Sonia Rykiel, 50 ans de « démode » et une bibliothèque universelle

Le 16 janvier, les principales boutiques Sonia Rykiel à travers le monde, y compris celle de Beyrouth, étaient fin prêtes pour recevoir leurs invités, ayant reçu le kit de montage et réalisé l’installation de l’artiste slovaque Jaro Varga. Le mot d’ordre était donné de célébrer le 50e anniversaire de la maison le plus joyeusement et le plus artistiquement possible, avec ce grand éclat de rire dont Sonia Rykiel avait fait son manifeste. Et de manifeste il était bien question, la maison ayant baptisé « Manifesto » sa collection capsule créée pour l’occasion.

Des « S », des « R » et une tapisserie d’hommages
Le navire amiral de la maison, boulevard Saint-Germain, avait donné la note. Le président de Rykiel, Jean-Marc Loubier, la directrice artistique, Julie de Libran, et le CEO, Éric Langon, y accueillaient les amis de l’enseigne ainsi que Nathalie, la fille de Sonia Rykiel, et Salomé, sa petite-fille, dans le cadre d’une fête insolite. La façade du magasin, entièrement recouverte par Jaro Varga d’une bibliothèque de livres blancs, conviait les invités à écrire leurs propres titres sur les lignes de dos, ou à illustrer les couvertures selon leur fantaisie, créant ainsi une glorieuse tapisserie d’hommages à la fondatrice de la maison Sonia Rykiel, accompagnés de vœux pour un joyeux anniversaire et autres graffitis et expressions artistiques, des plus intellectuels aux plus ésotériques, des plus élaborés aux plus naïfs.

Au même moment, dans toutes les enseignes Sonia Rykiel à travers le monde, d’autres invités en faisaient autant. Et si à Paris la soirée était animée par Corine, dans une ambiance de cabaret où la chanteuse reprenait les mots intégrés aux éléments de la collection Manifesto, tous extraits du Dictionnaire déglingué publié par Sonia Rykiel l’année de ses 86 ans, dans le reste du monde on dansait, on buvait et célébrait joyeusement ces mêmes mots où les « S » et les « R » de l’acronyme de la marque et de sa fondatrice étaient mis en évidence comme dans paRiS, S’aimeR, SauteRneS, baiSeR, SecRet, Saint-geRmain. Mention spéciale au pull S’aimeR.

Vêtements à messages
La littérature et les mots sont au cœur de la maison Sonia Rykiel depuis sa création en mai 1968, en pleine révolution générationnelle. Des livres ornant ses vitrines aux slogans inscrits sur ses vêtements en passant par le Dictionnaire déglingué de sa fondatrice amoureuse des mots, cette maison Rive Gauche, pertinemment située au centre du quartier littéraire de Saint-Germain-des-Prés, est la reine incontestée de la phrase qui fait mouche, et le chef de file de la mode engagée. Ludique et légère, la collection capsule, signée Julie de Libran, met à l’honneur le vêtement à message, entre pulls confortables, jupes culottes, vestes en jeans, robes marinières, sacs et pochettes. Infusés d’esprit avant d’être incorporés aux vêtements, les mots sont empruntés à des définitions poétiques issues tant du Dictionnaire déglingué de Sonia Rykiel que du lexique moderne de la maison.

De la mousse au chocolat
Et à propos du Dictionnaire déglingué, rappelons que ce glossaire fantaisiste qui, comme son nom l’indique, ne respecte pas, entre autres choses, l’ordre de l’alphabet, a été publié chez Flammarion en novembre 2006, rédigé et adorablement illustré par une Sonia Rykiel âgée de 86 ans et souveraine de la démode, elle qui a quasiment inventé les coutures visibles, les ourlets non finis et les vêtements sans revers, sans compter le pull à rayures, ce « poor boy sweater » ainsi baptisé parce qu’il était tricoté, à l’origine, avec un assemblage de fins de pelotes. Crinière de feu et frange caractéristique, Sonia Rykiel avait mis dans ce Dictionnaire, dans le désordre et au gré de son inspiration, ses goûts et ses dégoûts, sa vision du monde, de l’amour, de la beauté, de la femme et bien sûr de la mode. Ainsi, devant Baiser, on retiendra cette définition reprise dans la capsule Manifesto : « Caresse des lèvres, effleurement. Tout ce qui se passe avant. Le regard s’approche sur le cou, les cheveux, le visage, et puis les lèvres, le paradis. » Et pour la bonne bouche, on savourera cette réflexion désopilante sur l’Inquiétude (II) : « Bien sûr, l’inquiétude, c’est aussi un moment terrible, dur. Je me suis sentie obligée de faire une mousse au chocolat. »
À Beyrouth, le 50e anniversaire de la maison Sonia Rykiel était célébré, en même temps que le lancement de la collection Manifesto, dans le pop-up store « We are the People » créé par Aïshti au dernier étage du grand magasin, au centre-ville. Et là aussi, comme à Paris et dans d’autres capitales, les invités ont écrit ou dessiné sur le dos des livres blancs des messages d’amour et d’espoir.

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