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Liban - Législatives 2018

Baalbeck-Hermel : des percées possibles lors des législatives, mais sous la « tutelle » du Hezbollah

Le parti chiite pourrait concéder un siège sunnite en dehors de sa liste au courant du Futur.

Photo d'archives des temples de Bacchus sous la neige. Photo Reuters

La proportionnelle rend-elle possibles des percées face au Hezbollah, au même titre qu’elle les faciliterait face à d’autres parties politiques ? La circonscription électorale de Baalbeck-Hermel, l’un des bastions du Hezbollah, et où le vote chiite est largement prépondérant, est propice pour tester l’impact réel du nouveau mode de scrutin dans un environnement dominé par le parti fort du pays.
Sur près de 310 000 électeurs, quelque 227 000 sont chiites, le reste étant réparti entre sunnites (41 000), maronites (environ 23 000) et catholiques (un peu plus de 16 000). La circonscription est représentée par dix sièges au Parlement : six pour les chiites, deux pour les sunnites, et un siège respectif pour les maronites et les catholiques. 

À première vue, la proportionnelle rend possible ne serait-ce que l’espoir d’une percée, en comparaison avec le scrutin majoritaire, où les voix sunnites et chrétiennes, encore qu’elles fussent unifiées, étaient d’entrée écrasées par le bloc des voix chiites.
Beaucoup d’indépendants estiment que la proportionnelle a amorti l’effet « bulldozer » de ce bloc uniforme. Cela n’est pas tout à fait faux, mais doit être nuancé : ne plus être écrasé par le vote chiite n’est pas forcément être libéré de l’influence que le Hezbollah exerce de facto sur les parties. Et si les voix chiites ne jouent plus directement sur le résultat du scrutin, elles opèrent désormais au niveau des votes préférentiels. Le Hezbollah a seul la possibilité de moduler le nombre exact de votes préférentiels qui irait à tel ou tel autre candidat sur sa liste. Il pourrait ainsi accorder des votes préférentiels « chiites » à des candidats non chiites. Il pourrait même réduire le nombre de votes préférentiels pour un candidat sur sa liste, de sorte à favoriser par défaut un candidat en dehors de sa propre liste. Et cette capacité exclusive au Hezbollah de piloter ses votes préférentiels trouverait son terrain de prédilection à Baalbeck-Hermel.
Ainsi, celui-ci aurait d’ores et déjà anticipé une percée sur sa propre liste, mais détient le pouvoir de décider lequel de ses candidats sera défait, et, dans une large mesure, par qui. La question à ce stade est donc de savoir quelle percée sera tolérée par lui. 

D’emblée, il tendrait à verrouiller les six sièges chiites. Il se serait déjà fixé sur les noms des candidats de sa communauté. Quatre ont été choisis parmi les tribus : les députés actuels Hussein Hajj Hassan, Ali Moqdad et Ghazi Zeaïter (Amal), ainsi que le candidat Ihab Hamadé, succédant ainsi au député Nawar Sahili. Un candidat parmi les détenteurs du titre de « sayyed » de la famille Moussaoui (Abbas Moussaoui devrait remplacer Hussein Moussaoui, qui ne briguera pas un nouveau mandat). Et last but not least, l’ancien directeur de la Sûreté générale Jamil Sayyed, qui vient remplacer le baassiste Assem Kanso. Sa candidature est la première que le Hezbollah a choisi d’annoncer dans le pays il y a quelques jours, par la voix de son secrétaire général adjoint, le cheikh Naïm Kassem. 

(Lire aussi : Les partis politiques continuent malgré tout de séduire)

Si le Hezbollah aurait intérêt à resserrer les rangs de sa communauté, il pourrait tolérer, voire encourager, des percées au niveau des sièges chrétiens ou sunnites. Qu’un candidat chrétien soit élu par exemple en dehors d’une liste du Hezbollah serait un contre-exemple pour ceux qui lui reprochent de « faire élire des députés chrétiens par les votes chiites ». Son choix se serait déjà porté officieusement sur les deux candidats catholique et maronite. 
L’ancien député et ministre Albert Mansour viendrait ainsi remplacer le député sortant du Parti syrien national social Marwan Farès, qui a décidé de ne plus se porter candidat. Sachant que M. Mansour a un grand pouvoir de mobilisation de l’électorat grec-catholique, sa présence sur la liste du Hezbollah économiserait à ce dernier des votes préférentiels « chiites ».

La candidature maronite, elle, reste plus complexe. Le choix du candidat semble avoir été fait en faveur de Patrick Fakhri, pour remplacer l’actuel député Émile Rahmé, tous deux étant de Deir el-Ahmar. M. Fakhri est le fils du couple Fakhri qui avait été assassiné à son domicile à Btedii en 2014 par des membres du clan Jaafar, sur fond d’affaires ayant mal tourné. Le Hezbollah, embarrassé par ce litige à caractère tribal, avait recouru dans un premier temps à la médiation du patriarche maronite, mais, jusqu’à ce jour, la réconciliation ne s’est pas opérée. Son soutien à la candidature de Patrick Fakhri serait un moyen de la parachever.

Écarter Émile Rahmé serait en même temps une faveur accordée aux Marada, qui ont rompu tout lien avec lui depuis son parti pris en faveur de Michel Aoun dans la course à la présidentielle. M. Rahmé pourrait toutefois maintenir sa candidature et prévoit en tout cas de s’exprimer à ce sujet aujourd’hui à l’antenne de la chaîne OTV. 

Rien n’est donc acquis pour le candidat maronite du Hezbollah. Parmi les inconnues, la position de l’ancien député Tarek Habchi, figure quasi patriarcale de Deir el-Ahmar. Il est actuellement en brouille avec le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, depuis que ce dernier a pris l’initiative de soutenir la candidature de l’universitaire Antoine Habchi sans le consulter au préalable. Résultat : à défaut de se porter lui-même candidat sur la liste du Hezbollah, Tarek Habchi pourrait toutefois en soutenir le candidat maronite. La question reste de savoir s’il soutiendrait Patrick Fakhri, et s’il le ferait si Émile Rahmé était toujours en lice. 

Pour ce qui est des deux sièges sunnites, il serait probable que le Hezbollah maintienne les deux députés actuels de son bloc : Walid Succariyé et Kamel Rifaï. Il aurait envisagé de remplacer le premier par un candidat de Ersal de manière à disperser les votes sunnites, selon la logique « diviser pour régner ». Mais il semble s’être rétracté, à la faveur d’une autre logique : « Concéder » insidieusement, par le jeu des votes préférentiels, un siège sunnite au courant du Futur, croit savoir un notable sunnite de la Békaa. D’une part, le Hezbollah pourrait ainsi décrocher une contrepartie dans une autre circonscription, d’autre part le courant du Futur garantirait sans ciller un siège sunnite sans devoir se confronter à une base qui se sent économiquement délaissée et surtout frustrée par la politique de containment de son leader. Cela pourrait expliquer que le choix de candidats du courant du Futur soit actuellement « mis en veilleuse ». 

Une alliance reste toutefois possible entre les Forces libanaises et le Futur, dans une liste chapeautée par un chiite indépendant. C’est sur cette alliance que Ghaleb Yaghi, ancien président du conseil municipal de Baalbeck et démocrate chiite, affirme parier à L’Orient-Le Jour. L’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, révèle pour sa part à L’OLJ que « toutes les possibilités sont ouvertes, y compris avec les FL ».
Pour le notable sunnite précité, le seul moyen qu’une alliance cohésive face à la liste du Hezbollah prenne forme est qu’un financement (saoudien) afflue en soutien à des listes opposées à ce parti.


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