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La rétro 2017 de L'Orient-Le Jour - rétro 2017

2017, saignement(s) et cicatrice(s)

Regarder l'année 2017 dans le rétroviseur, c'est remarquer que les artistes libanais entament enfin un réel travail de mémoire sur la guerre et les conflits identitaires. Que ce soit Zena el-Khalil qui a revisité, à travers son exposition, l'immeuble Barakat jadis squatté par des francs-tireurs, Ziad Doueiri avec son film L'Insulte, ou Sophie Boutros avec Mahbas. Une main tendue vers l'autre, pour non seulement dialoguer, mais aussi et surtout lui pardonner. Panser les blessures profondes, en parler ouvertement et sans tabous, s'attaquer avec bravoure à la figure de l'ennemi et aux non-dits, quitte à provoquer des heurts par-ci, des cris d'outrages par-là. C'est après avoir saigné que l'on cicatrise le mieux.

Exposition
La catastrophe sacrée de Zena el-Khalil


Parmi le florilège d'expositions ayant eu lieu en 2017, on retiendra, outre celle du génial, mais pointu, Walid Raad chez Sfeir-Semler (Beyrouth), celle, plus à la portée du grand public, de Zena el-Khalil à Beit Beirut. Dans cet immeuble situé sur l'ancienne ligne de démarcation de la capitale, aujourd'hui devenu le musée-témoin de la guerre civile libanaise, l'artiste engagée a présenté, en septembre et octobre derniers, des mantras reproduits abstraitement sur toiles, ou calligraphiés-incisés dans la pierre, et des installations auditives aux ondes pacifistes et curatives. Elle a aussi aménagé une « forêt de tiges vertes » en mémoire des 17 000 disparus dans la guerre du Liban. Et, parallèlement à son propre travail, elle a organisé une série d'événements interactifs destinés à propager un esprit de paix et de réconciliation... Pour que ne se rallument plus jamais ces feux si mal éteints de la haine et de la violence.

 


Design
La promesse Beirut Design Fair

 


L'événement design de 2017 aura incontestablement été le lancement de la première édition de la Beirut Design Fair (BDF). Cette foire, initiée par Hala Moubarak et Guillaume Taslé d'Héliand, ambitionne de devenir la vitrine de la créativité et d'un savoir-faire de haut vol made in Lebanon. À cet effet, elle ne se contente pas de présenter au public le meilleur du design local, mais couronne aussi, à travers trois prix, ses meilleurs représentants, établis ou émergeants. Le premier prix, décerné notamment par les célèbres architectes et designers India Mahdavi et Aline Asmar d'Amman, est évidement l'Object Award. Il est revenu au couple de designers-architectes Marie-Lyne et Anthony Daher (MAD) pour leur Stouff, une version 2.0 du traditionnel poêle à bois. Une foire et un duo prometteurs. A suivre...


Littérature
Majdalani et Douaihy, fiertés nationales

 


L'un est né à Beyrouth en 1960 et l'autre à Zhgorta en 1949.
Charif Majdalani enseigne les lettres françaises à l'Université Saint-Joseph de Beyrouth. Il est l'auteur de Caravansérail, prix François-Mauriac de l'Académie française, Le dernier seigneur de Marsad, Villa des femmes, prix Jean-Giono, et L'empereur à pied, parution 2016, qui lui a valu les meilleures critiques internationales dont celle du Figaro : « Un roman plein de souffle sur une dynastie libanaise du XIXe siècle à nos jours. »
Le romancier Jabbour Douaihy est professeur de littérature française à l'Université libanaise de Tripoli, traducteur et critique à L'Orient littéraire, et il compte parmi les grands acteurs culturels du pays. Après Rose Fountain Motel, Pluie de juin et Saint Georges regardait ailleurs, vient de paraître Dans le quartier américain, qui suit la trajectoire de deux jeunes garçons d'origines sociales opposées.
Deux auteurs qui font la fierté du pays. À lire et à relire.

 

Festivals
Ibrahim, Maurice, Paul et John


Quoiqu'on ait pu reprocher, et à raison, aux programmations des festivals de l'été 2017 notamment de s'être légèrement essoufflées par rapport aux éditions précédentes, trois spectacles auront retenu l'attention. D'abord, à Beiteddine, le Ballet for Life de la compagnie Béjart dont Gil Roman se charge de réinventer l'avenir depuis la disparation de l'infatigable chorégraphe. Sur un grand écart (au propre comme au figuré) entre les airs de Queen et Mozart, les corps-accords ont livré une performance à la fois épurée et saisissante. À Baalbeck, un formidable Ibrahim Maalouf et sa trompette ont fait swinguer les hommes et les pierres du temple de Jupiter. Enfin, le festival de Byblos proposait deux concerts mémorables : celui de Sean Paul qui a dynamité la scène pour mieux la transformer en dancefloor à ciel ouvert, et, plus récemment, impressionnant, celui d'Elton John qui a démontré qu'il est toujours aussi intouchable dans sa majesté scénique.

 

Initiative
Génération Orient saison 2 a fait boum

 


Voilà deux ans que l'initiative Génération Orient, fruit d'un partenariat entre L'Orient-Le Jour et la SGBL, s'emploie à mettre en lumière les créatifs libanais de demain. Avec plus de 6 000 votants en ligne, un engagement massif des lecteurs et celle d'un jury de 12 spécialistes qui se sont penchés sur les 12 talents de 2017 aux parcours plus que probants, la deuxième édition de ce projet a tenu ses promesses. C'est le caractère engagé, tourné vers la communauté, ouvert sur les arts et se doublant d'une approche expérimentale du travail des architectes Ghaith & Jad (Ghaith Abi Ghanem et Jad Melki) qui les a distingués et leur a permis de remporter le 1er prix cette année, succédant ainsi à Hala Ezzeddine. Leur œuvre, à la fois politique et poétique, est la preuve, s'il en est, que l'art demeure l'ultime talisman de ce pays au destin en équilibre sur des sables mouvants.

 

Cinéma
« L'insulte » et « Mahbas » à la rencontre de l'autre

 

Ziad Doueiri et quelques uns de ses acteurs. Photo AFP


Deux films ont fait le buzz cette année et ont défrayé la chronique : L'Insulte de Ziad Doueiri et, dans une moindre mesure, Mahbas de Sophie Boutros. Si chacun de ces films traite d'un sujet différent, c'est sur toile de fond de pardon, de rédemption, de rejet des préjugés et du regard que l'on porte sur l'autre qu'est élaborée la trame de ces deux longs-métrages, restés longtemps à l'affiche avec un record d'entrées jamais vu pour un film d'auteur libanais. L'Insulte remonte les aiguilles du temps et revisite la mémoire collective, tandis que Mahbas parle d'alliance et de mésalliance au cœur d'un couple d'amoureux de nationalités différentes et quasi ennemies (libanaise et syrienne) et qui veulent se marier. La réalisatrice a voyagé à plusieurs festivals avec son premier film, tandis que le cinéaste, qui signe son 4e long-métrage, s'est vu récompensé à la Mostra de Venise (prix du meilleur acteur masculin) et est actuellement short-listé dans la course aux Oscars pour le prix du meilleur film étranger.

 

Récompenses
Joanna, Khalil, Zad et Zoukak

 


À tout seigneurs tout honneur, c'est le duo Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige qui, avec le prix Marcel-Duchamp, aura permis à l'art libanais de bénéficier du plus gros coup de projecteur. Avec pour objectif de rassembler les artistes de la scène française les plus novateurs de leur génération et d'encourager toutes les formes artistiques nouvelles qui stimulent la création, ce prix est un couronnement autant qu'une motivation et une opportunité. L'opportunité d'être à Venise aura aussi profité à Zad Moultaka et son impressionnant pavillon libanais à la Biennale de la Cité des Doges. L'artiste plasticien et musicien aura marqué cette édition 2017. Autre collectif primé à l'international, Zoukak, avec le prix Chirac pour la culture et la paix. Zoukak se bat pour diffuser le théâtre comme art-thérapie dans les camps de réfugiés au Liban.

 

Théâtre
Des jokers carnivores au destin étrange


Si le monde du théâtre a pleuré la disparition du contestataire, mystique, érudit, pédagogue et grand Jalal Khoury, côté planches, on retient le coup d'envoi, en décembre, du nouveau studio de la troupe Zoukak qui a frappé bien fort (les trois coups) et présenté un travail de création collectif, The Jokers, mis en scène par Omar Abi Azar et Junaid Sarieddine, mêlant théâtre et musique (avec Khodor Ellaik, alias Kid Fourteen). La compagnie titulaire de nombreux prix prestigieux, dont récemment celui de la fondation Chirac, a en effet concocté une pièce choc sur les identités sexuelles. À signaler également le retour de Issam Bou Khaled avec Carnivorous ; L'étrange destin de M. et Mme Wallace, mis en scène par Valérie Vincent ; de la bouffée d'air frais de Freezer de Betty Taoutel, ainsi que les productions françaises ramenées par Persona Productions.

 

 

ExpositionLa catastrophe sacrée de Zena el-Khalil

Parmi le florilège d'expositions ayant eu lieu en 2017, on retiendra, outre celle du génial, mais pointu, Walid Raad chez Sfeir-Semler (Beyrouth), celle, plus à la portée du grand public, de Zena el-Khalil à Beit Beirut. Dans cet immeuble situé sur l'ancienne ligne de démarcation de la capitale, aujourd'hui devenu le musée-témoin de...

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