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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Le Hezbollah au Yémen : mythe ou réalité ?

La présence effective de membres du parti de Dieu fait débat, dans un contexte d'escalade entre l'Arabie saoudite et l'Iran.

Des partisans des houthis lors d’une manifestation à Sanaa, le 12 octobre 2016. Khaled Abdullah/Reuters

Saad Hariri n'a pas l'habitude de s'exprimer sur la crise yéménite. Dimanche dernier, au cours d'une interview à Riyad, la première depuis sa démission, le Premier ministre libanais a pourtant insisté à plusieurs reprises sur le fait que l'Arabie saoudite ne pouvait pas tolérer la présence du Hezbollah au Yémen. Une façon pour Riyad de faire passer un message clair concernant la définition de ses lignes rouges vis-à-vis du mouvement chiite, accusé d'être l'instrument de l'ingérence iranienne dans la région.

« Là où l'Iran est présent, il sème la division et la destruction. La preuve de cela est son ingérence dans les pays arabes, sans parler de sa rancune profonde contre la nation arabe », avait déjà accusé M. Hariri, dans un ton qui ne lui ressemblait guère, dans son discours de démission à Riyad. « L'Iran a une mainmise sur le destin des pays de la région (...) Le Hezbollah est le bras de l'Iran non seulement au Liban mais également dans les autres pays arabes », avait-il ajouté. La présence du Hezbollah et des gardiens de la révolution au Yémen semble être au cœur de l'escalade verbale des derniers jours entre l'Arabie saoudite et l'Iran, parrain du parti de Dieu, dont le Liban subit aujourd'hui les secousses.

Le soutien iranien aux houthis yéménites est un secret de Polichinelle. Mais la réalité de ce soutien est au cœur de nombreuses polémiques. Téhéran n'a jamais caché appuyer politiquement les revendications des rebelles zaïdites, mais dément toute implication militaire dans le conflit actuel. L'Arabie saoudite et ses alliés régionaux dénoncent, pour leur part, avec véhémence l'aide financière et militaire conséquente apportée par Téhéran aux houthis.

 

(Lire aussi : « Sans nouvelles forces progressistes, le M-O est condamné à s'enfoncer dans le choc des barbaries »)

 

La participation de l'Iran, et par association du Hezbollah, dans les conflits de la région, notamment en Syrie et au Yémen, inquiète au plus haut point le royaume wahhabite. Depuis le début de sa campagne militaire au Yémen en mars 2015, il dénonce régulièrement la « présence » des gardiens de la révolution iraniens sur le terrain. Ces critiques sont allées crescendo, parallèlement aux succès militaires iraniens engrangés en Syrie, aux côtés des forces de Bachar el-Assad et de Moscou.

Le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS), à l'origine de la campagne militaire saoudienne au Yémen, adopte une position de plus en plus dure face à Téhéran. Il n'a pas hésité, à l'occasion d'une interview donnée à Reuters fin octobre, à affirmer qu'un dialogue avec une puissance qui croit au « retour de l'imam Mahdi » est « impossible », et que la guerre se poursuivrait au Yémen pour empêcher la création d'un « nouveau Hezbollah » dans la région. Les enjeux sont faciles à deviner : le détroit stratégique de Bab al-Mandeb, dans le sud-ouest yéménite, est un passage-clé du commerce maritime mondial, et le royaume ne peut permettre que son ennemi acquière une grande influence dans ce qu'il considère être son arrière-cour. L'Arabie a déjà été la cible, ces deux dernières années, de missiles tirés par les houthis. Non moins de 76 missiles, plus exactement. Mais le dernier en date, tiré le 4 novembre et visant l'aéroport de Riyad, a été celui de trop. Riyad a immédiatement accusé Téhéran d'être à l'origine de ce tir, et des experts saoudiens ayant examiné les débris retrouvés ont conclu à une implication iranienne dans sa production et sa vente. Pour la première fois, les Saoudiens ont la preuve des capacités houthies à utiliser des missiles de longue portée – plus de 1 500 kilomètres – et par conséquent des menaces que cela implique pour le royaume.

 

(Lire aussi : Vers un soutien en demi-teinte de la Ligue arabe à Riyad)

 

Estimations vagues
Ces développements ont été précédés par les déclarations en juillet 2017 du leader des houthis au Yémen, Abdel Malik el-Houthi, selon lequel ses partisans sont prêts à combattre Israël aux côtés du Hezbollah. Proximités idéologique, religieuse, politique lient les houthis au parti de Dieu. Depuis les années 1990, puis la guerre du Saada en 2004, qui pose les jalons du conflit actuel, ces rebelles zaïdites – et donc chiites (mais non duodécimains comme c'est le cas du Hezbollah) – ont développé une rhétorique qui dénigre impérialisme américain, sionisme et wahhabisme. Il n'en faut pas davantage pour établir un lien entre les deux mouvements. Mais qu'en est-il de la présence effective du Hezbollah au Yémen ? Peu d'informations existent en réalité à ce sujet. Les estimations oscillent entre quelques dizaines et quelques centaines de membres sur place, mais restent impossibles à vérifier. « Je n'ai aucune certitude, sauf qu'il y aurait supposément 85 Iraniens et membres du Hezbollah au Yémen. Ce ne sont pas des combattants, mais des conseillers et des experts venus offrir leur assistance aux houthis dans plusieurs domaines, comme les tactiques militaires, et un soutien technique, surtout concernant les missiles », explique à L'Orient-Le Jour Majed el-Madhaji, directeur général et cofondateur du Sanaa Center for Strategic Studies. D'après lui, ces conseillers apportent également leur expertise dans tout ce qui est relatif au développement de l'appareil sécuritaire des houthis, ainsi que leur réseau de propagande et des médias.

Un soutien accru aux houthis de la part de l'Iran est néanmoins indéniable. De nombreux rapports, comme celui du think tank American Enterprise Institute, dans le cadre du projet Critical Threats, et des enquêtes, l'attestent. Téhéran aurait, par le biais d'une nouvelle route navale dans le Golfe, fait parvenir plusieurs milliers d'armes légères et lourdes et de missiles aux houthis, en dépit de la surveillance de la marine koweïtienne. Ces armes, à l'instar de missiles antichars fabriqués en Iran et utilisés par le Hezbollah, n'ont fait leur apparition au Yémen qu'à partir de 2015, et ne faisaient pas partie des stocks d'avant-guerre utilisés par l'armée gouvernementale yéménite dans lesquels les houthis ont puisé au cours de leur avancée vers la capitale.

 

(Lire aussi : L'autoroute chiite sera-t-elle brisée, et, si oui, par qui ?)

 

Mais de là à affirmer qu'un « nouveau Hezbollah » est en germe au Yémen, il y a un pas. Les similarités sont certes frappantes, mais les houthis ne partagent pas la relation « organique » qu'entretient le Hezbollah avec l'Iran. « Il n'y a pas de Hezbollah yéménite. La différence principale entre les deux groupes tient du fait que certes les houthis sont alliés à l'Iran, mais ils en sont bien plus indépendants, contrairement au Hezbollah », analyse Majed el-Madhaji. Sur le plan religieux, les houthis ne sont pas soumis à l'autorité du vilayet al-fakih, comme c'est le cas du Hezbollah.

« Je ne pense pas qu'il y ait une tentative de créer une branche du Hezbollah au Yémen alors que les houthis sont déjà présents », affirme Majed el-Madhaji, selon lequel les Saoudiens crient au loup pour souligner le danger que les houthis, et le Hezbollah, représentent pour la sécurité du royaume. Mais Riyad ne fait pas que de la surenchère. S'il fait de la présence des Iraniens et du Hezbollah au Yémen une obsession, alors que celle-ci est nettement moindre qu'en Syrie et en Irak, c'est qu'il semble considérer que, même si celle-ci est faible, elle représente un plus grand danger pour sa sécurité. Plus de deux ans et demi après le début d'une campagne coûteuse, désastreuse mais surtout peu concluante au Yémen, il s'agit également, pour MBS, de sauver la face. En ne permettant plus qu'un gouvernement présidé par un de ses alliés puisse inclure des membres d'une milice qui, de manière plus ou moins directe, lui font clairement la guerre.

 

 

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commentaires (2)

Et pourquoi pas! Opprimés de tous les pays unissez vous! c'est ringard peut être, mais c'est de l'humanisme. Une "puissance" militaire (c'est nouveau) comme celle des wahhabites affronté le petit Yémen (style Liban/Israel) et observé et commenté sans critique, ni intervention de l'occident, c'est aberrant. Je pense que l'occident aurait réagi autrement dans une sphère différente (style Russie/Ukraine); Bon des musulmans massacrés! Bof c'est style désinsectisation.

wayzani jamal

11 h 20, le 16 novembre 2017

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Commentaires (2)

  • Et pourquoi pas! Opprimés de tous les pays unissez vous! c'est ringard peut être, mais c'est de l'humanisme. Une "puissance" militaire (c'est nouveau) comme celle des wahhabites affronté le petit Yémen (style Liban/Israel) et observé et commenté sans critique, ni intervention de l'occident, c'est aberrant. Je pense que l'occident aurait réagi autrement dans une sphère différente (style Russie/Ukraine); Bon des musulmans massacrés! Bof c'est style désinsectisation.

    wayzani jamal

    11 h 20, le 16 novembre 2017

  • MAIS C,EST LE HEZB LUI-MEME QUI S,EN ENORGUEILLE ET L,AVAIT CONFIRME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 41, le 16 novembre 2017

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