Il est devenu très commun, au Liban, pays de toutes les impostures, de rencontrer des affamés de tout ce qui brille. Ceux qu'on appelle communément les nouveaux riches. Ceux qui étalent leurs signes extérieurs de richesse, qui ne sont autres que des signes de grande pauvreté intérieure. Un indicateur de la béance qui les habite, et que seul une montagne de sacs et/ou de pompes griffés pourraient combler. Mais il existe une catégorie plus atypique et beaucoup plus intéressante à observer, celle des « riches depuis toujours », nés avec une cuillère en argent bien avant leur première dent et nourris au biberon en or massif. Ces énergumènes sont en général pris d'une frénésie de cumul au point de vouloir posséder la terre entière. Des clones de Donald Trump, qui s'adonnent à un tour de passe-passe assez habile qui consiste à emboîter, à la manière des poupées russes, des appartements et des terrains achetés par-ci, par-là, histoire de s'ériger un royaume personnel pour se gonfler de l'importance dont ils ont été privés, petits. Parce que tout le monde sait que l'adulte d'aujourd'hui est le symptôme des privations, humiliations et autres vexations subies dans l'enfance.
Le comble, c'est que ces pauvres hères se pensent immortels. À tel point qu'ils n'ont jamais pensé donner un coup de bêche à leur caveau familial rongé par les herbes folles. Pourtant, c'est là-bas qu'ils finiront leurs jours et nulle part ailleurs ! En y entrant les pieds devant si toutefois on leur trouverait un petit coin pour loger leur enveloppe charnelle chaussée de pompes de (très grand) luxe, censées résister à l'épreuve du temps, terrestre s'entend. En somme, « les Rolls Royce de la chaussure », garanties à vie. Mais attention : il n'est nulle part indiqué que cette assurance s'applique sous terre. Ce détail semble leur avoir échappé alors qu'il est prouvé que l'humidité et les moisissures souterraines ont raison de tout et de tous. Poussière tu es, poussière tu redeviendras. De la poudre de Perlimpinpin qui n'agit plus, et pour cause : le magicien a fini par se désintégrer.
Pour conclure ce coup de gueule adressé à ceux qui se reconnaîtront ou pas : il est vrai que les hommes naissent inégaux, mais ils sont tous égaux dans la mort. Voici l'épitaphe qu'inspire cette race de nombrilistes dépravés : « Ci-gisent les parasites faits hommes qui, en dehors de pousser le cri du nouveau-né, n'ont jamais eu d'autre effort à fournir dans leur vie que celui d'empoisonner – de manière soutenue et chronique – la vie des autres. » Quant à la chute de l'annonce nécrologique, cette dernière phrase dresse un fidèle portrait de ces sous-hommes (à sous) : « Ni fleurs ni couronnes. Que des pièces sonnantes et trébuchantes. Même dans l'after life ! Oui, oui, Monsignor, il est (bel et bien) l'or... de crever ! »
Nos Lecteurs ont la Parole - par Jean HAYECK
J’irai cracher sur tes pompes
OLJ / le 03 janvier 2018 à 00h00
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