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Santé - Épidémie

Se faire tester et traiter pour le sida, un acte de responsabilité communautaire

Les avancées thérapeutiques permettent de maîtriser le virus. Il est toutefois important d'entamer le traitement tôt.

La séropositivité est détectée dans les trois à quatre semaines qui suivent la relation sexuelle contaminante. Jody Amïet/AFP

C'est un appel à dédiaboliser le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) que lancent les spécialistes à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, fixée au 1er décembre, en appelant à « se faire tester et traiter ». Et pour cause, puisque l'on dispose désormais d'un arsenal thérapeutique important permettant de juguler la maladie en maîtrisant le virus, à condition, bien sûr, d'entamer le traitement le plus tôt possible.

« Au cours des dernières années, les plus importantes découvertes effectuées dans la recherche sur le sida concernent l'efficacité des traitements et la production de médicaments peu toxiques », avance le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses. « Cela nous conforte dans le sens que nous pouvons entamer le traitement contre le VIH le plus tôt possible », poursuit-il.
Et cela n'a que des avantages, « puisqu'une trithérapie précoce arrête l'évolution vers l'immunosuppression », comme le montrent de nombreuses études internationales menées dans ce sens. « Au tout début de l'épidémie, nous ne disposions d'aucun traitement contre le virus et nous ne pouvions traiter que les complications, surtout les infections opportunistes, en observant, impuissants, l'évolution inexorable vers l'immunosuppression profonde et la mort, explique le Dr Mokhbat. Depuis une vingtaine d'années, nous avons vu le développement de traitements efficaces contre le virus permettant de contrôler cette évolution, voire de l'arrêter. Au début, nous attendions que la maladie commence à se déclarer pour entamer le traitement, parce que les médicaments n'étaient pas bien tolérés et présentaient de nombreux effets secondaires. Maintenant que nous disposons de remèdes moins toxiques, nous avons une plus grande marge de manœuvre. »

Plus encore. Les recherches qui se poursuivent dans le domaine ont permis une meilleure compréhension de l'action du virus. « Les études ont montré que lors de sa multiplication dans le sang, le VIH entraîne une réaction inflammatoire qui accélère le dépôt de plaques de cholestérol sur les vaisseaux sanguins », note le spécialiste. « Nous avions souvent affaire à des personnes jeunes, séropositives, chez qui la maladie ne s'était pas encore déclarée, avec une atteinte des artères et des troubles cardiaques et neurologiques », souligne le Dr Mokhbat.

Pour arrêter cette réaction inflammatoire, il fallait freiner la réplication du virus. La première étape consistait donc à « traiter les personnes séropositives, non plus pour éviter le passage vers l'immunosuppression et le sida, mais pour arrêter l'évolution vers l'atteinte cardio-vasculaire et neuro-vasculaire », ajoute-t-il.
Le résultat était spectaculaire. « Les études ont montré que la trithérapie entamée à un stade précoce freinait la multiplication virale non seulement dans le sang, mais aussi dans les sécrétions sexuelles, se réjouit le Dr Mokhbat. L'individu séropositif n'était plus donc contagieux. »

 

Lutter contre la stigmatisation
Aujourd'hui, le traitement a donc trois principaux objectifs : arrêter l'évolution vers la chute immunitaire et le sida, « et par conséquent sauver l'individu des cancers et des infections opportunistes », arrêter les détériorations et les atteintes artérielles dues à l'inflammation, et freiner la transmission du VIH. « D'un point de vue de santé publique donc, il est devenu essentiel d'entamer le traitement le plus précocement possible, puisqu'il assure aussi une protection communautaire, insiste le Dr Mokhbat. D'où l'importance d'encourager tout le monde, mais surtout les personnes vulnérables et celles qui se sont aventurées dans une relation sexuelle risquée, à effectuer le test de dépistage pour pouvoir commencer la thérapie antivirale assez tôt. »
Si de nombreuses avancées scientifiques ont été enregistrées depuis l'identification du virus en 1981, le poids de la stigmatisation et de la discrimination dont sont victimes les personnes séropositives reste malheureusement lourd. « Cela est désolant, puisque cette attitude sociale négative entrave tous les efforts menés à l'échelle internationale pour venir à bout de cette épidémie, d'autant que les individus qui pourraient être porteurs du virus hésiteront à venir se faire tester, déplore le Dr Mokhbat. Il est vital d'aider ces personnes à effectuer le test, mais aussi à les encourager à retirer leur résultat pour pouvoir initier le traitement, si la séropositivité est prouvée. »

Dans cet objectif, le Programme national de lutte contre le sida prévoit une campagne de sensibilisation à l'importance de ce test de dépistage, « qui se fait en toute confidentialité, au même titre que tous les tests médicaux ». « Le test de dépistage du VIH doit être effectué de manière routinière, ajoute-t-il. D'ailleurs aux États-Unis et en France, il est proposé à chaque visite médicale. »

 

Une qualité de vie normale
Quand faut-il l'effectuer ? « Avec les tests de quatrième génération, la séropositivité est détectée dans les trois à quatre semaines qui suivent la relation sexuelle contaminante, répond le Dr Mokhbat. Toutefois, le virus commence à se répliquer dans les deux à trois jours qui suivent la relation. » D'où l'importance du traitement postexposition (TPE) ou prophylaxie postexposition (PPE ou PEP). « Ce traitement consiste à administrer à l'individu, sur avis et contrôle médicaux, une trithérapie pour une durée d'un mois, indique le spécialiste. Ce traitement doit être toutefois entamé dans les soixante-douze heures qui suivent l'exposition accidentelle au virus. »

Le seul moyen de lutter contre l'épidémie reste néanmoins de se protéger contre le VIH. « Il est donc impératif de continuer à utiliser les méthodes classiques de prévention, c'est-à-dire à limiter le nombre de partenaires sexuels et à utiliser un préservatif dans toutes les relations à risque, d'autant qu'il constitue la pierre angulaire de la lutte contre le VIH », fait remarquer le Dr Mokhbat.

Quid de la PrEP (prophylaxie pré-exposition) ? « C'est un traitement qui n'est pas dépourvu de risques, constate-t-il. La PrEP ne peut pas être entamée si l'individu ne s'est pas assuré au préalable de sa séronégativité. Il faut s'assurer aussi que le partenaire séropositif n'a pas un virus résistant à ce traitement. Par ailleurs, la PrEP n'est pas entièrement efficace. Dans les meilleurs cas de figure, elle assure une protection de 86 %. À mon avis, elle est dangereuse, à moins qu'elle ne soit bien structurée et organisée par un service médical. Elle ne doit pas continuer à être administrée de manière chaotique, comme c'est le cas actuellement. »

Et le Dr Mokhbat de conclure : « Le VIH ne sera vaincu que lorsque la discrimination et la stigmatisation de l'individu séropositif seront levées. C'est à ce moment seulement que les personnes séropositives rechercheront une assistance médicale et se feront tester sans avoir peur d'être renvoyées de leur emploi, leur université... ou se voir refuser une demande de visa ou un permis de séjour et de travail. Il est important de comprendre que si l'individu séropositif est bien traité et bien suivi, il va avoir une bonne qualité de vie avec une durée de vie normale. D'où la nécessité de développer une acceptation de l'individu séropositif et de banaliser le VIH ainsi que le test de dépistage. »

 

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