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Liban - Éducation

Grève des enseignants du privé : premier jour sous haute tension

Certains établissements scolaires ont exercé des pressions sur les professeurs, leur ordonnant d'assurer une permanence horaire.

Le ministre de l’Éducation, Marwan Hamadé, en réunion avec les représentants des écoles privées. Photo ANI

C'est sous haute tension que s'est déroulée hier la première journée de grève décrétée par le syndicat des enseignants. Une grève avec pour objectif de protester contre la non-application de la loi 46 sur l'échelle des salaires et contre la paralysie de la caisse des indemnités de fin de service. Non seulement le ton est monté d'un cran entre les institutions privées et les enseignants mobilisés, qui campaient tous deux sur leurs positions, mais nombre d'établissements scolaires ont forcé la main à leurs professeurs, leur ordonnant de se présenter à l'école, grève ou pas.

 

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L'impasse totale
L'impasse était donc totale au terme de la journée, malgré une réunion entre le ministre de l'Éducation, Marwan Hamadé, et la Fédération des associations scolaires privées, présidée par le père Boutros Azar. D'une part, les enseignants réclament, une fois de plus, le respect de leurs droits et l'application de la loi 46 dans son intégralité. D'autre part, les directions des établissements scolaires portées par le secrétariat général des écoles catholiques, rejettent catégoriquement certaines clauses de la loi et plus particulièrement l'octroi des six échelons exceptionnels. Elles estiment que cela plomberait le budget des institutions privées et pousserait à la faillite nombre d'écoles privées, compte tenu que les parents d'élèves sont dans l'incapacité d'assumer les augmentations drastiques qu'entraîne la loi sur l'échelle des salaires.
Sur le terrain, les enseignants du privé ont opéré de nombreux sit-in à Beyrouth et à travers le pays, dans les permanences des syndicats ou au sein même des établissements scolaires.

« De manière générale, la mobilisation était bonne. Les sièges syndicaux grouillaient de monde », constate le président du syndicat des enseignants de l'école privée, Rodolphe Abboud. « L'affluence était telle, à Tripoli, que les enseignants regroupés par milliers ont improvisé une marche, depuis le centre syndical jusqu'au bureau départemental de l'éducation », observe de son côté le syndicaliste et militant Nehmé Mahfoud, ancien président du syndicat des enseignants de l'école privée.

Sauf que certains établissements n'auraient pas respecté l'ordre de grève et auraient exercé des pressions sur leurs enseignants afin de les empêcher de suivre le mouvement. « Non seulement nous avons dû assurer nos permanences horaires, mais la directrice nous a annoncé que nous devions assurer trois jours de cours aux élèves durant les vacances de Noël, afin de rattraper le retard accumulé », grogne une enseignante d'une école chrétienne. D'autres ont fait savoir aux parents, par le biais de circulaires, que le collège était ouvert normalement, même si près de la moitié des professeurs allaient s'abstenir. Résultat, les élèves ont été pris en charge par des surveillants. Certaines écoles ont par contre fermé leurs portes. Seuls ont fonctionné normalement les établissements qui sont parvenus à un accord à l'amiable avec leurs enseignants. Différents cas de figure étaient donc observés hier, alors que la grève était reconduite pour une deuxième journée consécutive et que la rumeur d'une grève ouverte enflait.

 

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« L'irresponsabilité » des autorités
Côté pourparlers, il semble que les solutions proposées par Marwan Hamadé n'aient satisfait personne, pas plus les enseignants que les écoles. « Nous refusons catégoriquement tout ce qui ne figure pas dans la loi », martèle à L'Orient-Le Jour le syndicaliste Rodolphe Abboud. Par ces propos, il rejette la proposition du ministre de l'Éducation d'étaler dans le temps les augmentations de salaires occasionnées par la loi 46. Il réclame aussi que la caisse des indemnités de fin de service assume ses fonctions sur base de la nouvelle loi. Mais assure qu'il n'a « rien contre les accords à l'amiable » entre les administrations et leurs enseignants. « Toutes les écoles ne sont pas en danger et chaque cas doit être étudié à part », soutient l'enseignant.

Même refus de la part du secrétaire général des écoles catholiques qui dénonce « l'irresponsabilité » des autorités qui ont adopté cette loi : « Que Dieu leur pardonne ! » lance-t-il. Et d'expliquer que le nœud réside « au niveau des six échelons exceptionnels attribués ». « Il est hors de question de les appliquer », répète pour la énième fois le père Boutros Azar, qui met en garde contre « un effondrement du système éducatif privé et plus particulièrement des écoles catholiques », poids lourd de l'enseignement privé avec environ 300 établissements. Car les « parents d'élèves refusent d'assumer les augmentations des scolarités » qu'entraînera l'échelle des salaires. « Est-il de plus normal qu'on impose aux institutions éducatives d'appliquer en septembre une loi adoptée en août, alors que les budgets scolaires ne sont votés qu'en décembre ? » demande-t-il avec colère.

L'avis favorable aux enseignants du département de législation et de consultation ne devrait pas changer la donne. « Cet avis n'est pas contraignant, mais uniquement consultatif », répond tout de go le secrétaire général des écoles catholiques aux enseignants tentés de crier victoire.

C'est dans cette impasse totale que tente de naviguer Marwan Hamadé, à l'heure où un collectif de comités de parents d'élèves appelle à « cesser de payer les écolages ». « Ne faites pas assumer vos différends aux élèves », a demandé le ministre aux deux parties, assurant que les solutions existent (comme l'étalement dans le temps des augmentations de salaires des enseignants) et que la grève n'a pas lieu d'être. Après avoir rencontré hier les représentants des institutions privées, il doit recevoir aujourd'hui les représentants du syndicat des enseignants, en grève pour la deuxième journée consécutive.

 

 

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