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Moyen Orient et Monde - Analyse

Pourquoi il sera difficile d’obtenir d’autres concessions de Téhéran

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, le 11 janvier 2018 à Bruxelles. John Thys/AFP

L'enjeu dépasse largement la question du nucléaire. Ni les Américains, ni les Européens, ni les Saoudiens, ni les Israéliens ne veulent voir l'Iran acquérir l'arme nucléaire, et à ce sujet, l'accord signé à Vienne en juillet 2015 entre l'Iran et les 5+1 (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne) leur offre une certaine garantie. Mais ils veulent tous, dans des proportions diverses, fixer de nouvelles lignes rouges à Téhéran pour encadrer sa politique régionale, alors que la République islamique se vante d'avoir plus d'influence que jamais au Moyen-Orient. C'est tout l'enjeu de la gesticulation de Donald Trump en la matière : transformer le deal « gel de l'activité nucléaire contre levée des sanctions » en un autre deal impliquant un changement de politique régionale pour l'Iran en contrepartie de la levée de ces mêmes sanctions. Les Européens sont d'accord sur le fond mais veulent tout de même préserver l'accord nucléaire en l'état. Ils semblent en ce sens plus enclins à ouvrir des négociations parallèles avec Téhéran sur les sujets en question. Mais Washington veut intégrer ces discussions à l'accord, pour pouvoir utiliser la menace du rétablissement des sanctions comme un moyen de pression sur Téhéran.

Le problème, c'est que l'Iran a répété à de multiples reprises qu'il n'avait aucune intention de renégocier cet accord. Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif l'a rappelé hier peu après l'annonce par la Maison-Blanche de la volonté des Américains de « remédier aux terribles lacunes du texte ». Téhéran considère en effet qu'il a déjà fait beaucoup de concession et que, malgré les critiques de ses adversaires, il respecte l'accord, ce qui est d'ailleurs confirmé par les rapports de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique). « Tant qu'il ne se sent pas récompensé pour avoir respecté l'accord nucléaire, il est difficile de voir l'Iran faire des concessions supplémentaires, en particulier en ce qui concerne les demandes unilatérales des États-Unis », analyse pour L'Orient-Le Jour Naysan Rafati, spécialiste de l'Iran à l'International Crisis Group, à Bruxelles.

 

(Lire aussi : Iran : les Européens veulent offrir une troisième voie à Trump)

 

 

Lâcher du lest
Réunis avec M. Zarif à Bruxelles, les Européens ont fait part jeudi de leurs inquiétudes concernant la politique iranienne dans la région, alors que Téhéran intervient, plus ou moins directement, en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen. L'activité balistique de l'Iran, qui fait toujours l'objet de sanctions américaines, est aussi pointée du doigt par les Occidentaux. Mais la dernière fois que le président français Emmanuel Macron a soulevé ces sujets en novembre dernier, il s'était vu opposer une fin de non-recevoir de la part des Iraniens qui considèrent ces demandes comme une atteinte à leur souveraineté.

Selon le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, les Européens auraient obtenu un accord de principe de la part de M. Zarif pour commencer « un dialogue avec l'Iran sur un changement de comportement dans la région ». Mais cet accord de principe, s'il est sérieux, devrait impliquer des discussions en parallèle de l'accord nucléaire et non une renégociation de celui-ci. D'autant plus que M. Zarif n'a pas les mains libres sur ces dossiers, qui dépendent exclusivement de la bonne volonté du guide suprême et des pasdaran. Est-ce que les récentes manifestations du peuple iranien, notamment les critiques exprimées à l'égard de la politique étrangère de Téhéran, pourraient pousser les pasdaran à lâcher du lest ? Est-ce que la pression combinée de Washington et des Européens et la menace de rétablir les sanctions, alors que l'économie iranienne peine à redémarrer, pourraient avoir un effet similaire ? Pour l'instant, rien ne semble moins sûr. Les Iraniens ne paraissent pas prêts à faire des concessions alors qu'ils commencent à peine à tirer les dividendes de leurs interventions coûteuses dans la région. Si le président iranien Hassan Rohani, en conflit ouvert avec les conservateurs, parvient à gagner davantage d'influence sur ces dossiers-là, il y a peut-être un mince espoir de trouver un compromis avec Téhéran. Mais tant que les pasdaran, convaincus que la moindre concession les affaiblirait et pourrait même entraîner à terme leur perte, auront la mainmise sur le sujet, il y a peu de chances que l'Iran accepte de modifier son comportement dans la région. Et si l'on prend les déclarations d'hier de Donald Trump au mot, cela ne laisse pas beaucoup d'option : la fin de l'accord, avec comme conséquence soit un Iran nucléaire, soit un conflit militaire.

 

 

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