Rechercher
Rechercher

Électroflop ?

C'est pour opérer un salutaire électrochoc, seul susceptible, affirmait-il, de mettre fin à une situation intenable, que Saad Hariri démissionnait spectaculairement. C'est en timide chatouillis que s'achève toutefois le grand frisson. Comment croire en effet qu'une petite phrase, tout juste ajoutée au credo officiel du gouvernement – une phrase renfermant le simple mot, le magique mot-clé de distanciation –, va faire désormais toute la différence ?


Depuis hier, le leader du courant du Futur est à nouveau le Premier ministre qu'il n'avait jamais cessé d'être en réalité, techniquement parlant. Oralement présentée à partir de Riyad dans des conditions pour le moins suspectes, sa démission avait été considérée en effet comme nulle et non avenue; voilà pourtant que le retrait de celle-ci était dûment annoncé à l'issue d'un Conseil des ministres extraordinaire. Toujours est-il que depuis hier, Saad Hariri est aussi le chef d'une équipe dont toutes les composantes promettent de ne pas s'ingérer dans les affaires des pays arabes : engagement collectif qui ne figurait pas, noir sur blanc, dans le programme sur la base duquel ce gouvernement avait été formé et adoubé par le Parlement, il y a près d'un an.


Faut-il y voir un progrès significatif ? Oui, si cette unanimité apparue hier au sein d'un exécutif des plus hétéroclites traduit une réelle volonté de calmer le jeu, au double plan interne et régional. Et non, bien évidemment, si ces bonnes résolutions ne sont qu'une promesse en l'air rappelant fâcheusement la déclaration (mort-née) de Baabda, qu'un grossier tour de passe-passe visant seulement à légitimer un retour au statu quo ante : c'est-à-dire à renflouer l'entente qui avait permis au général Michel Aoun d'accéder à la présidence de la République et à Saad Hariri de réintégrer le Sérail. Le plus incroyable est que, pour officialiser par écrit ce concept de distanciation, il aura fallu, pour rappel, faire un crochet par cette malheureuse Constitution si fréquemment bafouée ces derniers temps, et qui souligne explicitement l'identité et l'appartenance arabes du Liban.


Quant au plaidoyer prononcé en séance par le Premier ministre, il appelle des commentaires mitigés. Pour Saad Hariri – et c'est certes à son honneur –, la priorité absolue va à la préservation de la stabilité politique, sécuritaire et socio-économique du pays, à l'heure où la région, déjà bouillonnante, paraît promise à un surcroît de secousses; il n'a pas manqué d'ailleurs de citer à ce sujet la fracassante décision de Donald Trump de transférer à Jérusalem l'ambassade américaine en Israël, conformément à ses promesses électorales.


Saad Hariri pèche néanmoins par maladresse, par imprudence tactique, quand il jure ses grands dieux qu'en aucune circonstance il ne sacrifiera cette sacro-sainte stabilité. À la milice iranienne qui, plus d'une fois, a renié ses engagements, Hariri, qui n'a cessé, lui, d'avaler couleuvre sur couleuvre, signifie en somme qu'il est disposé à aller jusqu'à consommer du boa.


Fort bienvenu est, une fois de plus, le codicille d'hier. Mais la route est longue, semée d'embûches, et seul le passage à l'acte permettra à la distanciation... de tenir la distance.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

C'est pour opérer un salutaire électrochoc, seul susceptible, affirmait-il, de mettre fin à une situation intenable, que Saad Hariri démissionnait spectaculairement. C'est en timide chatouillis que s'achève toutefois le grand frisson. Comment croire en effet qu'une petite phrase, tout juste ajoutée au credo officiel du gouvernement – une phrase renfermant le simple mot, le magique...