En première ligne sur les dossiers libyens et palestiniens, au côté de l'Arabie saoudite dans ses conflits ouverts avec le Yémen, le Qatar et l'Iran, l'Égypte redouble d'efforts pour redevenir un acteur incontournable de la scène diplomatique moyen-orientale.
Suite à la démission surprise le 4 novembre depuis Riyad du Premier ministre libanais, Saad Hariri, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi avait essayé de défendre une vision de modération, déclarant « ne pas être pour la guerre. (...) La région fait déjà face à suffisamment de troubles », mais avertissant que la sécurité des pays du Golfe constituait pour lui « une ligne rouge ». Le Caire s'est par ailleurs joint à Riyad et ses alliés dans le blocus contre le Qatar déclenché le 5 juin dernier, accusant Doha de « financer le terrorisme » et lui reprochant d'entretenir des liens trop étroits avec Téhéran.
Face à la tournure qu'ont pris les événements régionaux, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukry, a par ailleurs effectué récemment une tournée diplomatique en Jordanie et dans le Golfe pour y rencontrer les dirigeants d'Arabie saoudite, de Koweït, de Bahreïn et d'Oman. L'objectif de ces visites était de transmettre un message du président égyptien pour y « confirmer la politique égyptienne, qui consiste à œuvrer en faveur de solutions politiques aux crises pour épargner davantage de troubles et de polarisation dans la région », a précisé Le Caire avant le début de la tournée. M. Sissi a par ailleurs invité M. Hariri au Caire avant son retour au Liban pour s'entretenir avec lui, deux jours après la réunion d'urgence convoquée par la Ligue arabe dans la capitale égyptienne pour examiner les « ingérences iraniennes » dans la région, à la demande de Riyad.
Dans le même temps, Le Caire, fortement investi dans le processus de paix israélo-palestinien, a également accueilli cette semaine treize factions palestiniennes pour un nouveau round de négociations afin de permettre la signature d'un accord de réconciliation entre le Fateh et le Hamas, alors que le contrôle de la bande de Gaza a été transféré à l'Autorité palestinienne le 1er novembre. Le Caire veut se présenter comme le parrain de la réconciliation palestinienne.
(Lire aussi : Hariri au Caire : "Je ne vais pas parler politique maintenant, c'est au Liban que j'annoncerai ma position")
Diversifier les axes
Le Caire cherche ainsi à aller de l'avant après un ralentissement de son activité diplomatique ces dernières années. Sous la présidence de Hosni Moubarak, qui a dirigé le pays d'une main de fer de 1981 à 2011, la diplomatie égyptienne était particulièrement conditionnée par l'alliance entre Le Caire et Washington. L'arrivée des Frères musulmans au pouvoir avec la présidence de Mohammad Morsi, premier président démocratiquement élu en 2012 après les révolutions arabes, puis le coup d'État de 2014 amenant Abdel Fattah al-Sissi à la tête du pays ont permis d'intensifier l'activité diplomatique égyptienne pour diversifier les axes régionaux et internationaux.
Dès le début de son mandat, M. Morsi avait annoncé vouloir mener une « politique étrangère équilibrée » déclarant « les relations internationales entre tous les pays ouvertes ».
Si dans un premier temps M. Sissi a pour sa part « lancé une politique étrangère qui était plus motivée idéologiquement que cela n'avait été le cas avec les présidents égyptiens précédents » de par son hostilité aux Frères musulmans, ce dernier est revenu ces derniers temps à une politique plus en phase avec les intérêts nationaux du pays, explique Michele Dunne, chercheuse et directrice du programme du Moyen-Orient de l'institut Carnegie à Washington DC, contactée par L'Orient-Le Jour. L'Égypte, qui a cherché à se distancier de l'Arabie saoudite sur le dossier syrien en se rapprochant de l'axe Damas-Téhéran-Moscou en 2016, joue un numéro d'équilibriste par ses alliances avec les différentes puissances régionales.
Le Caire est également aux aguets sur le dossier de son voisin libyen, où elle soutient le maréchal Haftar en multipliant les réunions avec la Tunisie et l'Algérie pour une solution pacifique au conflit qui continue de secouer le pays. L'objectif recherché est la remise sur pied du pays depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 de manière à contenir la relocalisation des membres de l'organisation État islamique en Libye.
(Lire aussi : Paris, Le Caire, les ventes d’armes et les droits de l’homme)
« Intérêts légitimes »
« La diplomatie de M. Sissi est motivée par trois facteurs », souligne Mme Dunne. Certes, « il y a les intérêts de sécurité nationale » mais également « le besoin de sécuriser les financements externes pour garder le gouvernement sur pied, ces financements venant principalement des Émirats arabes unis, de l'Arabie saoudite et du Fonds monétaire mondial », note-t-elle. Enfin, le dirigeant égyptien « doit montrer qu'il est utile aux acteurs internationaux clés tels que les États-Unis, Israël, la Russie et la France afin de garder les aides pour son armement et sa sécurité », poursuit la spécialiste.
Le poids de l'Égypte dans la région est d'autant plus crucial que le pays dispose de l'armée la plus importante du Moyen-Orient et sa base militaire d'al-Hammam sur les côtes méditerranéennes, inaugurée en juillet 2017 par le président Sissi, est l'une des plus importantes du Moyen-Orient et d'Afrique, a indiqué l'agence de presse officielle égyptienne MENA. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, s'est notamment entretenu avec M. Sissi au début du mois lors d'une visite au Caire pour discuter des « tensions régionales » et entretenir le partenariat stratégique entre les deux pays. L'Égypte est le quatrième destinataire des exportations d'armement françaises sur la période entre 2007 et 2016, et a acquis par ailleurs 24 avions de combat Rafale en 2015.
Il s'agit cependant de savoir si les récentes activités diplomatiques du Caire « vont contribuer à la résolution de problèmes épineux, ou si elles tendent uniquement à réaffirmer la place de l'Égypte dans la région », s'interroge Mme Dunne. Car selon la chercheuse, « l'Égypte a des intérêts légitimes et une influence sur les acteurs étatiques et non étatiques à ses frontières, mais il n'est pas clair si elle dispose d'un réel levier ou de la capacité de projeter son pouvoir militaire dans d'autres parties du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ».
Suite à la démission surprise le 4 novembre depuis Riyad du Premier ministre libanais, Saad Hariri, le président égyptien Abdel...
commentaires (3)
Pour arriver à ce stade , il FAUDRA être plus indépendant, enfin moins dépendant des bensaouds wahabites qui sont eux mêmes aux ordres de .........
FRIK-A-FRAK
15 h 58, le 28 novembre 2017