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Moyen Orient et Monde - Irak

« Nous sommes toujours obligés de fuir, ça arrive tout le temps aux chrétiens... »

Alors que forces fédérales irakiennes et combattants kurdes peshmergas s'affrontent à l'arme lourde, des dizaines de milliers de civils ont pris la route de l'exode. Parmi eux, des centaines de familles chrétiennes du nord de Mossoul, obligées de quitter leurs maisons pour la deuxième fois en trois ans.

Des déplacés chrétiens font la file dans la bourgade d’Alqosh pour recevoir des vivres et des matelas. Crédit Marc-Antoine Pelaez

Couché sur le flanc d'une colline aride, quarante logements préfabriqués forment le camp de Bahindawa, ouvert en 2014 après la conquête d'un tiers de l'Irak par le groupe État islamique (EI). Abandonné pendant de longs mois, le refuge fourmille à nouveau d'enfants joueurs et de parents épuisés. Si le « califat » s'est effondré et que les jihadistes sont désormais acculés dans la partie occidentale de la province de Anbar, les familles chrétiennes de la plaine de Ninive doivent affronter une nouvelle menace.

« J'ai le cœur brisé », lâche Bassima Audish Gorgis, un crucifix tatoué sur le poignet droit. Il y a quelques jours, cette grand-mère de 58 ans a dû fuir, sept mois seulement après son retour d'exil. « J'ai remercié Dieu quand nous avons pu revenir chez nous après le départ de l'État islamique. Mais nous avons encore dû quitter notre maison. Cet enfant n'a rien à voir avec le conflit entre les gouvernements kurde et irakien », proteste-t-elle en tenant son petit-fils d'un an dans les bras.

Depuis près de deux semaines, des combats à l'artillerie lourde opposent épisodiquement peshmergas et forces gouvernementales sur plusieurs fronts, malgré l'appel des autorités kurdes à un cessez-le-feu. De violents affrontements ont notamment eu lieu jeudi du côté du poste-frontière de Fichkhabour, passage vers la Turquie et la Syrie, où file un important oléoduc. Les forces fédérales irakiennes avancent pour reprendre au gouvernement régional du Kurdistan les territoires passés sous son contrôle depuis 2003, à l'instar des villages chrétiens du nord de Mossoul. Un conflit qui a déjà poussé 175 000 civils sur la route de l'exode.

 

(Pour mémoire : Un irréductible village chrétien en révolte contre le Kurdistan « dictatorial »)

 

 

« Je suis exténué », concède Faraj Zaki Gorgis, le mari de Bassima, qui porte la guerre dans sa chair. Ce vétéran du conflit Irak-Iran retrousse son pantalon brun pour dévoiler une jambe meurtrie par l'explosion d'un obus de mortier en 1988. Le sexagénaire, moustache cendrée sur visage parchemin, doit désormais dormir par terre avec sa famille dans une caravane de 15 mètres carrés. « Notre vie n'est que combats, toute mon existence nous avons eu peur », chuchote sa compagne.

Une quarantaine de familles chrétiennes ont trouvé refuge dans le camp de Bahindawa, 26 de plus dans le village éponyme, et au moins 800 dans la bourgade d'Alqosh, à une poignée de kilomètres plus à l'Est. Tous ont fui les affrontements entre les peshmergas et des forces irakiennes, appuyées par des milices en partie soutenues par l'Iran. Des combats qui ont grièvement blessé deux enfants à Teleskof, selon plusieurs résidents de cette ville située à 25 kilomètres au nord de Mossoul.

 

(Lire aussi : « Nous nous méfions plus des peshmergas que de l’État islamique »)

 

« Évidemment qu'on veut émigrer »
Le père Ghazwan, 47 ans, avance au pas de course entre la centaine de personnes qui ont subitement fait irruption dans l'église chaldéenne dédiée au saint Georges. Il coordonne avec les humanitaires présents, donne des ordres, apporte des mots de réconfort ou organise des distributions de vivres. La force de l'expérience. « C'est la quatrième crise que nous devons gérer », explique le prêtre avec un sourire triste. « Il y a eu 2008 et 2010, pendant la guerre civile, 2014 avec l'arrivée de l'État islamique, et, aujourd'hui, en 2017. S'il devait y avoir une cinquième fois, je pense que ce serait notre fin », lâche le prêtre, qui a accueilli ces derniers jours une dizaine de familles dans son église, dont Liliane. À seulement 17 ans, elle emprunte la route de l'exode pour la seconde fois déjà. « Nous sommes toujours obligés de fuir, ça arrive tout le temps aux chrétiens », se lamente l'adolescente.

Des familles qui fuient les combats, encore, mais pas nécessairement l'avancée des forces fédérales. La communauté est divisée entre ceux qui veulent revenir dans le giron du gouvernement central, ceux qui préfèrent la région kurde, et ceux qui rejettent les deux et réclament une protection internationale. Ou veulent quitter l'Irak pour de bon. « Évidemment qu'on veut émigrer, ici notre avenir est déjà détruit, assure Liliane. On a essayé les Irakiens, on a essayé les Kurdes, et on est toujours chassés de chez nous. »

 

 

 

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