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Moyen Orient et Monde - Troubles

Un an après, le Rif marocain gronde encore

Les manifestations de grande ampleur se sont essoufflées, mais la contestation continue d'animer la scène politico-judiciaire.

Des manifestants pour la libération du leader de la contestation dans le Rif, Nasser Zefzafi, hier devant la cour d’appel de Casablanca. Fadel Senna/AFP

« Il y a maintenant un climat de terreur qui règne sur al-Hoceima », témoigne à L'Orient-Le Jour Omar Radi, journaliste freelance sur place, pour décrire la ville qui a vu naître le mouvement de contestation du Rif marocain, il y a un an jour pour jour. « Les gens n'osent plus sortir dans la rue, il est possible d'aller en prison pour un tweet ou un simple statut Facebook », ajoute-t-il.

Le roi du Maroc Mohammad VI vient pourtant de faire un geste envers les manifestants, en limogeant plusieurs de ses ministres, mis en cause dans un rapport critiquant la mauvaise gestion du projet de développement économique du Rif. Si l'événement a été qualifié de « séisme politique » par la presse marocaine, le roi semble surtout avoir réalisé une belle opération de communication. « Les personnalités renvoyées, telles que Mohammad Hassad, actuel ministre de l'Éducation et ministre de l'Intérieur dans le gouvernement précédent, étaient déjà en fin de carrière ou n'avaient plus beaucoup de responsabilités, décrypte pour L'OLJ Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb.

La décision du roi ne devrait pas suffire à calmer les ardeurs des manifestants. La contestation du Rif a débuté le 28 octobre 2016 quand Mouhcine Firkri, vendeur de poissons, a été accidentellement broyé dans une benne à ordure suite à la confiscation par un policier de sa marchandise pêchée illégalement. Les habitants d'al-Hoceima, lieu du drame, sont alors descendus dans la rue pour réclamer justice. Mais les manifestations ont pris assez vite une tout autre ampleur, cristallisant les revendications sociales de tout le Rif, une région marginalisée du Maroc.

 

(Lire aussi : Le roi du Maroc limoge trois ministres sur fond de contestation dans le nord)

 

 

« Beaucoup d'irrégularités »
Un an après, si le Hirak s'est essoufflé en tant que mouvement social, il continue cependant d'agiter les scènes politique et judiciaire. Et pour cause : les procès des militants arrêtés par le pouvoir central durant les manifestations ont été reportés à plusieurs reprises au cours des dernières semaines. « Il y a beaucoup d'irrégularités dans le procès », confirme à L'OLJ Me Mohammad Aghnaj, avocat chargé de la défense de 50 détenus du Hirak. D'après lui, les conditions de visite sont particulièrement contraignantes en prison, et plusieurs de ses collègues ont reçu des « intimidations ». Il y a quatre jours, se tenait en effet la quatrième audience de ce procès, d'une trentaine de militants d'al-Hoceima. Deux militants en grève de la faim ont dû quitter l'audience du fait de leur « état critique ». L'enjeu est particulièrement sensible pour le pouvoir royal, qui ne veut pas donner une vitrine médiatique aux contestataires, notamment à Nasser Zefzafi, le leader du mouvement. Ce dernier s'était attiré les foudres du pouvoir en déclarant, en pleine crise du Rif, que la mosquée « n'est pas un lieu pour faire de la politique », en réponse au prêche d'un imam d'al-Hoceima qui accusait les manifestants de favoriser la fitna (discorde). Le royaume avait violemment réagi en décidant d'arrêter les principaux cadres du mouvement ainsi qu'un grand nombre d'activistes, qui attendent aujourd'hui leur jugement.

Si Rabat contrôle le temps médiatique, il ne semble pas être pour autant en mesure d'apporter une réponse autre que sécuritaire à la crise. Aucune solution à court terme n'a en effet été trouvée pour le moment par les autorités pour répondre aux enjeux économiques et sociaux de la région du Rif. « Un an après la naissance de la contestation, le Hirak demeure l'événement politique, social, économique le plus important depuis le printemps arabe dans la mesure où toute une partie du pays très forte symboliquement est rentrée dans un processus de contestation », explique Pierre Vermeren. Un événement qui, dans ces circonstances, peut difficilement rester sans suite.

 

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