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Ego home !

Il faudra un jour ériger en cas d’école le stupéfiant chassé-croisé de gesticulations politico-diplomatiques qui a marqué le bref séjour à Beyrouth du secrétaire d’État américain Rex Tillerson.

D’ordinaire, ce dernier a pour tâche principale d’édulcorer, autant que possible, les outrances débitées non-stop par son patron, le président Donald Trump. Mais voilà qu’à peine débarqué au Moyen-Orient, il tâte de la spécialité du cru et sacrifie avec brio au rituel du double langage. Mercredi à Amman, et dans un bel accès de pragmatisme, Tillerson admet ainsi que tout terroriste qu’il soit, le Hezbollah, amplement représenté au Parlement comme au gouvernement, fait tout de même partie du processus politique libanais ; le lendemain à Beyrouth, il ne retient plus que la partie infamante de l’équation dont notre pays est l’otage.

Pour autant, les interlocuteurs libanais de Rex Tillerson n’auront pas été en reste. Rabibochés de fraîche date, les trois pôles du pouvoir avaient pris soin d’accorder leurs violons, de revoir leur copie avant d’affronter l’envoyé de Washington. C’est en regardant l’hôte dans le blanc des yeux qu’ils ont protesté – tour à tour, et à qui mieux mieux – de leur attachement à la ligne officielle de distanciation par rapport au conflit de Syrie : cela à l’heure même où le Hezbollah poursuit son équipée guerrière dans ce pays. De même ont-ils fait valoir les droits imprescriptibles du Liban sur l’intégralité de son sol et de ses richesses maritimes, convoitées par Israël, tout en se disant ouverts néanmoins aux efforts d’apaisement américains : tâche dont s’efforçait de s’acquitter sur place, hier, le secrétaire d’État adjoint p.i. David Satterfield.

Puériles démangeaisons d’ego et mesquins règlements de comptes peuvent-ils jamais passer pour des signes de grandeur face à une superpuissance américaine dont Beyrouth escompte pourtant les faveurs ? De cette partie de poker menteur, la petite histoire retiendra une série d’épisodes burlesques que l’on doit au ministre libanais des AE.

C’est ainsi un fonctionnaire du protocole qui s’est chargé d’accueillir Tillerson à l’aéroport de Beyrouth car – donnant donnant – Sa Seigneurie Gebran Bassil n’a pas droit à davantage d’égards quand il honore Washington d’une visite. Pris dans un embouteillage que n’ont pu malheureusement percer les sirènes de son imposant convoi, le ministre est arrivé en retard au palais présidentiel de Baabda. Là poireautait son homologue US venu, lui, légèrement en avance et qui, pour son entrevue avec le président de la République, a dû attendre l’heure fixée à la minute près. Avec une précision de chronomètre ne souffrant aucun rattrapage d’aiguilles, comme il sied à cette Suisse de l’Orient qu’est toujours, faut-il croire, le Liban…

P-S – Foin de haute politique : bien davantage que les tartarinades diplomatiques des dernières heures, c’est le coup de gueule du président Michel Aoun enjoignant aux ministres de faire preuve d’imagination et de sérieux pour trouver une solution radicale à la pénurie endémique de courant électrique qui aura retenu, à juste titre, l’intérêt des citoyens. À l’homme providentiel qui ramènera la lumière au Liban promettons donc tous ensemble, en compensation des ristournes, commissions et autres bonnes affaires qui ont invariablement marqué les criminels bricolages des dernières décennies, une statue. Une statue monumentale, une statue illuminée a giorno 24 heures sur 24, car on ne saurait plus que faire alors de notre trop-plein de kilowatts !

Issa GORAIEB 
igor@lorientlejour.com

Il faudra un jour ériger en cas d’école le stupéfiant chassé-croisé de gesticulations politico-diplomatiques qui a marqué le bref séjour à Beyrouth du secrétaire d’État américain Rex Tillerson.

D’ordinaire, ce dernier a pour tâche principale d’édulcorer, autant que possible, les outrances débitées non-stop par son patron, le président Donald Trump. Mais voilà qu’à...