« Nous ne déclarons pas la guerre à l'Iran à ce stade », a tenu à préciser Ahmad Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue arabe, dimanche au Caire. Organisée à la demande expresse de l'Arabie saoudite, la réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères des pays membres s'est conclue par une déclaration commune appelant Téhéran et ses « agents » à cesser leurs « agressions flagrantes » dans la région, qualifiant le Hezbollah de « terroriste » et prônant la légitime défense.
La réponse de Téhéran ne s'est pas – trop – fait attendre. C'est presque d'un revers de main que la République islamique a balayé les déclarations des ministres arabes, les jugeant « sans valeur ». « La solution aux problèmes de la région, dont une grande partie est le résultat de la politique stérile de l'Arabie saoudite, n'est pas de publier de telles déclarations sans valeur, mais de cesser de suivre la politique du régime sioniste (Israël) qui cherche à accentuer les divisions dans la région (...) et qui veut détourner l'attention des peuples et gouvernements musulmans de la question principale, à savoir l'occupation de la Palestine », a ainsi déclaré Bahram Ghassemi, le porte-parole de la diplomatie iranienne, cité par l'agence ISNA. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a réagi avec la même tonalité dans la soirée.
La condamnation de l'Iran par les pays membres de la Ligue arabe n'a rien de nouveau. Elle a même, à plus d'une reprise, été la raison d'être de la réunion des pays membres. À Nouakchott (Mauritanie), en juillet 2016, comme au Caire, en janvier de cette même année, Ahmad Aboul Gheit et son prédécesseur Nabil el-Arabi avaient dénoncé les immixtions iraniennes dans la région, se félicitant à l'unisson ou presque d'une collaboration arabe sans précédent. Et puis plus rien.
Le contexte est aujourd'hui différent. À Damas, le régime de Bachar el-Assad peut estimer avoir gagné la guerre, même si elle est encore en cours, grâce aux soutiens iranien et russe. Plus que jamais, le croissant chiite tant craint par les détracteurs de l'Iran, Israël en tête, est en passe de devenir une réalité concrète. Le Yémen est devenu, en plus de deux ans, un bourbier désastreux pour l'Arabie saoudite, dont la campagne militaire dévastatrice est loin d'avoir atteint le but escompté.
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Impuissance arabe
Le communiqué final de la Ligue arabe, sans être un ultimatum, n'est rien de moins qu'un sérieux avertissement. Mais aussi un aveu d'impuissance. La virulence des propos tenus est inédite, et le ministre émirati des Affaires étrangères a même qualifié les déclarations de ses homologues arabes d'« historiques » et de « preuves de l'efficacité du travail en commun des pays arabes ». Mais aucune mesure concrète, ou presque, n'a été prise, mis à part l'arrêt de diffusion de chaînes télévisées financées par l'Iran dans les pays arabes, accusées d'attiser les « tensions sectaires et confessionnelles ». Il faut dire que la Ligue arabe a une marge de manœuvre plutôt limitée. Concrètement, mis à part l'exclusion d'un État membre (ce qui n'est pas le cas de l'Iran) ou un appel au Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui a été clairement évoqué dimanche soir, il lui est difficile de prendre des mesures drastiques. Ce qui n'a pas vraiment de quoi effrayer la République islamique. D'autant plus que Téhéran n'a pas que des ennemis dans la région.
Plusieurs États ou gouvernements, à l'instar du sultanat d'Oman, du Koweït, de l'Irak, du Qatar, de l'Autorité palestinienne ou encore de l'Égypte, entretiennent des relations sinon chaleureuses, du moins cordiales avec l'Iran, et à plusieurs niveaux. Il faut, a priori, bien plus qu'un communiqué, quelle que soit sa virulence, pour dissuader ces gouvernements d'interagir avec un pays qui, ces dernières années, monte en puissance dans la région. Il faut ainsi distinguer le vote quasi unanime de dimanche soir de la formation d'un front arabe motivé à endiguer l'expansion iranienne. Ces liens complexes, et les dissensions au sein même de la Ligue arabe – la mise au ban du Qatar depuis le 5 juin par ses voisins du Golfe en est un exemple criant – ne permettent pas à une organisation historiquement désunie de réellement faire front à une puissance non arabe aussi influente dans la région. « La Ligue arabe ? Combien de divisions ? » répond, en somme, Téhéran face aux diatribes de ses adversaires.
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13 h 13, le 21 novembre 2017