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Liban - Prix Louis Delamare

La discrimination et l’usage anarchique des armes, principaux axes des plaidoiries gagnantes

Le jury a finalement choisi Nathalie Lallier dans la catégorie des candidates françaises, et Victoria Cherfane pour les Libanais.

Victoria Cherfane, troisième à partir de la gauche, recevant le Prix Louis Delamare des mains de l’ambassadeur de France, Bruno Foucher.

La sixième édition du Prix Louis Delamare, qui s'est tenue mardi à la Maison de l'avocat, s'est polarisée comme chaque année sur la défense des droits de l'homme, un thème cher à l'ambassadeur de France assassiné à Beyrouth en septembre 1981, à quelques mètres d'un barrage syrien, et dont le prix porte le nom.

Fondée en 2012 par Me Joe Karam, président de la commission des relations internationales du barreau de Beyrouth, cette manifestation, organisée en partenariat avec l'ambassade de France et les barreaux de Paris et de Caen, met en compétition de jeunes avocats stagiaires, français et francophones, dans le cadre d'un concours de plaidoiries sur des cas réels touchant à l'atteinte aux libertés auxquelles était farouchement attaché Louis Delamare.

Le prix a été coparrainé cette année par le nouveau bâtonnier de Beyrouth, André Chidiac, et par l'ambassadeur de France, Bruno Foucher, qui ont tour à tour rendu hommage à Louis Delamare et aux valeurs de dignité qu'il a prônées, devant une assemblée composée notamment du député Ghassan Moukheiber, représentant le président de la République, Michel Aoun, Daoud Sayegh, représentant le chef du gouvernement Saad Hariri, Jean Fahd, président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Michel Tarazi, membre de ce Conseil, Ghaleb Ghanem, ancien président du Conseil d'État et du CSM, Gilberte Zouein, députée du Kesrouan, et des anciens bâtonniers Amal Haddad, Antoine Klimos et Nohad Jabre.

 

(Pour mémoire : La mémoire de Louis Delamare ou le vibrant plaidoyer pour les droits de l’homme)

 

Valeurs partagées entre le Liban et la France
« Un martyr, un héros, nous ne le pleurons pas, nous lui rendons hommage », a déclaré André Chidiac, en référence à Louis Delamare, citant en outre un passage paru dans un média français qui décrit l'ambassadeur assassiné comme « un homme attentif aux autres, dur au travail, prompt à comprendre les situations inextricables ».

Le bâtonnier s'est par ailleurs félicité que cette compétition prônant les droits de l'homme « prend d'année en année une ampleur grandissante ». Affirmant que le barreau de Beyrouth a toujours été un farouche défenseur des libertés, de la démocratie et de la souveraineté, il a précisé que l'ordre des avocats « lutte avec acharnement pour la réédification d'un État fort et juste, sous-tendu par une magistrature totalement indépendante ».

M. Foucher a pour sa part indiqué que son lointain prédécesseur était « un homme prêt à risquer sa vie pour une cause juste », applaudissant « ce concours qui perpétue sa mémoire ». Le diplomate a ainsi mis l'accent sur l'importance d'une telle manifestation, d'autant que « le monde arabe traverse une crise sans précédent, marquée par des violations massives des droits de l'homme et une répression féroce de leurs défenseurs ». Il a notamment évoqué « les restrictions à la liberté d'expression, le trafic d'êtres humains et l'intolérance religieuse », affirmant que « la France joue un rôle moteur pour faire progresser le droit et garantir son respect ». M. Foucher a enfin salué « la collaboration dense entre la France et le Liban dans le domaine du droit », qui se fonde, a-t-il dit, sur « des valeurs partagées ».

Dans le même sillage, l'ancien bâtonnier de Paris, Jean-Marie Burguburu, a salué les relations entre les deux pays, soulignant que la France et le Liban sont « en quête permanente de justice, d'équité et d'apaisement ».

Robert Apery, bâtonnier de Caen, a estimé, pour sa part, que le rapprochement entre les deux pays s'effectue grâce à des démarches « comme celles de Joe Karam, fondateur, organisateur, coordinateur, animateur et centre de gravité de ce concours ».

 

(Pour mémoire : Quatrième édition du prix Louis Delamare : plaidoiries en faveur de l’abolition de la peine de mort)

 

L'embarras du choix
Remerciant tous ceux qui ont contribué à la réussite de l'événement, M. Karam a donné enfin la parole aux sept plaideurs en lice : deux Françaises et cinq Libanais, dont quatre femmes, qui ont tous déployé un talent oratoire remarqué, à tel point que le jury a eu du mal à les départager. Après quarante minutes de délibérations, ce jury, composé de MM. Foucher, Chidiac, Burguburu, Apery, Karam ainsi que de Véronique Aulagnon, directrice de l'Institut français, Antonio Hachem, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Beyrouth, Mayssam Noueiry, directrice générale du ministère de la Justice, Nadim Zouein, juge d'instruction du Liban-Sud, Lucien Lteif, directeur du Cercle des dirigeants de l'École supérieure des affaires (ESA), Maya Mansour, professeur de droit à l'Université arabe (UA), Ali Rahhal, professeur de droit à l'Université libanaise (UL), et L'Orient-Le Jour, a finalement décerné le Prix Louis Delamare à Nathalie Lallier dans la catégorie des candidates françaises, et à Victoria Cherfane, lauréate libanaise.

Me Lallier s'est vu remettre un matériel de bureau, une caméra et un ordinateur portable, offerts par les établissements Khoury Home, ainsi que des ouvrages juridiques d'auteurs libanais, publiés en français par les éditions Sader. Quant à Me Cherfane, elle est invitée par l'ambassade de France à participer au concours international de plaidoirie pour les droits de l'homme au Mémorial de Caen.

La candidate française gratifiée a choisi le thème de la justice indienne de caste, basée sur la discrimination, qui « bannit, humilie et tue » un individu appartenant à la classe défavorisée des « Intouchables », lorsqu'il prend pour conjoint une personne d'une autre caste. Sa seule concurrente, Fanny Vial, a pour sa part récité avec beaucoup d'émotion un hymne à la cause des SDF et des vagabonds abandonnés par leurs familles et jetés à la rue.

Quant à la gagnante libanaise, elle a plaidé la cause d'une petite fille fauchée par une balle perdue lors d'un conflit armé entre deux clans, à Baalbeck. Avec un art oratoire certain, Me Cherfane a exhorté la justice à arrêter le coupable en cavale et à lui faire payer le prix de son crime, s'élevant dans le même temps contre la prolifération anarchique des armes.

Les autres prestataires se sont également distingués par la pertinence des sujets choisis. Jessica Adaïmi s'est ainsi soulevée avec ardeur contre l'intolérance religieuse et la violation des libertés de croyance, et Krystel Bassil a défendu avec éloquence les droits d'une jeune femme violée, réclamant des sanctions sévères à l'encontre de l'agresseur. Quant à Rawane el-Osmani, elle a choisi de plaider pour la dépénalisation de l'homosexualité, dénonçant avec fougue et conviction l'atteinte à la vie privée et aux libertés fondamentales. Enfin, Me Abbas Kabalan s'est élevé avec une grande force de persuasion contre la disparition forcée de l'imam Moussa Sadr et l'impunité relative à cette affaire.

Dans l'ensemble, chacun des jeunes intervenants en robe a étoffé sa plaidoirie d'arguments juridiques appropriés, imprégnant son discours de beaucoup de charisme, pour le plus grand plaisir d'un public averti.

La sixième édition du Prix Louis Delamare, qui s'est tenue mardi à la Maison de l'avocat, s'est polarisée comme chaque année sur la défense des droits de l'homme, un thème cher à l'ambassadeur de France assassiné à Beyrouth en septembre 1981, à quelques mètres d'un barrage syrien, et dont le prix porte le nom.
Fondée en 2012 par Me Joe Karam, président de la commission des...

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