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Liban - Archéologie

Quand le marbre voguait du Pirée vers Sidon

Des milliers de tonnes de marbre ont été acheminées par bateau depuis la Grèce vers le port de Sidon, pour la réalisation des sarcophages anthropoïdes, des statues du Temple Boy d'Echmoun et du pavillon royal de la cité.

Exposés au Musée national de Beyrouth, les sarcophages anthropoïdes ont été taillés dans le marbre de Poros.

Dans le cadre du colloque international organisé par la Direction générale des antiquités en collaboration avec les Amis libano-britanniques du Musée national autour des trois principaux ports antiques de la Méditerranée, Tyr, Sidon et Byblos, Rolf Stucky, ancien directeur de l'Institut d'archéologie classique de Bâle et ancien pensionnaire de l'IFPO à Beyrouth, fait observer que les Phéniciens importaient de Grèce deux sortes de marbre : le pentélique issu des carrières de l'Attique et le fameux marbre de l'île grecque de Paros, dans les Cyclades, le plus recherché et le plus cher de l'Antiquité, appelé parien ou « lychnitis », du fait que son extraction était effectuée dans les galeries souterraines sous la lumière des lampes à huile (en grec : lychnos). Comme la série complète des sarcophages anthropoïdes du Ve jusqu'au IIIe siècle avant J-C, les sculptures de six garçons assis et deux en pied, du Temple Boy d'Echmoun, ont été taillées dans ce marbre d'un blanc pur et d'une grande transparence (jusqu'à 3,5 millimètres d'épaisseur).

Quant au marbre pentélique, il a été utilisé dans la construction du temple ionique d'Echmoun (IVe siècle) et des éléments architecturaux du pavillon royal de Sidon (milieu du Ve siècle). Celui-ci se dressait dans la région de l'école américaine où un fragment d'un protomé de taureau a été découvert par l'équipe archéologique du British Museum, dirigée par Claude Doumit Serhal. La cité étant à cette époque sous domination perse, l'archéologue britannique John Curtis présume que le pavillon était de caractère royal, et selon les règles de l'architecture achéménide, les colonnes des façades devaient mesurer 12 à 14 mètres de hauteur, et dépasser les mille tonnes.

 

(Lire aussi : Un passé médiéval sous la maison Sacy à Saïda ?)

 

Le bateau d'Hippos
Des tonnes et des tonnes de pierres ont donc été acheminées du Pirée jusqu'au port de Sidon. « Leur transport se faisait après la taille des blocs dans les carrières, et un travail de dégrossissage préparatoire », précise Rolf Stucky, auteur d'études sur la Tribune d'Echmoun et les sculptures du sanctuaire d'Echmoun. « La découverte près des carrières "pariennes" de deux cuves et d'un couvercle portant une tête grossièrement ébauchée, ainsi que des chapiteaux doriques et des tambours de colonnes ébauchées, réutilisés dans les fondations des murs d'Athènes illustrent l'état préparatoire effectué dans les carrières de l'Attique et de Paros. » Allégé, rendu le moins lourd possible, le marbre voyageait sans problème vers le Levant, où il n'avait plus qu'à être achevé, explique l'archéologue. D'après Pline l'Ancien, c'est un certain Hippos de Tyr qui avait construit le premier bateau de marchandises. Il pouvait transporter des charges de 300 tonnes. Le coût du transport n'est attesté par aucun document.

Pour Rolf Stucky, il ne fait pas de doute que des architectes et sculpteurs grecs accompagnaient la matière brute en Phénicie et y formaient – avec des apprentis locaux – des ateliers pour l'exécution des travaux, c'est-à-dire les sarcophages, la statuaire et les éléments d'architecture. « Les comptes de construction du sanctuaire d'Épidaure, au Péloponnèse, révèlent l'existence d'experts en architecture qui circulaient entre les grands chantiers de Grèce et l'Asie Mineure où les rois phéniciens, les princes et les sous-satrapes formaient un cercle de clients fortunés.

Selon la reconstitution graphique du temple d'Echmoun (IVe siècle avant J-C), construit entièrement en marbre pentélique, il est clair que « ces ouvriers-sculpteurs combinaient habilement des éléments grecs avec ceux de provenance assyrienne et perse ». La façade suivait de près l'ordre ionique de la Grèce contemporaine, et la cella – dont les colonnes portaient de chapiteaux à quatre protomés de taureau – gardait la tradition orientale, précise Rolf Stucky, avant de conclure que « l'artiste responsable du concept architectural était donc un expert aussi bien de l'architecture grecque qu'orientale. Il était entouré d'un groupe de collaborateurs, la communauté des compagnons, connaisseurs aussi bien des différents canons architecturaux que des techniques de construction ».

 

 

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La plus grande collection au monde de sarcophages anthropoïdes désormais à Beyrouth

Dans le cadre du colloque international organisé par la Direction générale des antiquités en collaboration avec les Amis libano-britanniques du Musée national autour des trois principaux ports antiques de la Méditerranée, Tyr, Sidon et Byblos, Rolf Stucky, ancien directeur de l'Institut d'archéologie classique de Bâle et ancien pensionnaire de l'IFPO à Beyrouth, fait observer que les...

commentaires (1)

Les sarcophages anthropoïdes de Beyrouth du Musée Nationale sont d'une beautée extra-ordinaire. En plus; j'ai lu depuis récemment 2016 ils sont maintenant exposés tous, pendant qu'avant il n'y avait que quelques uns visibles: voir https://www.lorientlejour.com/article/1011563/la-plus-grande-collection-au-monde-de-sarcophages-anthropoides-desormais-a-beyrouth.html Je me demande si dans l'antiquité ils étaient marbre blanche probablement non; et c'était avec peinture en couleur; la peinture a été perdue après tous ces siècles.

Stes David

13 h 33, le 10 janvier 2018

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Commentaires (1)

  • Les sarcophages anthropoïdes de Beyrouth du Musée Nationale sont d'une beautée extra-ordinaire. En plus; j'ai lu depuis récemment 2016 ils sont maintenant exposés tous, pendant qu'avant il n'y avait que quelques uns visibles: voir https://www.lorientlejour.com/article/1011563/la-plus-grande-collection-au-monde-de-sarcophages-anthropoides-desormais-a-beyrouth.html Je me demande si dans l'antiquité ils étaient marbre blanche probablement non; et c'était avec peinture en couleur; la peinture a été perdue après tous ces siècles.

    Stes David

    13 h 33, le 10 janvier 2018

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