livraisons ont été faites par Pyongyang à Damas entre 2012 et 2017. Ces livraisons comportaient des missiles balistiques, des armes conventionnelles, ainsi que des biens pouvant avoir un double usage.
Selon AP, le rapport mentionne par exemple l’implication de la North's Ryonhap-2 Corporation cette année, dans le programme syrien de missiles balistiques. Il est étalement précisé qu'en août 2016, une délégation d'experts techniques nord-coréens a été "impliquée dans le transfert en Syrie de valves dotées d'une résistance spéciale et de thermomètres connus pour être utilisés dans les programmes d'armes chimiques". L'agence précise également que selon une autre source, les experts nord-coréens "continuent d'être impliqués dans des facilités d'armes chimiques à Barzeh, Adra et Hama", en Syrie.
Pour pouvoir contourner les sanctions, Pyongyang aurait eu recours à des sociétés écran et à d'intermédiaires. Le rapport comprend des copies de contrats entre des sociétés nord-coréennes et syriennes ainsi que des factures indiquant les types de matériaux expédiés.
Il décrit comment, pour contourner les sanctions, la Corée du Nord a utilisé un réseau complexe de compagnies fictives, de ressortissants étrangers, a eu recours à des cyberattaques pour voler des secrets militaires et a enrôlé ses propres diplomates.
Depuis le début du conflit en Syrie en 2011, les forces en présence, en particulier celles du régime de Bachar el-Assad, ont été accusées à de nombreuses reprises d'avoir eu recours à des armes chimiques. Le 22 janvier 2018, l'OSDH a rapporté 21 cas de suffocation à Douma, dans la Ghouta orientale, des habitants et des sources médicales évoquant une attaque au chlore. Le 13 janvier, une attaque similaire avait visé la périphérie de Douma, selon l'ONG.
Mercredi, Robert Wood, ambassadeur américain à la conférence sur le désarmement à Genève, a déclaré qu'il existait une coopération entre le régime syrien et le régime nord-coréen dans le domaine des armes chimiques. "Il est clair que la Corée du Nord et la Syrie entretiennent des liens historiques pour ce qui est de l'activité balistique et les composants d'armes chimiques", a-t-il dit.
Le diplomate a également estimé que la Russie ne respecte pas ses engagements de destruction des stocks d'armes chimiques en Syrie et ne fait rien pour empêcher le régime d'Assad de les utiliser. "La Russie est du mauvais côté de l'histoire sur cette question de l'utilisation des armes chimiques en Syrie", a-t-il déclaré à la presse. La Russie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a qualifié "d'affirmations absurdes" les accusations portées contre le gouvernement Assad en ce domaine par les Etats-Unis.
Washington et ses alliés, a poursuivi le chef de la diplomatie russe, "se servent simplement d'allégations sans fondement d'une usage d'armes toxiques par Damas comme d'un instrument pour orchestrer une campagne politique antisyrienne".
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