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Liban - TSL

Assassinat de Hariri : la défense de Oneïssi plaide le non-lieu

« L’exigence de vérité incombe au procureur », plaide Vincent Courcelle-Labrousse.

Les deux photos de Hussein Oneissi publiées sur le site du Tribunal spécial pour le Liban.

Les conseils de Hussein Oneïssi réussiront-ils à obtenir un non-lieu en faveur de leur client, l’un des quatre accusés jugés par contumace devant le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) chargé de juger les assassins de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le procès de Oneïssi connaîtra-t-il une fin précoce pour insuffisance de preuves présentées par le procureur ?


Prouver cette insuffisance n’est pas chose simple. Dans son contre-plaidoyer, la défense est tenue uniquement de prouver la « non-culpabilité de l’accusé » c’est-à-dire de présenter des éléments à même de laisser planer un doute raisonnable sur la thèse du procureur, sans devoir nécessairement y apporter une preuve contraire. En revanche, lorsque la défense demande un non-lieu, c’est-à-dire un non-procès, la charge de la preuve, qui incombe à l’accusation lors du procès, est inversée.
Il n’est pas sûr si le conseil de M. Oneïssi, Vincent Courcelle-Labrousse, ait respecté cette exigence hier. À la fin de l’audience, le juge David Re, président de la chambre de première instance, lui a fait remarquer que ses conclusions finales vont davantage vers le doute raisonnable que vers l’insuffisance de preuves.


Pour rappel, M. Oneïssi est accusé de « complicité d’homicide intentionnel »: il est mis en cause pour avoir « participé avant l’attentat (qui a coûté la vie à M. Hariri et à 21 autres personnes, ndlr)) et sous la coordination de (Hassan) Merhi, au repérage d’un individu répondant aux besoins des auteurs du crime, à savoir Ahmad Abou Adass, qui fut ensuite instrumentalisé afin de revendiquer faussement, dans un enregistrement vidéo, la responsabilité de l’attentat ». Il est aussi accusé d’avoir participé avec Merhi à « l’organisation (avant l’attentat) de la disparition d’Abou Adass ». Et d’avoir participé avec Sabra, « immédiatement après l’attentat », sous la coordination de Merhi, « à la diffusion de déclarations attribuant faussement la responsabilité de l’attentat, aux opérations visant à s’assurer de la remise à la chaîne al-Jazeera de la vidéo, accompagnée d’une lettre, contenant la fausse revendication de responsabilité ; et aux opérations visant à s’assurer de la diffusion de la vidéo », selon la version publique expurgée de l’acte d’accusation.

« Fausse » qualification
D’emblée, Me Courcelle-Labrousse a remis en cause la qualification de « complicité » faite par le procureur. « Les éléments constitutifs de la complicité en droit libanais sont différents de ceux en droit pénal international », a-t-il dit, en se basant notamment sur une jurisprudence de la Cour de justice de 1997 dans l’affaire de la tentative d’assassinat de Michel Murr en mars 1991. L’arrêt indique qu’il n’y a pas complicité si l’accusé n’était pas au courant de la nature réelle de l’infraction, lorsque celle-ci se préparait. En outre, le code pénal libanais (CPL – article 219), prévoit, pour définir la complicité, le cas d’ « un pacte avec l’auteur et son complice », à condition qu’il soit « préalable à la perpétration de l’infraction ». Or, sur la fausse revendication de l’attentat (faite par téléphone à al-Jazeera et Reuters à partir d’une cabine téléphonique dans les environs du lieu de l’attentat), le procureur accuse « Sabra ou Oneïssi », et « cette indétermination a une conséquence importante (…) puisque si le procureur ne peut pas dire qui des deux a revendiqué l’attentat, ni si c’est quelqu’un d’autre, cela voudrait dire qu’il ne peut pas dire ce que faisait Oneïssi au moment de l’appel. Était-il avec Sabra ? Sinon, comment aurait-il eu connaissance que Sabra faisait une fausse revendication au téléphone ? (…) Pouvait-il être au courant que ce coup de fil était en lien avec
l’attentat ? ».

« Je ne suis pas saint Thomas »
Il est en outre revenu sur « la question de l’arbre ». L’expert Gary Plett avait soumis un rapport, en appui de l’acte d’accusation, sur les éléments de preuves relatifs aux communications. Ce rapport repère l’arbre devant les bureaux d’al-Jazeera de l’époque, où la vidéo de revendication de l’attentat mettant en scène Abou Adass aurait été déposée. Le rapport avait notamment établi, en retraçant l’activité du « réseau téléphonique mauve », que Oneïssi était à proximité de l’arbre et le « surveillait ». « D’où est-ce qu’il le surveillait ? Était-il au courant de ce qui se passait ? C’est de la spéculation », a dit le conseil de Oneïssi, en ajoutant : « Je ne suis pas saint Thomas. »
Et le juge Walid Akoum de lui demander : « Si la chambre décide de vous donner raison et de considérer en même temps qu’il y a eu un accord ultérieur (et non antérieur) entre l’auteur et son complice, ne pensez-vous pas que la chambre a le droit de changer de qualification du crime et de condamner l’accusé en application de l’article 222 du CPL (qui prévoit de condamner celui qui aura facilité la fuite de l’auteur du crime après l’avoir commis) ? »
 
Comment peut-on avoir l’accent chiite ?
La réponse de Me Courcelle-Labrousse a évidemment été négative : « Dans ce système accusatoire, cela fait huit ans qu’on accuse mon client puis, tout d’un coup, parce que l’accusation s’avère infondée, il faut requalifier ce dont on l’accuse ? » Et d’ajouter, sourire aux lèvres : « Si vous n’avez rien à condamner, il vous faut acquitter. » Mais le juge David Re a comme amorti son élan lyrique en corrigeant l’expression, l’air de rien : « Je pensais qu’on disait : si le gant ne rentre pas, il faut acquitter. »
Rebondissant sur la question du juge Akkoum, la juge Janet Nosworthy lui a demandé : « Quid de l’exigence de vérité ? » « Elle incombe au procureur », a tranché Me Courcelle-Labrousse.
Il s’est ensuite étalé sur la nature de l’accent de l’émetteur de l’appel, tel que perçu à l’autre bout du fil par les journalistes. Il a retenu le témoignage du journaliste d’al-Jazeera Ghassan Ben Jeddo, selon lequel les trois appels reçus à son bureau après l’attentat n’auraient pas été effectués par la même personne, ni par deux (comme l’invoque le procureur), mais par trois, et qu’il « serait probable que l’un des trois ne soit pas libanais ». Il a dit détenir dans ce cadre « des éléments objectifs que Oneïssi n’a pas l’accent de la banlieue sud ».


Il a en revanche délibérément choisi d’écarter, en le tournant en dérision, un témoignage identifiant l’un des accents comme celui d’un « chiite habitant la banlieue sud », de la même manière, a-t-il ajouté avec sarcasme, que « l’accent d’un habitant de la banlieue de Paris ne serait pas celui d’un Parisien ».
Et c’est pour montrer « les milliers de scénarios » possibles qu’il a relancé – mais très succinctement – la piste des exécutants islamistes, prétendument commandés par Hassan Nabaa, dont l’un des complices, Khaled Taha, aurait recruté Abou Adass. « Abou Adass est parti avec Khaled Taha en Irak », a dit Me Courcelle-Labrousse, sur base de l’un des témoignages soumis aux enquêteurs. « Pourquoi le procureur n’a pas poursuivi cette piste ? », a-t-il demandé. Une remarque qui, faute d’être étayée, révèle certaines lacunes dans la requête de non-lieu déposée par le conseil de Oneïssi, dont l’utilité avait d’ailleurs été officieusement questionnée par des membres de la défense.


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